La France et la mer
Auteur d’un remarquable Règne de Louis XIV, Olivier Chaline continue son exploration minutieuse de la France d’Ancien Régime. Intitulé Quand les Bourbons voulaient dominer les océans, ce gros livre, qui mélange allégrement anecdotes et réflexion, entreprend et réussit à réconcilier l’histoire de France avec la mer. Allons plus loin, il s’agit même d’une réhabilitation. Le Français n’était pas réputé voyageur, on l’imagine volontiers casanier, rétif aux aventures, surtout maritimes. Or, que voit-on ici ? Un peuple de terriens certes, mais suffisamment vigoureux et entreprenant pour se risquer hors de chez lui sur l’élément liquide. Dans La peur en Occident, Jean Delumeau pointait les peurs de l’homme médiéval devant la mer et l’océan. Avec les Temps Modernes, le Français avait vaincu sa frayeur traditionnelle et n’hésitait plus à affronter les dangers. Bravant les tempêtes, l’inconnu, la promiscuité et la saleté de la vie du bord, les anciens se sont pris de passion pour la mer, cette « frontière béante ». Consacrés aux gens de mer et à leurs matériels, deux siècles d’histoire sont ici passés en revue. Marines de guerre, de commerce constituent les objets de cette vaste synthèse. Ces « deux siècles d’histoire de France vue de la mer » ne s’arc-boutent pas sur une structure chronologique. Cette vision historiciste aurait nui au développement d’une thèse voulant démontrer qu’à la fin de la monarchie il y eut une volonté générale – des rois, des armateurs, des soldats… – de maîtriser les flots. La lutte séculaire contre l’ennemi anglais est loin d’expliquer à lui seul cet engouement. En dépit des dangers et de l’inconnu, de plus en plus de Français se faisaient et se voulaient gens de mer. Et il n’y a rien d’anachronique à penser que les victoires acquises par des Vendéens ou des Bretons dans les courses en solitaire puisent une part de leur racine dans l’enthousiasme des devanciers.
Olivier Chaline, La France et la mer, Flammarion, 2016, 558 pages, 25€