Du concile Vatican II et de ses suites, il ne pouvait, jusqu’à présent, s’agir que d’un monde en blanc ou en noir. Conciliaire, on ne trouvait au concile et à ses suites que des mérites ; traditionaliste, on jugeait avec mépris ses imprudences. En historien et en sociologue, Guillaume Cuchet donne du concile une nouvelle approche. Autant il juge qu’il a été nécessaire, autant il pense que l’analyse de ses fruits a été biaisée. Dans une première partie, l’auteur dresse l’état de l’Eglise dans la France de l’après-guerre à partir de l’enquête sociologique réalisée par le chanoine Fernand Boulard ; le taux de pratique se situe alors autour de 45 %. 1965, l’année de la dernière session du concile, marque selon l’auteur le début de l’effondrement dans lequel l’Eglise se débat encore. Au-delà des dates et du constat, ce qui attire l’attention dans le livre de G. Cuchet est l’examen qu’il fait des causes de la rupture. Insistons : chez lui, pas de critique quant à la nécessité du concile ainsi qu’à l’égard des textes. Ce sont plutôt les facteurs psychologiques qui ont joué. Avec un niveau d’exigence orienté à la baisse, une mise en sourdine de la pastorale des fins dernières et la désinstallation d’un système séculaire, le contrecoup allait être inéluctable. Comme l’écrit l’auteur, « la sortie de la culture de la pratique obligatoire sous peine de péché mortel a joué un rôle capital » (p. 213)
Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien, Seuil, 2018, 283 pages, 21€
L’extrait : « J’aurais tendance à dire personnellement que le concile a non pas provoqué la rupture (en ce sens qu’elle n’aurait pas eu lieu sans lui), mais qu’il l’a déclenchée tout en lui donnant une intensité particulière. » (p. 272)