Catégories
Histoire Recensions

Les derniers jours de Louis XIV

Broché : 308 pages
Editeur : PERRIN (18 septembre 2014)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043353
ISBN-13 : 978-2262043353
Dimensions : 20,9 x 2,7 x 14 cm

 Les derniers jours de Louis XIV

Grand roi, le Roi-Soleil fut à l’approche de la mort tel qu’il a été dans la vie : soucieux de sa dignité, s’élevant au-dessus des mesquineries du quotidien pour donner à sa fin toute la majesté souhaitée. Les derniers jours de Louis XIV sont ceux d’un grand chrétien. Certes, le roi avait la foi du charbonnier mais, après tout, cette foi, dont certains se gaussent, a ceci de particulier qu’elle est aussi bien l’apanage des puissants que des humbles. Louis XIV n’était pas un métaphysicien : il croyait comme beaucoup croyaient au XVII° siècle. Dieu était, voilà tout Humain, on se devait de l’honorer et de lui rendre grâce.

En de courts chapitres, Alexandre Maral raconte le dernier conseil, la dernière promenade, la dernière messe, le dernier adieu du roi… jusqu’aux funérailles. Chaque chapitre est l’occasion d’admirer la constance et le courage de Louis XIV face à la mort. Accablé par de nombreux deuils dans les dernières années de sa vie, le roi puise sa force dans sa foi. Devant le spectacle de son corps en putréfaction (la gangrène), c’est lui qui console familiers et courtisans. Alors, oui, même si l’on peut en vouloir au Roi-Soleil d’avoir trop aimé les bâtiments et la guerre, reproches que lui-même s’adressa, comment ne pas être admiratif devant une mort aussi digne ? Un roi aussi grand devait être grand dans la mort. Il laissait un pays fatigué, mais sublimé par une geste glorieuse, pour une part fondatrice de l’Etat moderne : « Je m’en vais, mais l’Etat demeurera toujours », éclatante et élégante manière de quitter le monde : le roi est mort mais l’Etat lui survit – « Le roi est mort. Vive le roi ! » Frappante également est cette sorte de publicité qui est donnée à ces derniers jours. Alors qu’aujourd’hui tout est fait pour dissimuler la maladie grave d’un chef de l’Etat, il s’agit ici, avec les moyens dont on dispose, de ne rien cacher. Le roi doit être dans ses derniers jours tel qu’il a été dans la vie : on ne cache rien de celui qui, par la naissance, s’élevait au-dessus du commun des mortels.

Si l’on peut regretter un certain manque de souffle dans le récit, il faut savoir gré à l’auteur de s’emparer d’un sujet plus actuel qu’il n’y paraît.

 

Alexandre Maral, Les derniers jours de Louis XIV, Perrin, 2014, 308 pages, 22.50 €

Catégories
Histoire Recensions

Histoire de la guerre

Broché : 628 pages
Editeur : PERRIN (28 août 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 226203544X
ISBN-13 : 978-2262035440
Dimensions : 21,1 x 4 x 14,3 cm

 Histoire de la guerre

Décédé il y a deux ans, l’historien britannique John Keegan s’est illustré à la fin du siècle dernier comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux d’histoire militaire. On se souvient de son Anatomie de la bataille et de sa façon très originale de considérer l’affrontement d’une journée entre deux armées : une vue au raz du sol, celle du combattant noyé dans la masse, aveuglé par la fumée, assommé par un bruit assourdissant. Avec John Keegan, la narration des batailles d’Azincourt (1415), de Waterloo (1815) et de la Somme (1916) prend un aspect saisissant et particulièrement concret. Avec l’Histoire de la guerre, Keegan répète en grand la leçon tirée de l’Anatomie de la bataille. Une bataille, ce sont des hommes qui souffrent, éprouvent des sentiments confus et parfois contradictoires dans un climat de violence poussé au paroxysme. Si une certaine historiographie – par exemple celle liée à l’Ecole des Annales – a eu tendance à minimiser le rôle de la guerre dans l’histoire, Keegan replace cette dernière au centre. Comme le pensait Clauzewitz et d’autres après lui (Raymond Aron), la guerre accouche de l’histoire ; la meilleure preuve en est que la plupart des grandes civilisations sont nées de la guerre. Mais plutôt que de se livrer à une histoire chronologique, Keegan a choisi de faire reposer son récit sur les principales forces sur lesquelles repose l’art de la guerre : les fortifications, la logistique, l’invention du fer, l’utilisation de la poudre… Une connaissance encyclopédique du sujet était nécessaire pour aboutir à une pareille maîtrise. Une telle histoire ne donne lieu à aucune généralisation, la guerre s’inscrivant dans l’histoire humaine au même titre que l’économie ou les arts. Une conclusion s’impose : la guerre est liée à la culture, elle révèle les grandes tendances culturelles d’un peuple ou d’une civilisation, ce qu’a par exemple bien montré Victor D. Hanson avec son remarquable Carnage et culture. A noter que, contrairement à beaucoup d’historiens militaires anglais, John Keegan propose une histoire très universelle, pas du tout « britanno-centrée ». Preuve en sont les exemples qu’il tire de l’histoire des Hittites ou des Maoris… Rien n’est plus universel que la guerre.

John Keegan, Histoire de la guerre, Perrin, 2014, 628 pages, 26 €

Catégories
Histoire Recensions

Lettres de la Wehrmacht

Broché: 340 pages
Editeur : PERRIN (18 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262043396
ISBN-13: 978-2262043391
Dimensions : 21,1 x 2,7 x 14 cm

 Lettres de la Wehrmacht

Le soldat en guerre écrit beaucoup. Ce fut le cas des soldats allemands durant la Seconde Guerre Mondiale. Il n’est pas inutile ici de rappeler que, dans ce domaine, les Allemands en ont remontré aux autres nations belligérantes. En effet, malgré les défaites et la débâcle des derniers mois de la guerre, le service postal s’est toujours poursuivi : il en allait du maintien moral du soldat, élément capital dans tout conflit.

C’est à Berlin qu’une jeune chercheuse française, Marie Moutier, a exhumé, parmi 16 000 lettres, la centaine de lettres présentée dans ce volume.

Contrairement aux Lettres de Stalingrad écrites par les condamnés à mort qu’étaient les landser pris au piège par l’Armée Rouge – et qui ne peuvent se lire sans une certaine émotion -, celles qui nous sont données à lire ici reflètent les situations les plus diverses. Beaucoup, par exemple, sont écrites par des soldats heureux d’être, dans les premières années du conflit, membres d’une armée ayant acquis une telle puissance. Présentées chronologiquement, des années heureuses (1939-1942) à l’effondrement final (1943-1945), ces lettres racontent la plupart des situations dans lesquelles se trouvait le soldat allemand : au repos à Paris, dans l’attente d’une offensive russe, à l’arrivée en Cyrénaïque avec Rommel, etc. Une fois l’ouvrage refermé, deux impressions dominent. D’une part, comme l’écrit l’historien britannique Timothy Snyder en préface, « ce recueil nous incite à penser cette guerre en des termes plus universels qu’il ne nous plairait ». De fait, le soldat allemand, qu’il soit vainqueur ou défait, ressemble à la plupart des soldats des autres nations engagées dans ce titanesque conflit. Mais, sans fard, cet ouvrage montre également la morgue et l’orgueil de soldats plus souvent contaminés qu’on ne le pense par le virus nazi. Les lettres écrites dans la France de juin et juillet 1940 sont l’occasion pour le feldgrau de traiter les Français de pleutres, membres d’une nation dégénérée. Polonais et Soviétiques sont traités de sous-hommes, peuples bons pour l’esclavage. Beaucoup de lettres donnent à penser que, loin de se désolidariser des crimes commis par la SS ou la Gestapo, beaucoup d’anonymes ne voyaient aucun mal à traiter les peuples conquis de l’Est par le fer et le feu. Ces Lettres de la Wehrmacht éclairent le conflit sous un angle original.

 

Présentées par Marie Moutier, Lettres de la Wehrmacht, Perrin, 2014, 338 pages, 22 €

Catégories
Histoire Recensions

Histoire du terrorisme

Broché: 488 pages
Editeur : PERRIN (20 mars 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033463
ISBN-13: 978-2262033460
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 Histoire du terrorisme

Gilles Ferragu a pris l’heureuse initiative de s’attaquer à un sujet qui, s’il est on ne peut plus actuel, n’a que rarement fait l’objet d’une étude historique. Cette Histoire du terrorisme ne commence pas avec les tyrannicides propres au XVI° siècle (assassinat des rois Henri III et Henri IV par Jacques Clément et Ravaillac), mais trois siècles plus tard. Pourquoi ? Parce que, comme le précise l’auteur, « le XIX° siècle invente le terrorisme dans son acception la plus courante, à savoir la violence dirigée contre l’Etat à travers l’un de ses représentants » (p. 17) La terreur d’Etat propre aux excès révolutionnaires étant passée sous silence, ce n’est véritablement qu’avec l’assassinat du duc de Berry par Louvel en 1820 que débute la narration. L’histoire du terrorisme en cette époque est intimement liée à celle de l’Europe. Sociétés secrètes comme les carbonari en Italie, anarchistes à la Ravachol et révolutionnaires russes (voir le portrait qu’en fait Dostoïevski dans Les Démons), dressent un inquiétant panorama d’une civilisation en transformation profonde. Problème sociaux, territoriaux, économiques et ethniques augurent mal du XX° siècle : le signal de la Grande Guerre est tiré par un affidé de la Main noire, organisation terroriste serbe refusant la souveraineté de l’Autriche-Hongrie sur une partie des Balkans. Avec les totalitarismes brun et rouge des années 1920-1950 naît une autre forme de terrorisme, celui d’Etat.

On ne sera pas surpris d’apprendre que l’essentiel de l’ouvrage est consacré au terrorisme de la fin du siècle dernier. L’auteur en dresse le vaste panorama, qui va du terrorisme islamiste à l’ETA basque, à l’IRA irlandaise en passant par Action Direct en France ou les Brigades rouges en Italie. Assassinats ciblés, extorsions de fonds, kidnappings… se basent sur des revendications qui tournent vite à la paranoïa. A travers de nombreux exemples, Gilles Ferragu dresse le portrait en creux du terroriste : un asocial, homme d’un seul combat, érigeant en absolu le détournement des lois communes.

Cette Histoire du terrorisme constitue une bonne approche des conflits contemporains, asymétriques quant aux moyens confrontés, irrationnels quant aux motivations de leurs principaux acteurs.

 

Gilles Ferragu, Histoire du terrorisme, Perrin, 2014, 488 pages, 23.50 €

Catégories
Histoire Recensions

L’Algérie de Pétain

Broché: 456 pages
Editeur : PERRIN (17 avril 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033374
ISBN-13: 978-2262033378
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 L’Algérie de Pétain

La fameuse Grande Histoire des Français sous l’Occupation, œuvre colossale de Henri Amouroux, a désormais un prolongement de qualité avec L’Algérie de Pétain. Les Algériens ont la parole (1939-1942). Il faut remercier Pierre Darmon, déjà auteur d’une histoire de l’Algérie coloniale, d’avoir osé s’atteler à un sujet aussi peu étudié. Evacuons d’emblée la petite insuffisance dont souffre l’ouvrage, à savoir le peu de place accordé à la vie quotidienne dans l’Algérie de cette époque. S’étant focalisé sur la vie politique dans l’Algérie de Pétain, Pierre Darmon minimise cet aspect crucial : on s’arrange d’autant mieux d’un pouvoir politique qu’il pourvoit à votre alimentation et à votre habillement, ce qui était loin d’être le cas dans l’Algérie des années 1939 – 1942. A l’aide de témoignages et d’articles de presse, fort d’avoir ingurgité une grosse quantité d’ouvrages relatifs à la période et au Maghreb, Pierre Darmon parvient à donner un tableau saisissant de la façon dont les diverses communautés (française, juive, musulmane, espagnole…) appréhendent le conflit mondial. Il est frappant de voir par exemple combien les populations musulmanes sont ébranlées dans leur confiance à la France devant la force déployée par les armées allemandes. Autre thème dont on ne peut faire l’économie : nombre de Français d’Algérie et de musulmans se retrouvent sur le thème de l’antisémitisme. Enfin, l’armistice de 1940 donne des idées à une élite musulmane éduquée désireuse d’émancipation : après tout, la puissance occupante ne vient-elle pas de montrer sa fragilité lors de l’éclatante défaite du printemps 40 ? L’auteur consacre de nombreux chapitres au pétainisme dont font preuve beaucoup d’Algériens, Français et musulmans. Le prestige de Pétain ressemble au roc pendant la tempête. Cependant, dès les premières fêlures les abandons vont se précipiter. Les défaites allemandes (Stalingrad, El-Alamein) rebattent les cartes. Si beaucoup de Français se découvrent résistants, nombreux sont les musulmans à céder aux sirènes anti-coloniales. Le débarquement des Américains en Algérie fin 42 (Opération Torch) constitue un signe fort des prochains abandons vécus par ces puissances aux prestigieux passé colonial que sont la France et l’Angleterre. Ils sont nombreux, en Afrique et en Asie, à faire de Roosevelt un des champions de la cause anti-coloniale.

L’Algérie de Pétain traite de façon solide un sujet rarement étudié. Sachons en savoir gré à son auteur.

 

Pierre Darmon, L’Algérie de Pétain, Perrin, 2014, 522 pages, 25 €

Catégories
Histoire Recensions

La guerre au XX° siècle

Broché: 453 pages
Editeur : Perrin (30 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2-262-03656-0
Dimensions : 14,2 × 21,2 x 3,2 cm

  La guerre au XX° siècle

Auteur de nombreux livres relatifs à l’histoire militaire au XX° siècle, Pierre Vallaud nous entraîne cette fois dans l’histoire de la guerre au XX° siècle. Ou plutôt faudrait-il écrire : L’histoire des guerres au XX° siècle. En effet, le titre suggère une étude de l’évolution des doctrines et des pratiques de la guerre au siècle dernier et non pas, comme c’est le cas, une histoire des conflits, de la Première guerre mondiale à la chute du Mur de Berlin. Cette précision faite, on retiendra que ce livre, plaisant et facile à lire, constitue une bonne introduction à l’histoire du XX° siècle à travers les multiples guerres qui l’ont scandé. L’auteur a réussi son pari qui était de donner l’essentiel en peu de pages. Par contre, s’il paraît utile au néophyte, le lecteur averti courra la crainte d’être déçu par un panorama dont la vastitude nuit à la précision. Sans entrer dans le détail, disons par exemple que la guerre à l’Est, au cours de la Seconde guerre mondiale, est traitée de façon très cavalière. D’emblée, des erreurs factuelles empêchent de comprendre la singularité du conflit. Il n’est pas vrai, par exemple, de dire que « l’Allemagne affiche une insolente supériorité matérielle » (p. 210). Au contraire, le III° Reich prend des risques fous en envahissant l’Union Soviétique le 22 juin 1941. Cette attaque du fort au fort est mal pensée au plan stratégique. Hitler aurait-il osé attaquer l’ours russe s’il avait su que l’attendaient pas moins de 200 divisions, 10 000 chars et 15 000 avions… bref une armée à la doctrine archaïque mais pléthorique et offrant d’énormes capacités de résilience ? Autre exemple : l’Opération Bagration (fin juin 1944), qui constitue la plus gigantesque défaite militaire allemande au cours du siècle, est traitée en quelques paragraphes au contenu approximatif… moins de place que n’en prend par exemple la campagne des Alliés en Italie de 1943 et 1944. Au regard du titre, l’essentiel aurait été, nous semble-t-il, de dire la spécificité des conflits parcourant le siècle : une guerre totale, s’en prenant aussi bien aux civils qu’aux soldats, une guerre de doctrine dans laquelle le nombre et la qualité technique des armes prévalent sur le courage des combattants.

Le lecteur intéressé par le sujet aura intérêt à compléter sa lecture par d’autres études. Sans être exhaustif, citons des auteurs comme Antony Beevor, Alistair Horne, David Glantz, côté anglo-saxon, Jean Lopez côté francophone.

 

Pierre Vallaud, La guerre au XX° siècle, Perrin, 2014, 453 pages, 24 €

Catégories
Histoire Recensions

La Grande Guerre

Broché: 517 pages
Editeur : PERRIN (2 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262033137
ISBN-13: 978-2262033132
Dimensions : 24 x 15,6 x 4,4 cm

 La Grande Guerre

Les célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale sont l’occasion d’une pluie d’ouvrages : synthèses, témoignages, lettres de combattants… Les titres nouveaux sont si nombreux que vouloir en donner une liste exhaustive ressort d’un combat perdu d’avance. Beaucoup de spécialistes ont ou vont donner leur histoire de la Grande Guerre. François Cochet, déjà auteur de nombreux ouvrages consacrés au sujet, fait partie des spécialistes qui ont décidé de mettre leur science au service du grand public. Autant dire qu’ici le pari est réussi. Aidé d’une plume alerte, l’auteur donne une synthèse passionnante, bâtie sur une chronologie régulièrement étayée par une fine analyse des événements. Un tel souci pédagogique ne peut s’expliquer que par la pleine possession du sujet.

Cette Grande Guerre est enrichie d’une vision originale du conflit. Les grandes batailles de la guerre – appelées ici les « hyperbatailles » comme Verdun et la Somme – ne sont pas analysées dans le détail. Si l’auteur avait voulu entrer dans les détails des opérations militaires, il aurait fallu un volume beaucoup plus gros. Les grandes lignes qu’il en donne sont éclairées par des aspects techniques sur lesquels les historiens sont généralement peu bavards. François Cochet explique par exemple que les combats rapprochés étaient extrêmement rares et que ceux que l’on a appelés les « nettoyeurs de tranchées » ont fait l’objet d’une mythologie pas vraiment en rapport avec la réalité historique. C’est le feu qui tuait, autrement dit l’artillerie et la mitrailleuse employées de façon massive. Autre originalité : l’auteur ne s’interdit pas de visiter l’historiographie. Le premier chapitre – Pourquoi la guerre ? – est à cet égard exemplaire lorsqu’il explique la vision donnée par de jeunes historiens sur les causes du conflit. Ces dernières ont fait couler beaucoup d’encre tant les responsabilités paraissent partagées et diluées. Or, explique François Cochet, il est possible que « la Grande Guerre se situe dans la queue de comète des XVIII° et XIX° siècles, où bien des responsables politiques ont déclenché des guerres pour des raisons parfois futiles en estimant que les opinions publiques les suivraient. ». Cette Grande Guerre est vraiment ce que l’on fait de mieux dans le genre.

 

François Cochet, La Grande Guerre, Perrin, 2014, 517 pages, 25 €

 

 

Catégories
Histoire Recensions

Encyclopédie de la Grande Guerre

Relié: 1810 pages
Editeur : TEMPUS PERRIN (8 novembre 2012)
Collection : Tempus
Langue : Français
ISBN-10: 2262031266
ISBN-13: 978-2262031268
Dimensions : 18,2 x 11,2 x 7,6 cm

 Encyclopédie de la Grande Guerre

Il y a maintes façons de raconter l’histoire de la Première Guerre Mondiale. Beaucoup l’on fait, très classiquement, en empruntant le chemin linéaire emprunté par la chronologie : des déclarations de guerre en cascade qui s’étalent de fin juillet aux premiers jours d’août 14 jusqu’au clairon qui signale la fin des hostilités. Evidemment, une encyclopédie n’a pas pour vocation de dérouler une telle trame chronologique. Dans cette gigantesque Encyclopédie de la Grande Guerre publiée voici dix ans conjointement par Perrin et Bayard, et intelligemment rééditée dans la collection de poche Tempus, tous les aspects de ce conflit planétaire sont passés en revue, offrant ainsi un tableau complet de la guerre. Car celle-ci ne se résume pas aux champs de bataille, au nombre de divisions, de canons et d’avions, aux opérations précédées de milliers – parfois de millions – d’obus destinés soi-disant à emporter la décision et à en finir une bonne fois pour toutes. En plus de la guerre elle-même et des opérations militaires qui lui sont liées, restait à balayer les nombreux domaines dans lesquels leurs effets se sont longtemps fait sentir. La démobilisation et le retour des soldats à la maison, le culte des morts, la reconstruction, l’application des traités, les effets économiques, le sort des réfugiés et des invalides, etc. font l’objet de chapitres écrits par des spécialistes, français et étrangers. Les guerres de ce type étant de phénoménaux accélérateurs de l’Histoire, les auteurs sont allés voir en quoi la Grande Guerre avait par exemple influencé la mode et la musique. Elément essentiel du roman national français, la Grande Guerre aura d’autres conséquences qui mettront du temps à émerger. Par exemple, de jeunes historiens en sont à se demander si la crise de l’autorité, dont on voit depuis quelques décennies les effets jusque dans la vie professionnelle, n’est pas consécutive aux ordres absurdes lancés par certains généraux et dont l’année 1917 vit la contestation la plus sérieuse. Dans son remarquable Siècle de 1914, Dominique Venner a écrit que la Grande Guerre risquait de demeurer longtemps la matrice de la civilisation européenne, quelquefois pour le meilleur, souvent pour le pire.

Cette Encyclopédie est un must, un outil complet pour les passionnés de la période, ceux qui ont déjà une connaissance de cette tragédie dans ses grandes lignes.

 

Stéphane Audoin-Rouzeau & Jean-Jacques Becker, Encyclopédie de la Grande Guerre, Tempus, 2012, 1 810 pages (2 volumes), 25 €

 

 

 

Catégories
Histoire Recensions

Voyage au pays des Ze-Ka

Broché: 781 pages
Editeur : Le Bruit du temps (26 octobre 2010)
Langue : Français
ISBN-10: 2358730211
ISBN-13: 978-2358730211
Dimensions : 20,4 x 13,6 x 5,4 cm

  Voyage au pays des Ze-Ka

Soljenitsyne les appelait Zek, Julius Margolin les Ze-Ka. De qui s’agit-il ? Qui se cache derrière ces quelques lettres qui sonnent curieusement ? Les Zek ou Ze-Ka, ce sont les esclaves ayant constitué l’immense armée des réprouvés du système soviétique, les centaines de milliers d’hommes qui sont allés pourrir dans l’enfer concentrationnaire du Grand Nord.  A l’origine, Julius Margolin, juif et citoyen polonais, était pourtant bien disposé à l’égard de la Russie des Soviets mais voilà, les révolutions ont l’étrange et mortifère manie de manger leurs enfants et leurs amis. En 1939, alors que la Pologne est occupée à l’ouest par les Allemands et à l’est par les Soviétiques, J. Margolin choisit ce qui lui semble le moindre mal. C’était choisir entre la peste et le choléra. Soupçonné d’être contaminé par l’Occident, il est envoyé au Goulag sans autre forme de procès. Quant aux raisons de son arrestation, elles lui demeureront mystérieuses. Comme des centaines de milliers de ses congénères, il suffit d’un rien pour qu’une vie bascule. Une conversation banale avec un étranger et vous voilà condamné à dix ans de camp. Bien sûr, on pourra toujours rétorquer que les camps soviétiques ne sont pas les usines de la mort mises au point par le III° Reich. C’est vrai mais, en même temps, la comparaison paraît spécieuse. Entre les deux systèmes concentrationnaires, la différence se résume la plupart du temps à une question de temps : la mort viendra plus lentement dans un camp communiste, le plus souvent par manque de nourriture chronique et fatigue physique. Voyage au pas des Ze-Ka constitue la lente descente aux enfers d’un intellectuel raffiné, confronté à la brutalité d’un monde quasi kafkaïen, monde où la raison n’a plus court. Dans cet univers impitoyable domine le chacun pour soi. Accablé par tant de laideur et de méchanceté, l’auteur va jusqu’au bout de lui-même, entretenant tant bien que mal la flamme de la vie pour ne pas sombrer dans le désespoir. Il y aurait beaucoup à dire sur l’égoïsme des condamnés, la cruauté des prisonniers de droit commun à l’égard des politiques ou l’indifférence des gardes à la misère des Ze-Ka mais, ce qui ressort des conditions inhumaines infligées aux prisonniers reste le travail forcé et la faim lancinante.

Voyage au pays des Ze-Ka constitue l’un des témoignages les plus bouleversants qui aient jamais été écrit sur l’enfer concentrationnaire soviétique. Une démonstration capitale et captivante et, au final, un immense livre ! A mettre au même rang que les œuvres de Soljenitsyne et Chalamov.

 

Julius Margolin, Voyage au pays des Ze-Ka, Le Bruit du Temps, 2010, 783 pages, 28 €

 

Catégories
Histoire Recensions

Les vingt jours de Fontainebleau

Broché: 294 pages
Editeur : PERRIN (23 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262039410
ISBN-13: 978-2262039417
Dimensions : 23,6 x 15,4 x 2,6 cm

 Les vingt jours de Fontainebleau

A la fin mars 1814 Napoléon, pris de court par des Alliés qui n’ont pas joué le jeu dans lequel il pensait les enferrer, gagne le château de Fontainebleau. Il va y rester jusqu’au 20 avril, date de son départ pour l’Ile d’Elbe. Que s’est-il passé entre temps ? Spécialiste de l’Empire et digne successeur de Jean Tulard, Thierry Lentz fait revivre jour après jour ce qui ressemble à une descente aux enfers pour celui qui, il y a peu, était encore le maître de l’Europe. Le vrai, c’est que, pour la première fois, Napoléon ne commande plus à son destin, il est à la merci des Alliés désireux d’abattre l’Empire et de restaurer la royauté. Ces Vingt jours de Fontainebleau ressemblent à un drame joué d’avance. Claquemuré dans son palais, Napoléon se trouve, pour la première fois de sa vie, à la merci des autres, en l’occurrence des puissances alliées qui occupent Paris, mais aussi de chefs militaires qui, ayant peur de tout perdre à la veille de la clôture de la tragédie, n’entendent pas se laisser dicteur leur conduite. Les maréchaux français tiennent à montrer que, pour respectueux qu’ils demeurent vis-à-vis de celui à qui ils doivent quasiment tout, ne sont pas prêts à tout sacrifier. L’épopée ne saurait se terminer dans un bain de sang. Certains, comme le maréchal Marmont, iront jusqu’à trahir pour sauvegarder leurs intérêts et ainsi complaire au nouveau régime. En fin d’ouvrage, l’auteur se lance dans un parallèle qui est loin d’être anachronique. Faisant la comparaison entre la fin de l’Empire napoléonien et celle du III° Reich, il tient à dire combien la conduite de l’Empereur a été sage. Jamais celui-ci n’a voulu entraîner son pays dans une sorte de Götterdämmerung, un crépuscule des dieux empli de massacres et de ruines ; « Le contexte social et politique autant que la personnalité de Napoléon, conclut l’auteur (p. 20), n’étaient pas compatibles avec un suicide collectif. » Le livre, au final, dit beaucoup de la personnalité de Napoléon, son inspirateur principal.             Servi par une science sûre, un rythme soutenu et l’utilisation des meilleures sources, l’ouvrage de Thierry Lentz fera certainement date et ce sera justice. Les pages de notes avec leur appareil critique sont d’ailleurs significatives de la valeur de l’ouvrage.   Thierry Lentz, Les vingt jours de Fontainebleau, Perrin, 2014, 294 pages, 23 €