La grande stratégie de l’Empire byzantin
S’il y a une réalité historique dont ne parle pratiquement jamais, c’est bien l’Empire byzantin, construction politique et religieuse qui dura tout de même plus de mille ans et engloba, à un moment ou à un autre, des territoire aussi divers que l’Afrique du Nord, l’Asie Mineure et la majeure partie des Balkans. Si Byzance réussit à tenir la dragée haute à tant d’ennemis divers (Huns, Arabes musulmans, Hongrois, Bulgares…), ce fut moins par la force de ses armées que par l’intelligence de sa stratégie. La puissance brute n’aurait pas suffit à contenir à elle seule la multiplicité de ses ennemis. En dépit d’une armée régulière de qualité et de la position défensive excellente de la ville fondée par l’empereur Constantin, Byzance ne fut jamais assez forte pour mettre l’ensemble de ses ennemis à genoux. Les temps de la conquête romaine étant définitivement révolus, Byzance fut en conséquence adepte d’une stratégie indirecte de premier ordre. Pour ce faire, elle n’hésitait pas à acheter la paix, à embaucher des mercenaires, à passer des alliances, à détourner les migrations de nations entières pour les éloigner. Mais elle sut faire mieux et on reconnaît la spécificité de la stratégie byzantine à ce qu’elle évitait généralement d’anéantir la force militaire d’une nation hostile. Une fois la paix conclue, celle-ci pouvait devenir un allié précieux, un tampon permettant d’amortir le choc d’un ennemi venant de plus loin. La stratégie byzantine relève moins de coups audacieux que d’une recherche patiente du meilleur compromis. Enfin, comme le dit Edward Luttwak, « les Byzantins avaient à leur disposition davantage d’instruments de persuasion efficaces que leurs prédécesseurs ou rivaux, parmi lesquels la religion chrétienne de la ‘vraie foi orthodoxe’ ».
Une fois encore l’école historique états-unienne montre tout son dynamisme. L’originalité de la démarche et celle du sujet participent à l’explicitation de l’histoire tant à la mode dans un pays qui en a très peu. Malgré ces atouts, le récit peine à tenir le lecteur en haleine. Sans doute ce dernier aurait-il aimé plus d’histoires et moins de commentaires. L’essentiel de l’ouvrage résulte de la glose d’ouvrages de littérature militaire byzantine. S’ils mettent bien en perspective la grande stratégie de l’Empire byzantin, ils ressemblent trop à une explication de texte et, de la sorte, empêchent le récit de décoller.
Edward Luttwak, La grande stratégie de l’Empire byzantin, Odile Jacob, 2010, 512 pages, 29.90 €