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Histoire Recensions

Les batailles qui ont changé l’histoire

Broché: 395 pages
Editeur : PERRIN (11 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262037582
ISBN-13: 978-2262037581
Dimensions : 24 x 3,2 x 15,5 cm

 Les batailles qui ont changé l’histoire

A la suite d’un John F. Charles Fuller (Les batailles décisives du monde occidental) ou d’un John Keegan (Anatomie de la bataille), Arnaud Blin a choisi de décortiquer onze batailles qui, à ses yeux, ont bouleversé le sens de l’histoire. Contrairement à ses illustres devanciers qui ont opéré un choix suivant une certaine logique, Arnaud Blin pense au contraire que la part du hasard est essentielle, qu’il n’y a pas lieu à chercher du sens là où il n’y en pas. Tout au plus peut-on dire qu’il a retenu des batailles revêtant un caractère incertain et aléatoire : il n’était en effet pas certain que l’Armée Rouge l’emporte sur l’Armée allemande à Stalingrad (1943) ni que les mamelouks battent les mongols à Ain-Jalut (1260). Les batailles exposées ici revêtent-elles toutes le caractère décisif que leur attribue l’auteur ? Oui et non. Pour importantes qu’ont été leurs conséquences, une bataille demeure, le plus souvent, l’affaire d’une journée. Le résultat d’un tel affrontement est généralement plus la conséquence que la cause d’une crise plus large. « Demain, dans la bataille, le roi portera la péché de son armée », fait dire Shakespeare à l’un des protagonistes de sa pièce Henri V. Ce que le dramaturge veut dire c’est qu’il y avait, bien avant l’affrontement, des causes générales qui faisaient que la bataille ne pouvait qu’être perdue. La défaite de la France en mai-juin 1940 se joue dès 1919. En ce sens, je ne crois guère qu’une bataille puisse, à elle seule, changer l’histoire. Quant au choix des batailles – j’y reviens ! -, il paraît plutôt judicieux. On aurait pu toutefois compléter la liste : Leipzig (1813) ou Waterloo (1815) se parent d’une dimension historique tout aussi importante que Borodino, seule bataille du Premier Empire à figurer ici. Plus près de nous, la bataille de Moscou (1941), au plan psychologique et symbolique, apparaît comme un tournant décisif de la Seconde Guerre mondiale, d’importance égale à celui de Stalingrad, la seule à être retenue dans le présent ouvrage.

Pour plaisant à lire qu’il soit, Les batailles… ont un côté un peu vain ; l’impression de la même histoire, racontée certes différemment, mais tous les ressorts semblent usés jusqu’à la corde.

Arnaud Blin, Les batailles qui ont changé l’histoire, Perrin, 2014, 395 pages, 23.90 €

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Une histoire buissonnière de la France

Poche : 574 pages
Editeur : Flammarion (28 août 2011)
Collection : ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 208123789X
ISBN-13 : 978-2081237896
Dimensions : 22 x 3,8 x 13,4 cm

 Une histoire buissonnière de la France

Pour qui souhaite lire une histoire décalée et originale de notre pays, il n’y a pas à hésiter : les historiens anglo-saxons sont les meilleurs dans ce genre d’exercice. L’Histoire buissonnière de la France, du britannique Graham Robb, va de pair avec l’époustouflante Fin des terroirs de l’américain Eugen Weber. Les Editions Flammarion ont eu l’excellente idée de rééditer le livre du premier, en poche, dans la collection « Champs ». Graham Robb n’est pas retourné à Mérovée et à Clovis, voire plus haut ; l’histoire qu’il nous propose concerne essentiellement les XVIII° et XIX° siècles. Qu’on ne s’attende pas à une histoire chronologique distillant dans le détail les événements politiques, économiques, sociaux et culturels qui ont marqué l’histoire tourmentée de la France de l’époque. A l’instar de ces voyageurs anglais qui découvraient l’Europe et la France, au temps où les grands périples se faisaient en diligence – avant l’arrivée du chemin de fer -, l’auteur est allé fouiller l’âme de la France, surtout son âme provinciale, ce qui faisait qu’elle paraissait davantage un agrégat de peuples mal mariés qu’une nation unie et indivisible. Quand il écrit cette Histoire buissonnière, que voit l’auteur ? Il décrit des populations qui parlent davantage patois que français, des humbles qui ne connaissent guère plus que leur canton, des croyances largement basées sur la superstition, bref, une nation hétéroclite de paysans et d’artisans, de territoires divers tenant mordicus à leurs particularités. Parmi les grandes évolutions qu’a connues le pays au XIX° siècle, il en est une qui est rarement mise en avant et qui pourtant, en liant les territoires et les hommes, en donnant un visage à la géographie de la France, s’est avérée crucial : la création d’un véritable réseau routier. Avant d’être industrielle et scientifique, c’est ici que Graham Robb voit le germe de la grande transformation qui va affecter l’Europe, en particulier celle de l’Ouest.

Mêlant érudition et humour, cette Histoire buissonnière de la France est un petit chef-d’œuvre d’originalité qui confirme le fait suivant : l’histoire, y compris la grande, s’élabore dans la vie quotidienne des peuples.

Graham Robb, Une histoire buissonnière de la France, Champs Histoire, 2011, 592 p., 10 €

 

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Les derniers jours de Louis XIV

Broché : 308 pages
Editeur : PERRIN (18 septembre 2014)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043353
ISBN-13 : 978-2262043353
Dimensions : 20,9 x 2,7 x 14 cm

 Les derniers jours de Louis XIV

Grand roi, le Roi-Soleil fut à l’approche de la mort tel qu’il a été dans la vie : soucieux de sa dignité, s’élevant au-dessus des mesquineries du quotidien pour donner à sa fin toute la majesté souhaitée. Les derniers jours de Louis XIV sont ceux d’un grand chrétien. Certes, le roi avait la foi du charbonnier mais, après tout, cette foi, dont certains se gaussent, a ceci de particulier qu’elle est aussi bien l’apanage des puissants que des humbles. Louis XIV n’était pas un métaphysicien : il croyait comme beaucoup croyaient au XVII° siècle. Dieu était, voilà tout Humain, on se devait de l’honorer et de lui rendre grâce.

En de courts chapitres, Alexandre Maral raconte le dernier conseil, la dernière promenade, la dernière messe, le dernier adieu du roi… jusqu’aux funérailles. Chaque chapitre est l’occasion d’admirer la constance et le courage de Louis XIV face à la mort. Accablé par de nombreux deuils dans les dernières années de sa vie, le roi puise sa force dans sa foi. Devant le spectacle de son corps en putréfaction (la gangrène), c’est lui qui console familiers et courtisans. Alors, oui, même si l’on peut en vouloir au Roi-Soleil d’avoir trop aimé les bâtiments et la guerre, reproches que lui-même s’adressa, comment ne pas être admiratif devant une mort aussi digne ? Un roi aussi grand devait être grand dans la mort. Il laissait un pays fatigué, mais sublimé par une geste glorieuse, pour une part fondatrice de l’Etat moderne : « Je m’en vais, mais l’Etat demeurera toujours », éclatante et élégante manière de quitter le monde : le roi est mort mais l’Etat lui survit – « Le roi est mort. Vive le roi ! » Frappante également est cette sorte de publicité qui est donnée à ces derniers jours. Alors qu’aujourd’hui tout est fait pour dissimuler la maladie grave d’un chef de l’Etat, il s’agit ici, avec les moyens dont on dispose, de ne rien cacher. Le roi doit être dans ses derniers jours tel qu’il a été dans la vie : on ne cache rien de celui qui, par la naissance, s’élevait au-dessus du commun des mortels.

Si l’on peut regretter un certain manque de souffle dans le récit, il faut savoir gré à l’auteur de s’emparer d’un sujet plus actuel qu’il n’y paraît.

 

Alexandre Maral, Les derniers jours de Louis XIV, Perrin, 2014, 308 pages, 22.50 €

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Histoire de la guerre

Broché : 628 pages
Editeur : PERRIN (28 août 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 226203544X
ISBN-13 : 978-2262035440
Dimensions : 21,1 x 4 x 14,3 cm

 Histoire de la guerre

Décédé il y a deux ans, l’historien britannique John Keegan s’est illustré à la fin du siècle dernier comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux d’histoire militaire. On se souvient de son Anatomie de la bataille et de sa façon très originale de considérer l’affrontement d’une journée entre deux armées : une vue au raz du sol, celle du combattant noyé dans la masse, aveuglé par la fumée, assommé par un bruit assourdissant. Avec John Keegan, la narration des batailles d’Azincourt (1415), de Waterloo (1815) et de la Somme (1916) prend un aspect saisissant et particulièrement concret. Avec l’Histoire de la guerre, Keegan répète en grand la leçon tirée de l’Anatomie de la bataille. Une bataille, ce sont des hommes qui souffrent, éprouvent des sentiments confus et parfois contradictoires dans un climat de violence poussé au paroxysme. Si une certaine historiographie – par exemple celle liée à l’Ecole des Annales – a eu tendance à minimiser le rôle de la guerre dans l’histoire, Keegan replace cette dernière au centre. Comme le pensait Clauzewitz et d’autres après lui (Raymond Aron), la guerre accouche de l’histoire ; la meilleure preuve en est que la plupart des grandes civilisations sont nées de la guerre. Mais plutôt que de se livrer à une histoire chronologique, Keegan a choisi de faire reposer son récit sur les principales forces sur lesquelles repose l’art de la guerre : les fortifications, la logistique, l’invention du fer, l’utilisation de la poudre… Une connaissance encyclopédique du sujet était nécessaire pour aboutir à une pareille maîtrise. Une telle histoire ne donne lieu à aucune généralisation, la guerre s’inscrivant dans l’histoire humaine au même titre que l’économie ou les arts. Une conclusion s’impose : la guerre est liée à la culture, elle révèle les grandes tendances culturelles d’un peuple ou d’une civilisation, ce qu’a par exemple bien montré Victor D. Hanson avec son remarquable Carnage et culture. A noter que, contrairement à beaucoup d’historiens militaires anglais, John Keegan propose une histoire très universelle, pas du tout « britanno-centrée ». Preuve en sont les exemples qu’il tire de l’histoire des Hittites ou des Maoris… Rien n’est plus universel que la guerre.

John Keegan, Histoire de la guerre, Perrin, 2014, 628 pages, 26 €

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Lettres de la Wehrmacht

Broché: 340 pages
Editeur : PERRIN (18 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262043396
ISBN-13: 978-2262043391
Dimensions : 21,1 x 2,7 x 14 cm

 Lettres de la Wehrmacht

Le soldat en guerre écrit beaucoup. Ce fut le cas des soldats allemands durant la Seconde Guerre Mondiale. Il n’est pas inutile ici de rappeler que, dans ce domaine, les Allemands en ont remontré aux autres nations belligérantes. En effet, malgré les défaites et la débâcle des derniers mois de la guerre, le service postal s’est toujours poursuivi : il en allait du maintien moral du soldat, élément capital dans tout conflit.

C’est à Berlin qu’une jeune chercheuse française, Marie Moutier, a exhumé, parmi 16 000 lettres, la centaine de lettres présentée dans ce volume.

Contrairement aux Lettres de Stalingrad écrites par les condamnés à mort qu’étaient les landser pris au piège par l’Armée Rouge – et qui ne peuvent se lire sans une certaine émotion -, celles qui nous sont données à lire ici reflètent les situations les plus diverses. Beaucoup, par exemple, sont écrites par des soldats heureux d’être, dans les premières années du conflit, membres d’une armée ayant acquis une telle puissance. Présentées chronologiquement, des années heureuses (1939-1942) à l’effondrement final (1943-1945), ces lettres racontent la plupart des situations dans lesquelles se trouvait le soldat allemand : au repos à Paris, dans l’attente d’une offensive russe, à l’arrivée en Cyrénaïque avec Rommel, etc. Une fois l’ouvrage refermé, deux impressions dominent. D’une part, comme l’écrit l’historien britannique Timothy Snyder en préface, « ce recueil nous incite à penser cette guerre en des termes plus universels qu’il ne nous plairait ». De fait, le soldat allemand, qu’il soit vainqueur ou défait, ressemble à la plupart des soldats des autres nations engagées dans ce titanesque conflit. Mais, sans fard, cet ouvrage montre également la morgue et l’orgueil de soldats plus souvent contaminés qu’on ne le pense par le virus nazi. Les lettres écrites dans la France de juin et juillet 1940 sont l’occasion pour le feldgrau de traiter les Français de pleutres, membres d’une nation dégénérée. Polonais et Soviétiques sont traités de sous-hommes, peuples bons pour l’esclavage. Beaucoup de lettres donnent à penser que, loin de se désolidariser des crimes commis par la SS ou la Gestapo, beaucoup d’anonymes ne voyaient aucun mal à traiter les peuples conquis de l’Est par le fer et le feu. Ces Lettres de la Wehrmacht éclairent le conflit sous un angle original.

 

Présentées par Marie Moutier, Lettres de la Wehrmacht, Perrin, 2014, 338 pages, 22 €

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Histoire du terrorisme

Broché: 488 pages
Editeur : PERRIN (20 mars 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033463
ISBN-13: 978-2262033460
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 Histoire du terrorisme

Gilles Ferragu a pris l’heureuse initiative de s’attaquer à un sujet qui, s’il est on ne peut plus actuel, n’a que rarement fait l’objet d’une étude historique. Cette Histoire du terrorisme ne commence pas avec les tyrannicides propres au XVI° siècle (assassinat des rois Henri III et Henri IV par Jacques Clément et Ravaillac), mais trois siècles plus tard. Pourquoi ? Parce que, comme le précise l’auteur, « le XIX° siècle invente le terrorisme dans son acception la plus courante, à savoir la violence dirigée contre l’Etat à travers l’un de ses représentants » (p. 17) La terreur d’Etat propre aux excès révolutionnaires étant passée sous silence, ce n’est véritablement qu’avec l’assassinat du duc de Berry par Louvel en 1820 que débute la narration. L’histoire du terrorisme en cette époque est intimement liée à celle de l’Europe. Sociétés secrètes comme les carbonari en Italie, anarchistes à la Ravachol et révolutionnaires russes (voir le portrait qu’en fait Dostoïevski dans Les Démons), dressent un inquiétant panorama d’une civilisation en transformation profonde. Problème sociaux, territoriaux, économiques et ethniques augurent mal du XX° siècle : le signal de la Grande Guerre est tiré par un affidé de la Main noire, organisation terroriste serbe refusant la souveraineté de l’Autriche-Hongrie sur une partie des Balkans. Avec les totalitarismes brun et rouge des années 1920-1950 naît une autre forme de terrorisme, celui d’Etat.

On ne sera pas surpris d’apprendre que l’essentiel de l’ouvrage est consacré au terrorisme de la fin du siècle dernier. L’auteur en dresse le vaste panorama, qui va du terrorisme islamiste à l’ETA basque, à l’IRA irlandaise en passant par Action Direct en France ou les Brigades rouges en Italie. Assassinats ciblés, extorsions de fonds, kidnappings… se basent sur des revendications qui tournent vite à la paranoïa. A travers de nombreux exemples, Gilles Ferragu dresse le portrait en creux du terroriste : un asocial, homme d’un seul combat, érigeant en absolu le détournement des lois communes.

Cette Histoire du terrorisme constitue une bonne approche des conflits contemporains, asymétriques quant aux moyens confrontés, irrationnels quant aux motivations de leurs principaux acteurs.

 

Gilles Ferragu, Histoire du terrorisme, Perrin, 2014, 488 pages, 23.50 €

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L’Algérie de Pétain

Broché: 456 pages
Editeur : PERRIN (17 avril 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033374
ISBN-13: 978-2262033378
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 L’Algérie de Pétain

La fameuse Grande Histoire des Français sous l’Occupation, œuvre colossale de Henri Amouroux, a désormais un prolongement de qualité avec L’Algérie de Pétain. Les Algériens ont la parole (1939-1942). Il faut remercier Pierre Darmon, déjà auteur d’une histoire de l’Algérie coloniale, d’avoir osé s’atteler à un sujet aussi peu étudié. Evacuons d’emblée la petite insuffisance dont souffre l’ouvrage, à savoir le peu de place accordé à la vie quotidienne dans l’Algérie de cette époque. S’étant focalisé sur la vie politique dans l’Algérie de Pétain, Pierre Darmon minimise cet aspect crucial : on s’arrange d’autant mieux d’un pouvoir politique qu’il pourvoit à votre alimentation et à votre habillement, ce qui était loin d’être le cas dans l’Algérie des années 1939 – 1942. A l’aide de témoignages et d’articles de presse, fort d’avoir ingurgité une grosse quantité d’ouvrages relatifs à la période et au Maghreb, Pierre Darmon parvient à donner un tableau saisissant de la façon dont les diverses communautés (française, juive, musulmane, espagnole…) appréhendent le conflit mondial. Il est frappant de voir par exemple combien les populations musulmanes sont ébranlées dans leur confiance à la France devant la force déployée par les armées allemandes. Autre thème dont on ne peut faire l’économie : nombre de Français d’Algérie et de musulmans se retrouvent sur le thème de l’antisémitisme. Enfin, l’armistice de 1940 donne des idées à une élite musulmane éduquée désireuse d’émancipation : après tout, la puissance occupante ne vient-elle pas de montrer sa fragilité lors de l’éclatante défaite du printemps 40 ? L’auteur consacre de nombreux chapitres au pétainisme dont font preuve beaucoup d’Algériens, Français et musulmans. Le prestige de Pétain ressemble au roc pendant la tempête. Cependant, dès les premières fêlures les abandons vont se précipiter. Les défaites allemandes (Stalingrad, El-Alamein) rebattent les cartes. Si beaucoup de Français se découvrent résistants, nombreux sont les musulmans à céder aux sirènes anti-coloniales. Le débarquement des Américains en Algérie fin 42 (Opération Torch) constitue un signe fort des prochains abandons vécus par ces puissances aux prestigieux passé colonial que sont la France et l’Angleterre. Ils sont nombreux, en Afrique et en Asie, à faire de Roosevelt un des champions de la cause anti-coloniale.

L’Algérie de Pétain traite de façon solide un sujet rarement étudié. Sachons en savoir gré à son auteur.

 

Pierre Darmon, L’Algérie de Pétain, Perrin, 2014, 522 pages, 25 €

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La guerre au XX° siècle

Broché: 453 pages
Editeur : Perrin (30 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2-262-03656-0
Dimensions : 14,2 × 21,2 x 3,2 cm

  La guerre au XX° siècle

Auteur de nombreux livres relatifs à l’histoire militaire au XX° siècle, Pierre Vallaud nous entraîne cette fois dans l’histoire de la guerre au XX° siècle. Ou plutôt faudrait-il écrire : L’histoire des guerres au XX° siècle. En effet, le titre suggère une étude de l’évolution des doctrines et des pratiques de la guerre au siècle dernier et non pas, comme c’est le cas, une histoire des conflits, de la Première guerre mondiale à la chute du Mur de Berlin. Cette précision faite, on retiendra que ce livre, plaisant et facile à lire, constitue une bonne introduction à l’histoire du XX° siècle à travers les multiples guerres qui l’ont scandé. L’auteur a réussi son pari qui était de donner l’essentiel en peu de pages. Par contre, s’il paraît utile au néophyte, le lecteur averti courra la crainte d’être déçu par un panorama dont la vastitude nuit à la précision. Sans entrer dans le détail, disons par exemple que la guerre à l’Est, au cours de la Seconde guerre mondiale, est traitée de façon très cavalière. D’emblée, des erreurs factuelles empêchent de comprendre la singularité du conflit. Il n’est pas vrai, par exemple, de dire que « l’Allemagne affiche une insolente supériorité matérielle » (p. 210). Au contraire, le III° Reich prend des risques fous en envahissant l’Union Soviétique le 22 juin 1941. Cette attaque du fort au fort est mal pensée au plan stratégique. Hitler aurait-il osé attaquer l’ours russe s’il avait su que l’attendaient pas moins de 200 divisions, 10 000 chars et 15 000 avions… bref une armée à la doctrine archaïque mais pléthorique et offrant d’énormes capacités de résilience ? Autre exemple : l’Opération Bagration (fin juin 1944), qui constitue la plus gigantesque défaite militaire allemande au cours du siècle, est traitée en quelques paragraphes au contenu approximatif… moins de place que n’en prend par exemple la campagne des Alliés en Italie de 1943 et 1944. Au regard du titre, l’essentiel aurait été, nous semble-t-il, de dire la spécificité des conflits parcourant le siècle : une guerre totale, s’en prenant aussi bien aux civils qu’aux soldats, une guerre de doctrine dans laquelle le nombre et la qualité technique des armes prévalent sur le courage des combattants.

Le lecteur intéressé par le sujet aura intérêt à compléter sa lecture par d’autres études. Sans être exhaustif, citons des auteurs comme Antony Beevor, Alistair Horne, David Glantz, côté anglo-saxon, Jean Lopez côté francophone.

 

Pierre Vallaud, La guerre au XX° siècle, Perrin, 2014, 453 pages, 24 €

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La Grande Guerre

Broché: 517 pages
Editeur : PERRIN (2 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262033137
ISBN-13: 978-2262033132
Dimensions : 24 x 15,6 x 4,4 cm

 La Grande Guerre

Les célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale sont l’occasion d’une pluie d’ouvrages : synthèses, témoignages, lettres de combattants… Les titres nouveaux sont si nombreux que vouloir en donner une liste exhaustive ressort d’un combat perdu d’avance. Beaucoup de spécialistes ont ou vont donner leur histoire de la Grande Guerre. François Cochet, déjà auteur de nombreux ouvrages consacrés au sujet, fait partie des spécialistes qui ont décidé de mettre leur science au service du grand public. Autant dire qu’ici le pari est réussi. Aidé d’une plume alerte, l’auteur donne une synthèse passionnante, bâtie sur une chronologie régulièrement étayée par une fine analyse des événements. Un tel souci pédagogique ne peut s’expliquer que par la pleine possession du sujet.

Cette Grande Guerre est enrichie d’une vision originale du conflit. Les grandes batailles de la guerre – appelées ici les « hyperbatailles » comme Verdun et la Somme – ne sont pas analysées dans le détail. Si l’auteur avait voulu entrer dans les détails des opérations militaires, il aurait fallu un volume beaucoup plus gros. Les grandes lignes qu’il en donne sont éclairées par des aspects techniques sur lesquels les historiens sont généralement peu bavards. François Cochet explique par exemple que les combats rapprochés étaient extrêmement rares et que ceux que l’on a appelés les « nettoyeurs de tranchées » ont fait l’objet d’une mythologie pas vraiment en rapport avec la réalité historique. C’est le feu qui tuait, autrement dit l’artillerie et la mitrailleuse employées de façon massive. Autre originalité : l’auteur ne s’interdit pas de visiter l’historiographie. Le premier chapitre – Pourquoi la guerre ? – est à cet égard exemplaire lorsqu’il explique la vision donnée par de jeunes historiens sur les causes du conflit. Ces dernières ont fait couler beaucoup d’encre tant les responsabilités paraissent partagées et diluées. Or, explique François Cochet, il est possible que « la Grande Guerre se situe dans la queue de comète des XVIII° et XIX° siècles, où bien des responsables politiques ont déclenché des guerres pour des raisons parfois futiles en estimant que les opinions publiques les suivraient. ». Cette Grande Guerre est vraiment ce que l’on fait de mieux dans le genre.

 

François Cochet, La Grande Guerre, Perrin, 2014, 517 pages, 25 €

 

 

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Encyclopédie de la Grande Guerre

Relié: 1810 pages
Editeur : TEMPUS PERRIN (8 novembre 2012)
Collection : Tempus
Langue : Français
ISBN-10: 2262031266
ISBN-13: 978-2262031268
Dimensions : 18,2 x 11,2 x 7,6 cm

 Encyclopédie de la Grande Guerre

Il y a maintes façons de raconter l’histoire de la Première Guerre Mondiale. Beaucoup l’on fait, très classiquement, en empruntant le chemin linéaire emprunté par la chronologie : des déclarations de guerre en cascade qui s’étalent de fin juillet aux premiers jours d’août 14 jusqu’au clairon qui signale la fin des hostilités. Evidemment, une encyclopédie n’a pas pour vocation de dérouler une telle trame chronologique. Dans cette gigantesque Encyclopédie de la Grande Guerre publiée voici dix ans conjointement par Perrin et Bayard, et intelligemment rééditée dans la collection de poche Tempus, tous les aspects de ce conflit planétaire sont passés en revue, offrant ainsi un tableau complet de la guerre. Car celle-ci ne se résume pas aux champs de bataille, au nombre de divisions, de canons et d’avions, aux opérations précédées de milliers – parfois de millions – d’obus destinés soi-disant à emporter la décision et à en finir une bonne fois pour toutes. En plus de la guerre elle-même et des opérations militaires qui lui sont liées, restait à balayer les nombreux domaines dans lesquels leurs effets se sont longtemps fait sentir. La démobilisation et le retour des soldats à la maison, le culte des morts, la reconstruction, l’application des traités, les effets économiques, le sort des réfugiés et des invalides, etc. font l’objet de chapitres écrits par des spécialistes, français et étrangers. Les guerres de ce type étant de phénoménaux accélérateurs de l’Histoire, les auteurs sont allés voir en quoi la Grande Guerre avait par exemple influencé la mode et la musique. Elément essentiel du roman national français, la Grande Guerre aura d’autres conséquences qui mettront du temps à émerger. Par exemple, de jeunes historiens en sont à se demander si la crise de l’autorité, dont on voit depuis quelques décennies les effets jusque dans la vie professionnelle, n’est pas consécutive aux ordres absurdes lancés par certains généraux et dont l’année 1917 vit la contestation la plus sérieuse. Dans son remarquable Siècle de 1914, Dominique Venner a écrit que la Grande Guerre risquait de demeurer longtemps la matrice de la civilisation européenne, quelquefois pour le meilleur, souvent pour le pire.

Cette Encyclopédie est un must, un outil complet pour les passionnés de la période, ceux qui ont déjà une connaissance de cette tragédie dans ses grandes lignes.

 

Stéphane Audoin-Rouzeau & Jean-Jacques Becker, Encyclopédie de la Grande Guerre, Tempus, 2012, 1 810 pages (2 volumes), 25 €