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L’Europe barbare 1945-1950

Broché: 488 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (28 février 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262037760
ISBN-13: 978-2262037765
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 L’Europe barbare (1945-1950)

Passionnant et original ! Voici les deux mots qui viennent lorsqu’on referme le livre du chercheur britannique Keith Lowe.
Dans l’esprit de la plupart des Européens, l’année 1945 ferme une parenthèse tragique, ouverte en août 1914 avec le premier suicide de l’Europe. Ce n’est pas aussi simple. En effet, les cicatrices de la guerre civile européenne ont mis du temps à se refermer. Par souci de simplification l’auteur s’en tient aux cinq années qui suivent la fin de la Seconde Guerre, mais il aurait pu tout aussi bien choisir un temps plus long. Qui sait qu’en Ukraine et dans les pays baltes, jusque dans les années 1950, des partisans nationalistes combattaient le pouvoir soviétique ? Sur un plus large, cette période ouvrait sur la Guerre Froide, appelée à durer jusqu’à la chute du Mur de Berlin (1989) et l’implosion du communisme.

L’Europe barbare est un condensé, une sorte de bréviaire de la haine dans l’Europe de ce milieu de XX° siècle, un temps où la vie d’un homme ne vaut pas un clou, une époque durant laquelle un peuple peut s’estimer heureux d’être déporté (cas des Tatars de Crimée) alors que d’autres risquent l’élimination pure et simple (juifs, tsiganes). La violence des peuples et des individus est à fleur de peau et il suffit d’un rien pour la libérer. Nazis et communistes sont bien sûr les premiers et les plus forts dans ce genre d’exercices. Nombre d’études et de livres ont fait le bilan terrible de l’un et de l’autre. Cette barbarie, souvent exercée à l’encontre d’innocents, ouvre la porte à d’implacables vengeances. La violence exercée en Russie par l’Armée allemande sera vengée lorsque les Soviétiques envahiront le Reich : des centaines de milliers d’Allemandes furent violées et onze millions de personnes déplacées. Les Alliés occidentaux, chantre de la démocratie, ne sont pas épargnés par K. Lowe : comment expliquer le bombardement sauvage, en 1944-1945, de villes historiques n’ayant aucun caractère stratégique ?

Au-delà des prodromes dus au conflit mondial, l’auteur parcourt toute l’Europe à la recherche de cette brutalisation, laquelle trouve parfois sa source dans des antagonismes anciens indépendants de la montée des totalitarismes. Si les violences entre Ukrainiens et Polonais, entre Croates et Serbes ont été libérées par la guerre, elles prennent racine dans des oppositions séculaires. Il faudrait ajouter à ce terrible bilan les conflits périphériques que précipita la guerre, comme la guerre civile en Grèce (1944-1949), la liquidation des démocrates dans les futures démocraties populaires, etc. Ce sombre et terrible bilan s’achève sur une note positive. Si l’Europe, en tant que construction politique, n’est guère populaire ces temps-ci, il ne faudrait pas oublier qu’elle revient de loin car elle s’est assénée des coups dont elle aurait très bien pu ne pas se remettre. La déshumanisation fut telle que la situation paisible d’aujourd’hui ressemble à un retournement quasi-miraculeux.

Keith Lowe, L’Europe barbare (1945-1950), Perrin, 2012, 488 pages, 25 €

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La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères

Poche: 228 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (3 mai 2012)
Collection : Tempus
Langue : Français
ISBN-10: 2262039941
ISBN-13: 978-2262039943
Dimensions : 17,6 x 10,8 x 1,6 cm

  La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères

Il arrive que la petite histoire pollue la grande. Il en va ainsi pour la mort de Napoléon à Sainte-Hélène, laquelle a été l’objet de tellement de spéculations que, pour un peu, on en viendrait à douter de tout. Il est donc heureux que, dans une première partie, les auteurs, tous deux éminents spécialistes de la période, reviennent sur ce que l’on sait de l’agonie et du décès de l’Empereur le 5 mai 1821. Pour que le tableau soit complet, ils analysent l’état général de l’illustre prisonnier. Comme la plupart des hommes de son temps et d’abord des soldats en campagne, « toute la vie de Napoléon est marquée par la maladie » (p. 48) : dermatose, coups de froid, hémorroïdes, indigestions fréquentes… A cinquante ans, un homme de ce temps, qui a parcouru à pieds ou à cheval l’Europe dans tous les sens, par tous les temps, est un homme usé. En plus de ses maux divers, l’Empereur Napoléon souffre de façon chronique d’une douleur abdominale. Le mauvais temps et l’état dépressif qui accompagnèrent le séjour de Napoléon à Longwood, là où il résida de 1816 jusqu’à sa mort, ne firent qu’empirer un état général très médiocre. Il ne fait donc aucun doute, selon les médecins qui ont été convoqués par les historiens, que c’est un cancer gastrique qui a emporté Napoléon. Chacun connaît la suite : l’inhumation au Val du Géranium puis, en 1840, le transfert des cendres conduit par une délégation emmenée par le prince de Joinville. Après l’arrivée triomphale du corps de l’Empereur à Paris, le corps reste déposé à l’église des Invalides jusqu’en 1861, date à laquelle le tombeau creusé à la verticale du dôme des Invalides est enfin prêt à recevoir la dépouille d’un des plus grands capitaines de tous les temps. Nous aurions pu en rester là sans toutes les spéculations qui se sont ensuite grevées sur la mort de Napoléon – A-t-il été empoisonné et par qui ? – ainsi que sur la substitution du corps – A la suite d’une manigance anglaise, le corps de Napoléon reposerait à Londres, non à Paris -. A en croire un cercle d’historiens amateurs, la Belle-Poule aurait rapatrié en France le corps de Cipriani, valet de Napoléon décédé en 1818. Grâce à une démonstration impeccable, les auteurs font justice de ces calembredaines. Leur conclusion est sans appel : « Napoléon n’a pas été assassiné et c’est bien lui qui repose aux Invalides. » Comme le prouvent J. Macé et T. Lentz, les montages habiles, les suppositions invérifiables et autres convictions non maîtrisées n’ont rien à faire dans l’étude sérieuse de l’Histoire.

Thierry Lentz & Jacques Macé, La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères, Tempus, 2012, 215 pages, 8.50 €

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La guerre du Viêt Nam : 1945 – 1975

Broché: 833 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (6 octobre 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 2262033870
ISBN-13: 978-2262033873
Dimensions : 24 x 15,4 x 4,6 cm

 La guerre du Viêt Nam

Les Editions Perrin viennent de publier un ouvrage très achevé sur la guerre du Vietnam. Ce livre – ou plutôt cette masse de quelque 800 pages – est dû à la plume de l’historien américain John Prados, un auteur qui a dû consacrer des années à la rédaction d’un épais volume qui est plus qu’un ouvrage de synthèse. John Prados offre en effet des informations de première main, souvent dues aux interviews de témoins encore en vie.

La masse des informations et l’intelligence du propos sont évidentes, l’intérêt moins. La lecture piétine devant la vision d’une guerre vue seulement à hauteur d’état-major. L’accent est surtout mis sur le rôle des politiques, sur leurs rapports avec la hiérarchie militaire Les décisions politiques sont bien sûr essentielles dans la conduite d’une guerre. Ici leur importance est telle qu’elles finissent par embourber le récit et embrumer la chronologie. De plus, le conflit n’est vu qu’à travers le prisme des acteurs américains. On aurait aimé que la parole soit davantage donnée aux protagonistes vietnamiens, du Sud comme du Nord. Les opérations militaires sont trop hâtivement traitées. Le récit ne colle pas suffisamment au terrain. Si l’auteur disserte longuement sur les décisions prises à Washington, il ne dit rien de la vie du soldat au jour le jour. Rien non plus sur l’engagement et le patriotisme des Viet Cong. J. Prados décrit une guerre d’états-majors, planifiée sur cartes. Il manque l’épaisseur humaine. Comment vivaient les Nord-Vietnamiens, soumis à des bombardements continus ? Les Sud-Vietnamiens étaient-ils autant anticommunistes qu’on l’a proclamé ? Quels étaient leurs rapports avec la troupe américaine ? Quelle était la motivation des soldats du Sud dont on raconte que beaucoup désertaient ? Et la vie des paysans du Sud pelotonnés au sein des villages et hameaux stratégiques ? Et celles des paysans et ouvriers du Nord vivant dans un contexte et une économie de guerre ? Du plus grand conflit de la Guerre Froide on aurait souhaité une vision plus ardente, plus humaine, en un mot plus passionnée… Au lieu de cela, cette Guerre du Vietnam se donne à lire comme un récit certes solide, mais manquant sa cible car passant à la trappe des éléments essentiels de ce conflit particulier. Un livre au total peu décevant quand on sait l’incroyable travail de collecte d’informations réalisé par l’auteur.

John Prados, La guerre du Viêt Nam, Perrin, 2012, 813 pages, 30 €

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La bataille des trois empires : Lépante, 1571

Broché: 684 pages
Editeur : Flammarion (29 août 2012)
Collection : Au fil de l’histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2081229528
ISBN-13: 978-2081229525
Dimensions : 24,4 x 15,6 x 4,6 cm

 La bataille des trois empires

            Les grands historiens sont souvent d’exceptionnels conteurs. C’est le cas d’Alessandro Barbero, auteur de plusieurs ouvrages marquants, dont un retentissant Waterloo. Cette bataille des trois empires est l’histoire de la campagne militaire et diplomatique qui opposa des puissances chrétiennes à l’Empire ottoman et qui aboutit à la bataille de Lépante. Ce jour d’octobre 1571, la flotte combinée regroupant les galères espagnoles, pontificales, génoises et vénitiennes fut opposée, en un combat dantesque, à la flotte du sultan. Cette gigantesque bataille était loin de mettre un terme à la menace ottomane mais, après maints revers, les puissances occidentales parvenaient enfin à freiner l’irrésistible progression de l’islam turc. Dans le monde catholique l’événement fut fêté et magnifié. Dans maintes églises espagnoles et vénitiennes, des tableaux commémorent l’événement.

Le récit d’A. Barbero est suffisamment ample pour donner à penser que Lépante fut autre chose qu’une simple bataille entre empires et religions : christianisme contre islam. Il faut plutôt voir l’affrontement à grande échelle de deux impérialismes : le sultan Sélim contre Philippe II d’Espagne, allié au pape Pie V et au doge de Venise. Les frontières ne sont pas aussi étanches que l’on croit et A. Barbero, remettant les faits en perspective, relativise de nombreuses images d’Epinal. L’Empire turc n’est pas aussi puissant qu’on imagine : il est perpétuellement à cours d’hommes. Les puissances chrétiennes sont divisées : en lutte contre l’Empire (la Maison d’Autriche), la France, depuis François 1er, s’est faite une alliée de la Sublime Porte. Quant à l’Eglise d’orthodoxe et aux chrétiens d’Orient ils ne sont pas aussi favorables que cela aux chrétiens occidentaux. Il n’est pas rare pour eux de préférer la férule turque à la main de fer des seigneurs occidentaux. Comme quoi les mouvements de l’Histoire sont souvent compliqués dès lors qu’on gratte le vernis. Quant à la bataille elle-même, qui n’occupe qu’un chapitre, elle prouvait de façon décisive que les armées occidentales étaient en train de prendre une avance décisive sur leurs rivales orientales. Il y avait longtemps que les « économies monde », chères à Fernand Braudel, avaient glissé de l’Orient vers l’Occident.

Alessandro Barbero, La bataille des trois empires – Lépante, 1571, Flammarion, 2012, 684 pages, 29 €

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L’héritage de Vichy

Relié: 256 pages
Editeur : Armand Colin (3 octobre 2012)
Collection : Hors collection
Langue : Français
ISBN-10: 2200275129
ISBN-13: 978-2200275129
Dimensions : 22,8 x 17,4 x 2,4 cm

 L’héritage de Vichy

Déjà auteur de Sous l’œil de l’occupant, album photographique relatant la façon dont les Allemands voyaient les Français entre 1940 et 1944, Cécile Desprairies poursuit son exploration de l’Occupation. Elle le fait par un biais original. Si les signes et symboles les plus voyants de l’Etat français ont été niés et effacés – plus d’Hôtel du Parc, siège de l’Etat français, à Vichy ! -, un certain nombre de mesures existent encore, dont les Français profitent et qui, horresco referens !, ont été prises par le gouvernement de Vichy. Beaucoup connaissent la plus universelle, la Fête des Mères, mais il en reste quantité d’autre qui n’ont pas été abrogées par les républiques.

Tout n’était pas mauvais, loin s’en faut, dans les 16 786 lois et décrets promulgués par Vichy. Comme l’écrivait Marc-Olivier Baruch, « tout n’était pas à rejeter dans la production administrative de ces quatre années, qui seraient pourtant quelque temps plus tard décrites comme ‘à rayer de notre histoire’ ». Que ce soit la vie quotidienne, l’éducation, l’alimentation, la culture ou le sport, pas un de ces domaines qui n’ait été épargné par la production législative de l’Etat français. Certaines de ces mesures n’ont au départ d’autre but que la surveillance de la population, comme la carte d’identité. D’autres sont le fruit de la pression de l’occupant comme le délit de non-assistance à personne en danger (loi du 25 octobre 1941), incitation faite à la population française de collaborer. Il en est qui proviennent des restrictions imposées par la dureté des temps comme l’obligation, au restaurant, du menu à prix fixe. Pour le reste, la recension de Cécile Desprairies compte moult mesures qui font partie du patrimoine génétique des Français et ne comptent pas pour rien dans l’identité de la France. De cet inventaire à la Prévert, retenons, entre autres, l’accouchement sous X, l’heure d’été et l’heure d’hiver, la nouvelle place de l’apéritif, l’extension des vins AOC, la Réunion des musées nationaux, le film en couleur et le film d’animation, l’enseignement du dessin, les comités d’entreprise, l’INSEE, la retraite des vieux, le hand-ball, le carnet de santé, le code de la route, les autoroutes, etc. Très instructif.

Cécile Desprairies, L’héritage de Vichy, Armand Colin, 2012, 237 pages, 27.50 €

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Le Combat de deux Empires: La Russie d’Alexandre Ier contre la France de Napoléon,1805-1812

Broché: 528 pages
Editeur : Fayard (26 septembre 2012)
Collection : Divers Histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2213670765
ISBN-13: 978-2213670768
Dimensions : 23,4 x 15,2 x 4 cm

 Le Combat de deux Empires: La Russie d’Alexandre Ier contre la France de Napoléon,1805-1812

En France, on ne compte plus les mauvais apôtres qui se sont faits une spécialité de la détestation de l’histoire nationale. Ils n’ont de cesse de dézinguer toutes nos vieilles gloires : Richelieu, Turenne, Louis XIV, Napoléon… Pas un de ces grands personnages qui ait leurs faveurs. C’est que la doxa, œuvre de la pensée unique, a parlé : tout, y compris le passé le plus lointain, doit être jugé à l’aune des droits de l’homme. Cela nous vaut un manichéisme insupportable où tout apparaît en noir ou blanc alors que, comme le disait Romain Gary, dans la vie, et donc dans l’histoire, c’est le gris qui domine. Or, tandis que certains d’entre nous se repaissent de cette haine pour ce qu’a de singulier et parfois de formidable l’histoire de notre pays, des étrangers prennent des voies contraires. C’est le cas d’Oleg Sokolov, professeur de civilisation française à Saint-Pétersbourg, un joyeux timbré de l’époque napoléonienne. Son livre, Le combat de deux empires, est un joli pied de nez à ceux qui, indistinctement, vilipendent Napoléon et l’histoire de France. Livre à thèse, solidement étayé, toujours agréable à lire, Le combat de deux empires est une œuvre à charge contre Alexandre 1er, l’ennemi juré de Napoléon. Qu’entend démontrer Sokolov ? Que le jeune tsar de toutes les Russies n’a eu de cesse d’éliminer du trône l’Empereur des Français, qu’il voulait mettre fin au règne d’un homme qui, même génial, n’en était pas moins un parvenu. « Le tsar, écrivait le prince Czartoryski, ne recherchait absolument pas une solution pacifique au conflit : il ne recherchait que la guerre, l’anéantissement de l’Empire napoléonien et, plus que tout, le renversement de Napoléon. » (p. 301) On ne festoie pas impunément avec les têtes couronnées héréditaires. Durant dix bonnes années, Alexandre est financé, soutenu par l’or et le déshonneur britanniques. Face à cet homme qui sait si bien camoufler ses sentiments, Napoléon se comporte en gentleman. Pour éviter de tirer l’épée, il se livre à de nombreuses compromissions, cherchant toujours à exonérer le tsar.
La thèse de l’historien russe est si solidement charpentée qu’elle semble difficile à mettre en doute. Elle a le mérite de rendre Napoléon plus sympathique : ici, il n’est pas le va-t-en-guerre, le monstre, « l’Ogre », qu’une certaine propagande s’est plue à décrire.

Oleg Sokolov, Le Combat de deux Empires: La Russie d’Alexandre Ier contre la France de Napoléon,1805-1812, Fayard, 2012, 522 pages, 25 €

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La victoire taboue

Broché: 192 pages
Editeur : Editions Toucan (14 mars 2012)
Collection : TOUC.ENQUETES
Langue : Français
ISBN-10: 2810004722
ISBN-13: 978-2810004720
Dimensions : 22,2 x 14 x 3,2 cm

 La victoire taboue

A l’occasion de ce que l’on appelle pudiquement les « événements », les historiens n’ont pas lésiné : nombreux sont les livres à traiter de la guerre d’Algérie (1954-1962). C’est en tant que spécialiste de l’Armée française que Christophe Dutrône se met de la partie. « La victoire taboue », c’est une victoire dont on n’ose pas ou peu parler. « Victoire », elle l’est assurément tant l’Armée française fut supérieure à l’ALN, l’Armée de Libération Nationale, bras armé du Front de Libération National algérien. « Taboue », elle l’est aussi car l’esprit de repentance a obscurci la faculté de jugement. On en est au point où la République n’ose plus fêter nos plus grandes victoires. En 2005, la délégation qui se rendit en Moravie fêter le triomphe d’Austerlitz fut des plus squelettiques. En ces temps où l’on a presque honte d’être soi-même, certains préfèrent raser les murs. Que l’on pense ici au mot d’Emmanuel Berl : « Nous nous reprochons d’avoir bâti Casablanca alors que les Romains étaient tout fiers d’avoir détruit Carthage ».
C. Dutrône livre une histoire limpide et très honnête de la guerre d’Algérie, une synthèse quasi parfaite. On peut toutefois trouver à redire à propos d’un titre qui induit en erreur. « La victoire tactique de l’Armée française », sous-titre de l’ouvrage, n’apparaît guère et les événements politiques y ont une part très importante. C’est donner à penser que l’outil militaire fut tout juste à la hauteur des ambitions des états-majors. Or, les deux divisions de parachutistes et la Légion, présentes en Algérie, ont montré de façon décisive que les leçons de la guerre d’Indochine avaient été intelligemment tirées. Un historien suédois a écrit récemment que l’Armée française disposait à l’époque de professionnels sans équivalent dans les autres armées. On aurait aimé que C. Dutrône mît davantage en avant cette supériorité.
L’auteur conclut comme il le fallait. Si l’attitude du Général de Gaulle a justement suscité l’incompréhension, voire l’indignation, il avait raison au regard de l’histoire. Que serait devenu notre pays si l’intégration avait l’emporté ? Comment aurions-nous résisté au déferlement de ces nouveaux Français, étrangers à notre culture et à la démographie galopante ? Fallait-il conserver l’Algérie ? « L’évidence, tout comme le bon sens, amenèrent Charles de Gaulle à répondre par la négative » (p. 188).

Christophe Dutrône, La victoire taboue, Editions du Toucan, 2012, 188 pages, 16,15 €

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Sun Tzu ou l’art de gagner des batailles : Saratoga, Waterloo, Gettysburg, La Marne, La bataille de France, Stalingrad, La Normandie, La Corée

Broché: 304 pages
Editeur : Editions Tallandier (20 septembre 2012)
Collection : APPROCHES
Langue : Français
ISBN-10: 2847349197
ISBN-13: 978-2847349191
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 2,6 cm

 Sun Tzu ou l’art de gagner des batailles

Il y a 2 400, un sage chinois nommé Sun Tzu écrivait L’art de la guerre, un traité lu et assimilé par des générations de stratèges. Court, constitué d’aphorismes simples, L’art de la guerre donne des recommandations aux généraux pour leur donner la victoire à peu de frais. En effet, pourquoi vaincre son ennemi si c’est pour être, au bout du compte, aussi ruiné que lui ? Voulant vérifier la pertinence des axiomes développés par Sun Tzu, l’historien états-unien Bevin Alexander les applique à quelques batailles récentes de l’aire occidentale : Waterloo, Gettysburg, La Marne, Stalingrad… L’auteur s’applique à vérifier la pertinence des idées du célèbre Chinois sur le mode : « Regardez l’effarante conduite du général sudiste Lee à Gettysburg ! Il a perdu une bataille qu’il aurait dû gagner, tout simplement parce qu’il a méconnu les principes édictés par Sun Tzu. » Les conceptions stratégiques et tactiques de ce dernier sont simples et de bon sens : cacher ses intentions, éviter les gros de l’ennemi pour s’en prendre aux troupes de moindre importance, éviter les attaques frontales et ainsi de suite.

Si l’ouvrage se lit aisément, on touche néanmoins assez vite aux limites du genre. En effet, ce genre de systématisation ne tient pas devant la réalité des faits. L’auteur affirme que Napoléon a commis une erreur en attaquant de front l’armée de Wellington. La belle affaire ! Pouvait-il faire autrement alors qu’il était dans l’ignorance de la position et de la composition de l’armée ennemie ? Sun Tzu écrit que tout l’art de la guerre consiste à parvenir à ses objectifs en versant le moins de sang possible, par la ruse par exemple. Idée évidemment séduisante car, comme disait je ne sais plus quel grand stratège, « votre ennemi n’aime pas la guerre, il préférerait vous envahir sans rencontrer de résistance. » Le problème, c’est que le siècle dernier a développé un nouveau type de guerre, une guerre que les Anciens n’avaient pas prévu : la guerre de conquête et d’extermination, comme celle que les Allemands entreprirent lorsqu’en juin 1941 ils attaquèrent l’Union Soviétique. Deux ans plus tard, alors que l’initiative est passée à l’Armée Rouge, celle-ci ne feint pas, n’atermoie pas… Elle est si puissante qu’elle peut se permettre d’attaquer du fort au fort pour anéantir toute résistance ennemie. L’art opératif mis au point par les stratèges soviétiques s’apparente à la Blitzkrieg germanique : la guerre devient mouvement et rapidité, avec des pertes toujours plus lourdes. Il y a vingt-cinq siècles, Sun Tzu ne pouvait le prévoir.

Bevin Alexander, Sun Tzu ou l’art de gagner des batailles, Tallandier, 2012,296 pages, 20.90 €

 

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Les Guerriers du froid : Vie et mort des soldats de l’armée rouge, 1939-1945

Broché: 512 pages
Editeur : Fayard (29 février 2012)
Collection : Divers Histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2213663068
ISBN-13: 978-2213663067
Dimensions : 23,4 x 15,2 x 3,2 cm

 Les Guerriers du froid

Pour l’Union Soviétique, le bilan du second conflit mondial est accablant : plus de vingt millions de morts dont plus de huit millions de militaires, un triste record dont le pays eut longtemps à souffrir. Pour se faire une plus juste idée de ce bilan, il faut savoir que, en un laps de temps à peu près identique, les Etats-Unis eurent à déplorer trois cent mille morts. Il existe donc, de ce point de vue, une singularité soviétique qui tient, pour une large part, au mépris globalement affiché par les officiers généraux pour la vie de leurs hommes. Une sorte d’atavisme, autre déclinaison du « malheur russe » si bien analysé par Hélène Carrère d’Encausse, a imposé une sorte de permanence dans la comptabilité de l’horreur. Le général russe d’avant la Révolution de 1917 est peu économe de la vie de ses soldats. Quant au général soviétique, surtout lors de la période stalinienne, il fait encore moins de cas du sang de ses hommes. C’est par régiments entiers, en 1941 et 1942 surtout, que les frontoviki (surnom donné au fantassin soviétique) fonçaient à perdre haleine en direction des mitrailleuses allemandes. Cette singularité inouïe valait bien un livre. Cette « vie et mort des soldats de l’Armée Rouge, 1939-1945 », éclaire de façon dramatique les horreurs qu’eurent à subir les soldats soviétiques dont un écrivain a dit qu’ils étaient faits pour mourir. A l’aide des souvenirs des quelques anciens soldats encore en vie, Catherine Merridale a écrit ce mémorial destiné au souvenir de l’héroïsme de ces millions d’inconnus qui firent tant alors que le nazisme était sur le point d’engloutir la totalité de l’Europe.

Les guerriers du froid est moins l’histoire vécue au quotidien par le soldat soviétique qu’une histoire de la Seconde Guerre Mondiale vue par celui-ci. On attendait davantage l’auteur sur ce qui faisait le quotidien du soldat en campagne : la nourriture, la faim et le froid, le courrier… bref, l’ensemble des menus détails qui donnent chair à l’Histoire. Les approximations lues ici et là – l’auteur repeint en vert olive l’uniforme brun d’Ivan, autre sobriquet donné au soldat de l’Armée Rouge – ne permettent pas d’atteindre l’éclairage que le titre promet. Le lecteur s’attend à une lecture au ras du sol, l’histoire quotidienne du paysan et de l’ouvrier anonymes enrôlés dans la Grande Guerre Patriotique. En lieu et place il doit se contenter d’une énième version de la guerre à l’Est. Un peu décevant.

Catherine Merridale, Les guerriers du froid, Fayard, 2012, 510 pages, 25.40 €

 

 

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1941-1942 : Et si la France avait continué la guerre…

Broché: 720 pages
Editeur : Editions Tallandier (26 avril 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2847347747
ISBN-13: 978-2847347746
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 4,2 cm

 1941-1942 : Et si la France avait continué la guerre…

Après 1940. Et si la France avait continué la guerre…, Jacques Sapir, Franck Stora et Loïc Mahé poursuivent leur narration de la Seconde Guerre Mondiale telle qu’elle aurait pu se passer si la prise du pouvoir par Pétain en juin 1940 avait échoué. Le gouvernement de la République continue la lutte depuis Alger. Y participent les grandes figures de la III° République finissante comme Reynaud, Mandel et Daladier, plus ceux, comme De Gaulle, qui n’ont jamais accepté la défaite. A Paris, les collabos ont pris langue avec l’occupant, mais ils ne sont qu’une poignée. De la sorte, appuyé sur son Empire, ayant rallié une grande partie de la France combattante, le gouvernement continue la guerre aux côtés de la Grande-Bretagne. La coalition sera rejointe par les Etats-Unis après Pearl Harbor en décembre 1941. La guerre fait rage sur deux fronts majeurs : en Méditerranée et en Asie du Sud-Est. En Méditerranée, les flottes française et anglaise ne tardent pas à mater la Regia Marina. Grâce aux fournitures américaines, les aviations alliées mènent la vie dure à la Luftwaffe. De ce fait, les Allemands peinent à conquérir la Corse et la Grèce. Ils essuient même de cuisants revers dans les îles grecques. Devant le relatif marasme de ses armes, Hitler a repoussé son grand dessein : l’invasion de l’Union Soviétique, laquelle ne commencera qu’en 1942. En Asie, les Japonais lorgnent du côté de l’Indonésie et de l’Indochine. Après quelques succès initiaux, eux aussi doivent déchanter devant l’opiniâtreté des Alliés. Comme dans la réalité le conflit devient vite planétaire.

Comment ne pas applaudir un récit aussi bien mené, de bout en bout très réaliste ? Les auteurs, spécialistes en histoire militaire, donnent du conflit une image saisissante : on dirait du Raymond Cartier au meilleur de sa forme. Et si la France avait continué la guerre… s’avère de ce point de vue une réussite accomplie. Un petit regret toutefois : il nous semble que cette histoire est trop favorable aux armes alliées. Or, tant en 1914-1918 qu’en 1939-1945 les Allemands ont fait preuve d’une maîtrise et d’une intelligence tactique supérieures. Les chiffres l’attestent : ils ont toujours causé plus de pertes et de dommages à leurs adversaires qu’eux-mêmes en ont subis… Cela dit, le mérite du livre est de faire rêver car, après tout, le récit comporte une forte dose de réalisme et il aurait très bien pu arriver que Pétain ne prenne pas le pouvoir en juin 1940. Parfois, l’histoire ne tient pas à grand-chose ; c’est ce que cet ouvrage permet de vérifier avec intelligence.

Jacques Sapir, Franck Stora, Loïc Mahé, 1941-1942. Et si la France avait continué la guerre… , Tallandier, 2012, 721 pages, 26.90 €