Traité des sacrements : Tome 7, Le mariage, sacrement de l’amour
C’est à une œuvre colossale que s’est attelé le P. Jean-Philippe Revel, dominicain. Quand on sait la littérature torrentielle à laquelle ont donné lieu les sacrements de l’Eglise, il fallait une bonne dose de courage pour s’attaquer à pareil sujet. Avec ce dernier opus, le P. Revel en est au cinquième tome d’une série qui doit en compter huit.
Le Traité du P. Revel suit une trame historique. Nous avons bien affaire à une histoire du sacrement de mariage à travers les âges, avec les évolutions et les débats auxquels ces derniers ont donné lieu. Les sacrements ont mis des siècles pour se forger ; par conséquent, lire leur histoire c’est comprendre leur actualité. Le tableau que dresse le P. Revel, impressionnant de rigueur et d’érudition, explique bien les tribulations subies par le sacrement de mariage. L’Eglise ne tarde pas à sanctifier l’union de l’homme et de la femme. Les Pères de l’Eglise sont généralement réticents à son égard. La perspective eschatologique qui est la leur les conduit à exalter la continence et la chasteté au détriment de l’union conjugale, laquelle est consommée dans l’œuvre de chair. Il faut attendre le XII° siècle pour que le mariage acquière définitivement le titre de sacrement.
Non content de donner une histoire complète du mariage (théologie, rite…), le P. Revel n’ignore rien des débats contemporains. La question des personnes divorcées remariées fait bien sûr l’objet de pages très complètes. Même chose s’agissant de la question du ministre du sacrement. En Occident, les époux sont considérés comme étant les ministres du sacrement, pas en Orient où le prêtre joue ce rôle. Dans un cas comme dans l’autre, le P. Revel n’hésite pas à dire sa préférence : par exemple il penche nettement en faveur de la position de Melchior Cano, reprise par certains théologiens et canonistes contemporains, qui dénie aux époux le rôle de ministres du sacrement. Les époux sont-ils nécessairement ministres ? Cette position traditionnelle dans l’Eglise latine n’a pas l’aval de tous ; n’est-ce pas la médiation du prêtre qui confère la grâce au sacrement ? Ainsi, alors qu’il passe en revue l’ensemble des dimensions du mariage, le P. Revel n’oublie pas les controverses nées de pratiques pastorales parfois discutées. Cette conjonction, mélangeant érudition et questionnements contemporains, fait de ce volume un incontournable. Comment ne pas remercier le P. Revel pour ce travail monumental et toujours pertinent ?
Jean-Philippe Revel, Traité des sacrements. VII – Le mariage, Le Cerf, 2012, 709 pages, 57 €