Catégories
Histoire Recensions

Recherches de la France

Broché : 608 pages
Editeur : Gallimard (3 octobre 2013)
Collection : Bibliothèque des Histoires
Langue : Français
ISBN-10 : 2070140466
ISBN-13 : 978-2070140466
Dimensions : 22,5 x 3,9 x 14,2 cm

 Recherches de la France

Membre de l’Académie française depuis 2001, Pierre Nora figure au premier rang des grands historiens français. Les initiés se souviennent encore de la publication, en 1997, des trois gros volumes des Lieux de mémoire, œuvre collective d’immense ampleur, « exploration sélective et savante de notre héritage collectif ». Ce pilier des Editions Gallimard a colligé dans ces Recherches de la France divers travaux – articles de revues savantes, conférences et autres contributions – sur notre pays en s’intéressant spécialement à l’histoire contemporaine, depuis 1789 et la naissance de la République. Comme l’historien l’indique en préface, nous sommes loin, ici, d’une « histoire personnelle de la France ». En revanche, tout à sa « manière personnelle d’écrire cette histoire », Pierre Nora se penche sur des objets d’études dont il est devenu un spécialiste : l’avènement de la nation, la genèse de la République, les grandes figures républicaines et nationales que furent des Lavisse et des Buisson. Les contributions versées dans ce volume sont, il faut le dire, d’une lecture exigeante ; elles supposent une connaissance plutôt approfondie du roman national. Pierre Nora est davantage un analyste qu’un conteur. Au-delà des thèmes de prédilection de l’historien, on remarquera son intérêt pour l’histoire longue, laquelle ne s’épuise pas dans la seule République, et surtout l’appétence qui est la sienne pour l’attachement à la France. La diversité des sujets abordés ne doit pas cacher l’essentiel. Au fond, prévient l’auteur dès la préface, l’histoire éclatée qui est livrée dans ce volume révèle une analyse approfondie où « chaque éclat dit quelques chose de la singularité mystérieuse du tout ». Terminons en signalant, à l’heure où l’enseignement de l’histoire laisse plus qu’à désirer dans les cénacles de l’Education nationale, les articles lumineux que P. Nora consacre à ces maîtres que furent Jules Michelet et Ernest Lavisse.

Pierre Nora, Recherches de la France, Galllimard, 2013, 590 pages, 24.50€

Catégories
Histoire Recensions

Une Histoire de la marine de guerre française

Broché : 528 pages Editeur : Perrin (7 avril 2016) Langue : Français ISBN-10 : 2262037159 ISBN-13 : 978-2262037154 Dimensions t: 15,6 x 3,9 x 24,1 cm
Broché : 528 pages
Editeur : Perrin (7 avril 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262037159
ISBN-13 : 978-2262037154
Dimensions t: 15,6 x 3,9 x 24,1 cm

 Une Histoire de la marine de guerre française

La marine de guerre a-t-elle toujours fait figure de parent pauvre ? La lecture du livre du contre-amiral Rémi Monaque peut le laisser croire. Du reste, il n’est pas le seul à faire ce constat. En 1977, le Britannique H.E. Jenkins, auteur d’une très impartiale Histoire de la marine française, avait tiré un constat identique : Si la France n’a pas à avoir honte de sa marine de guerre, la marine française, à juste titre, peut avoir quelque raison d’avoir honte de la France. A côté de l’habileté d’amiraux comme Duquesne ou Tourville, de la bravoure de corsaires comme Jean Bart et Surcouf, de la qualité de nos vaisseaux du temps de la marine à voile, que d’errements, de reculs et de demi-mesures ! Sauf exception, la marine française n’a pu faire mieux que d’être un brillant second ; les nombreuses déconvenues qu’elle a essuyées sont pour l’essentiel dues aux reculades à un pouvoir politique dont les choix erratiques ont sans cesse balancé : la mer ou la terre ?  La géographie a rendu le choix des plus malaisés. Tandis que les Anglais pouvaient se contenter d’une minuscule armée de terre et avaient par conséquent tout loisir de renforcer leur marine, la France a toujours été tiraillée entre l’appel du large et la défense du territoire national. Comment nos aïeux auraient-ils pu être aussi puissants sur mer que sur terre ? Si certains ministères comme ceux de Richelieu et de Colbert surent donner aux marins les moyens de la puissance, les saccades de l’histoire nationale empêchèrent la France de devenir une très grande puissance maritime. A partir de la Révolution, la marine va connaître un déclin progressif jusqu’à la Première Guerre mondiale. Depuis les années 1980, la marine est soumise à une dure épreuve, ses effectifs et son budget étant sans cesse victimes de purges sévères. Très complète, cette Histoire de la marine se lit avec grand plaisir.

Rémi Monaque, Une Histoire de la marine de guerre française, Perrin, 2016, 526 pages, 26 €

 

Catégories
Histoire Recensions

Mussolini. Un dictateur en guerre

Broché : 250 pages Editeur : Perrin (19 mai 2016) Langue : Français ISBN-10 : 2262043728 ISBN-13 : 978-2262043728 Dimensions : 13,9 x 2,4 x 20,9 cm
Broché : 250 pages
Editeur : Perrin (19 mai 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043728
ISBN-13 : 978-2262043728
Dimensions : 13,9 x 2,4 x 20,9 cm

 Mussolini. Un dictateur en guerre

Si le fascisme semble aussi vilipendé que le nazisme, il s’avère aussi que la comparaison entre ces deux systèmes totalitaires ne vaut pas raison. Bien sûr, le fascisme draina la plupart des oripeaux propres au totalitarisme : enrégimentement de la jeunesse, propagande étouffante, régime à parti unique, chasse aux opposants, dirigisme économique, etc. Cela dit, la comparaison avec le nazisme ou le stalinisme se fait au bénéfice du fascisme. Si le régime mussolinien était dur, il n’était pas impitoyable comme pouvait l’être à la même époque l’Allemagne hitlérienne : pas de camp de la mort, pas de chasse à mort à l’encontre des personnes de confession juive, une monarchie et une Eglise – religion de l’énorme majorité des Italiens – respectées et ainsi de suite. Mais c’est moins les affaires intérieures qui intéressent l’auteur de ce Mussolini que la politique extérieure d’un chef d’Etat dont les rodomontades ne purent jamais dissimuler la faiblesse congénitale d’un régime reposant sur une base trop fragile. En matière de politique étrangère et de diplomatie, l’histoire de l’Italie mussolinienne emprunte beaucoup à la fable de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf.  Désireux d’agrandir l’empire colonial italien et de jouer dans la cour des grands, le Duce s’enflamma pour une politique de grandeur dont l’Italie n’avait assurément pas les moyens. « C’est une guerre pour les Allemands ou les Japonais, disait le Duce, pas pour nous. » (p.217) Doté d’un équipement industriel vieillot et d’un outil militaire inadapté, l’Italie sera, jusqu’en 1943, constamment à la remorque de son puissant allié du nord. S’illusionnant sur les capacités d’une nation insuffisamment industrialisée, l’Italie fut incapable de soutenir la guerre parallèle en Méditerranée. Pour l’Italie la guerre se résuma en une succession de défaites, de mécomptes et de désillusions.

Max Schiavon a réussi à dresser le portrait d’un homme pas forcément antipathique mais égaré par son appétit de puissance.

 

Max Schiavon, Mussolini. Un dictateur en guerre, Perrin, 2016, 270 pages, 21€

 

Catégories
Histoire Recensions

Une journée avec

Broché : 380 pages
Editeur : Perrin (4 mai 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262050708
ISBN-13 : 978-2262050702
Dimensions : 14,1 x 3,4 x 21,1 cm

 Une journée avec

Fruit du travail commun d’une quinzaine de collaborateurs, Une journée avec se donne pour objectif de décrire la journée type d’un homme ou d’une femme illustre, de Charlemagne à Elizabeth II d’Angleterre. Autant dire qu’avec un tel sujet le lecteur se trouve bien plus souvent dans le cabinet de travail, la chambre à coucher ou la salle à manger d’un roi ou d’un président que sur un champ de bataille  ou dans une réunion diplomatique. La quinzaine de contributions présentées dans ce livre, toutes plaisantes à lire, donne raison au célèbre adage de Napoléon affirmant que, pour un domestique, il n’y a pas de grand homme. Si d’apparence Une journée avec nous emmène volontiers dans la petite histoire, il n’en reste pas moins que celle-ci possède des liens solides avec sa sœur jumelle, la grande histoire. En effet, il n’est pas dit que les habitudes horaires, alimentaires ou autres d’un personnage de premier plan n’ont pas eu d’influence sur sa destinée. La façon qu’avait Napoléon Ier de travailler et de mener une journée en dit long sur le comportement qu’il eut jusque dans les grandes affaires : cette hâte, cette hyperactivité qui parfois s’apparentait à de la précipitation a pu gâter de très pertinentes intuitions. On pourra conseiller à nombre de nos contemporains, soucieux d’être sans cesse connectés, « La vie de caserne de Charles de Gaulle à l’Elysée ». L’article donne à voir un De Gaulle détestant le téléphone, un engin qui coupe le fil de votre conversation et oblige à reprendre plusieurs fois la même démonstration. Une mention particulière au « Dimanche ordinaire de François Mitterrand », portrait très savoureux.

Sur un thème original, conduit par des récits menés tambour battant, Une journée avec, s’il n’a pas la prétention de constituer un grand livre d’histoire, fait pénétrer le lecteur dans l’intimité des grands de ce monde, passé et présent. Ce faisant, il éclaire des personnalités et offre une vue originale sur leur cheminement intérieur.

 

Claude Quétel & Franz-Olivier Giesbert, Une journée avec, Perrin, 2016, 380 pages, 21€

Catégories
Histoire Recensions

Une histoire de la marche

Broché : 370 pages
Editeur : Perrin (3 mars 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262032521
ISBN-13 : 978-2262032524
Dimensions : 14 x 3,2 x 21,1 cm

 Une histoire de la marche

Le titre du livre d’Antoine de Baecque a toute son importance : il s’agit bien d’une histoire de la marche et non de l’histoire de la marche. Ce choix explique les nombreux blancs, ce que l’historien, pour des raisons qui lui appartiennent, ne dit pas. Rien, par exemple, sur les fabuleuses conquêtes d’Alexandre le Grand qui a fait parcourir à ses troupes – aller et retour – la distance qui part de la Grèce propre pour s’achever en Inde. S’il s’arrête un peu sur les itinéraires parcourus par le peuple hébreu ou les nomades du Grand Nord, ce qu’il y a d’historique dans cette histoire concerne essentiellement la conquête des Alpes par les marcheurs (ah ! le beau GR 5 qui va de Nice à Chamonix) et alpinistes. C’est au XIX° siècle que la marche devient un agrément physique, voire un sport. Jusques là, les grands marcheurs l’étaient par obligation, pour fuir un danger, par nécessité professionnelle et ainsi de suite. Dans la première moitié du XX° siècle, l’émergence du temps libre et des loisirs, le scoutisme ou le besoin d’aventure vont mettre tout un peuple de marcheurs sur des chemins dont des pionniers tracent les itinéraires (les chemins de Grande Randonnée voient leur tracé balisé au tout début des années 1950). En fin d’ouvrage, Antoine de Baecque rappelle que marcher signifie aussi s’engager et manifester. On ne compte plus, de Gandhi à Martin Luther King, les manifestations prenant la marche comme forme. La marche est aussi volonté de résister ou d’échapper à la destruction (Mao et la Grande Marche).

La marche ne se réduit pas à un exercice physique, elle va bien au-delà. L’auteur rapporte les propos de Pascal Picq, auteur de La marche. Sauver le nomade qui est en nous : « L’être humain est un bipède, un animal qui marche. Et c’est avec la marche que la pensée prend forme. » Ce point de vue original est souligné à satiété par Antoine de Baecque. Marcher fait partie d’un art de vivre, marcher aide à penser, à voir le monde différemment, découvrir des espaces inconnus, se construire une vie intérieure. L’effort des civilisations a été de sédentariser l’homme ; n’était-ce pas trop demander à celui qui marche debout ?

 

Antoine de Baecque, Une histoire de la marche, Perrin, 2016, 373 pages, 22 €

Catégories
Histoire Recensions

Histoire du monde – Les âges anciens : Tome 1

Broché : 450 pages
Editeur : Perrin (14 janvier 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262047162
ISBN-13 : 978-2262047160
Dimensions : 16,8 x 3,8 x 24,1 cm

 Histoire du monde – Les âges anciens

Bien des historiens ont essayé, avec des fortunes diverses, de raconter l’histoire du monde de la façon la plus limpide et la plus synthétique possibles. En trois volumes d’environ 500 pages, John Roberts et Odd Westad ont réalisé un fabuleux travail, une synthèse aboutie consistant non pas à « écrire en continu l’histoire de tous les principaux pays », mais de chercher les lignes de faîte de l’histoire mondiale ainsi que les événements ayant durablement influencé l’espèce humaine. « J’ai cherché, disait John Roberts, à mettre l’accent sur ce qui semblait important, plutôt que ce sur quoi nous étions les mieux informés. » (p. 15)  Les deux premiers chapitres, le premier intitulé « Les fondations » et le second « Au seuil de la civilisation », récapitulent la méthode adoptée par les auteurs. Il ne s’agit pas d’empiler des dates, des événements et des lieux, mais d’observer la façon dont, lentement, les sociétés humaines vont se mettre en place, pierre après pierre. Tout cela pour arriver à des conclusions mûrement réfléchies, soigneusement pesées ; ainsi à la page 39 : « Quelque hcose qui ressemble à une véritable société se met à prendre obscurément forme à l’occasion de ces entreprises collectives compliquées que sont les expéditions de chasse. » Les deux historiens cherchent, soupèsent, observent, vérifient la lente émergence des sociétés humaines depuis les temps les plus reculés. L’émergence des civilisations est analysée avec une incomparable minutie, la naissance de l’agriculture puis, plus tard, de l’écriture, en sont les marqueurs les plus significatifs. Le projecteur est ensuite braqué sur la Mésopotamie, berceau des civilisations. Plus tard viendront l’Egypte ancienne, Babylone, la singulière odyssée du peuple hébreu, l’aventure grecque, le monde romain… sans oublier l’Inde et la Chine, des mondes ayant leurs caractères propres. L’émergence de plusieurs foyers de civilisations a tendance à donner raison à l’abbé Breuil, le préhistorien français, lequel avait coutume de dire que l’humanité n’avait probablement pas qu’un seul berceau.

Ce livre, fruit d’intelligences remarquables, est une mine. Plutôt que de noyer le lecteur sous des monceaux d’informations, il cherche à éclairer l’histoire des hommes en ce qu’elle a d’essentiel. Dans cette synthèse magistrale, tout paraît important. Un tel livre ne peut être lu que dans le plus grand silence, un crayon à la main. Prodigieux !

 

John Roberts & Odd Westad, Histoire du monde. Les âges anciens, Perrin, 2016, 450 pages, 22€

Catégories
Histoire Recensions

La vie quotidienne au Moyen Age

Broché : 379 pages
Editeur : Perrin (23 avril 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262041199
ISBN-13 : 978-2262041199
Dimensions : 21 x 3,3 x 14 cm

  La vie quotidienne au Moyen Age

Depuis les travaux d’une Régine Pernoud et d’un Jacques Le Goff, une certaine image du Moyen Age tend à s’estomper. A la vision sanglante et sordide qu’avait imposée un Michelet ou un dessinateur comme Gustave Doré fait aujourd’hui pièce un monde plus accord avec la réalité. Le Moyen Age, c’est l’Inquisition et les Croisades, mais c’est aussi l’amour courtois, le moulin à roue et la sauvegarde du legs antique dans les monastères. Les historiens s’attachent trop aux événements politiques, diplomatiques et culturels d’une période. Ce faisant, n’avaient-ils pas tendance à oublier ce qui fonde la société, ce qui la charpente dans ses unités les plus petites, lui permettant de faire corps ? Rien de tel que d’étudier la vie quotidienne dans ses composantes les plus diverses : comment l’homme médiéval s’habillait-il, se chauffait-il, se distrayait-il, se soignait-il, mourait-il et ainsi de suite ? En de courts chapitres, agréables et faciles à lire, Jean Verdon réussit à donner un visage aux hommes et aux femmes de ce temps, bien loin des images d’Epinal forgées par l’historiographie d’autrefois. Vu le sujet, cette Vie quotidienne apparaît très factuelle. Mais l’auteur n’a pas oublié de prendre un peu de recul. Certaines de ses observations paraissent particulièrement frappantes. J’ai noté celles-ci : que l’homme médiéval était moins sensible que nous au temps qui passe, et que « la soumission à la nature, la croyance en un au-delà ont peut-être permis à l’homme médiéval d’acquérir, malgré une existence plus courte que la nôtre, une certaine sagesse que nous ne possédons plus. » (p. 372)

Le livre foisonnant de Jean Verdon ravira le lecteur désireux de découvrir ou de redécouvrir la période. Quant au lecteur affûté, il pourra trouver à redire. En effet, tâcher d’embrasser un temps long de dix siècles en des chapitres variés et courts ne permet pas d’aller au fond des choses. Se distraire, voyager ou se nourrir, qu’on ait vécu sous Charlemagne ou Louis XI, devaient relever de pratiques différentes. Au sein de l’immense Moyen Age il en existait beaucoup de petits. Ce petit bémol ne doit toutefois pas dissimuler le bonheur de la découverte.

Jean Verdon, La vie quotidienne au Moyen Age, Perrin, 2015, 379 pages, 21€

Catégories
Histoire Recensions

Le retour du général de Gaulle

Broché : 478 pages
Editeur : Perrin (21 mai 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262049858
ISBN-13 : 978-2262049850
Dimensions : 21 x 3,5 x 14,2 cm

 Le retour du général de Gaulle

Après les livres torrentiels d’Eric Roussel et Jean Lacouture, sans oublier ceux de Michel Tauriac et de tant d’autres, on peut à bon droit se demander ce que peut apporter un énième livre consacré à Charles de Gaulle. Cependant, comme le livre de Georges Ayache porte sur une période plutôt sombre de l’histoire gaullienne et qu’il est écrit avec panache, il vaut la peine de s’y pencher. Le retour du général de Gaulle revient, bien sûr, sur le mouvement du 13 mai, c’est-à-dire la canalisation politique par les gaullistes de la grave crise qui couve à Alger, l’armée et ses chefs étant prêts à faire sécession. Cet état de quasi-insurrection des Français d’Algérie, soutenus par une partie de l’Armée, servit les intérêts du général de Gaulle qui, au bout du compte, n’eut qu’à cueillir un pouvoir à bout de souffle. On connaît la suite, la fin d’une IV° République totalement discréditée et l’émergence d’une république nouvelle, la V°, et d’une constitution dont la finalité est de mettre fin au régime des partis et de restaurer l’indépendance et l’intégrité de l’Etat. Quelques temps plus tard, les Français accordent leurs suffrages et leur confiance à celui qui avait restauré la grandeur de la nation. Au fond, le plus intéressant dans l’ouvrage de Georges Ayache concerne ce que l’on appelé la « traversée du désert ». Une figure aussi impressionnante et noble n’était pas faite pour la routine et la médiocrité du quotidien (« Si j’étais député, vous me voyez demander la parole à Edouard Herriot ! »). Ce récit remarquablement vivant introduit le lecteur dans l’intimité d’un homme confronté à la monotonie de l’existence, loin du pouvoir et de l’ivresse qu’il procure. Pour paraphraser l’homme du 18 juin, on peut dire que de Gaulle était né pour faire l’Histoire, pas pour la regarder. Ces années 1950, de Gaulle les vit dans le doute, l’outrance et parfois le découragement. Le retour… permet de redécouvrir un homme faillible et vulnérable.

Marquant sa sympathie pour ce personnage hors norme, Georges Ayache délivre un beau et grand texte, plein d’humour et de verve. Cerise sur le gâteau : le récit est parsemé de ces anecdotes pittoresques dans lesquelles s’exerce l’humour vachard de Charles de Gaulle. Une belle réussite que ce Retour !

 

Georges Ayache, Le retour du général de Gaulle, Perrin, 2015, 478 pages, 22.90€

Catégories
Histoire Recensions

La grande défaite (1870-1871)

Broché : 414 pages
Editeur : Perrin (2 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262032459
ISBN-13 : 978-2262032456
Dimensions : 24 x 3 x 15,5 cm

 La grande défaite (1870-1871)

Durant des décennies, la Guerre de 1870 a été un peu oubliée. Il est vrai que le souvenir des deux immenses conflits mondiaux a rendu assourdissants les échos de ces pages noires de notre histoire. Alain Gouttman, déjà auteur d’un ouvrage remarqué sur la guerre de Crimée, s’est donné pour tâche de revisiter ces terribles journées d’août et de septembre 1870. Ayant à sa tête un Napoléon III malade et affaibli, miné par les divisions, le pays s’est enfoncé depuis quelques années dans une douce léthargie. Lorsque l’orage menace, c’est-à-dire lorsque la Prusse de Bismarck montre ses crocs, les Français sont englués dans leurs dissensions et autres picrocholines zizanies. Quant à la diplomatie, outil majeur dans l’Europe de ce temps, elle est en piteux état et c’est avec une rouerie consommée que Bismarck va se jouer de son amateurisme. Bref, résume l’auteur : « En 1870, la démagogie était à la barre et c’était elle, au premier chef, qui entraînait la France à l’abîme. » (p. 142) L’idée de l’auteur n’était pas de donner une histoire suivant de près la chronologie des événements qui vont amener la défaite, la naissance de la Commune puis son écrasement par les troupes de Monsieur Thiers ; bien d’autres ouvrages, tout à fait excellent comme celui de François Roth, ont déjà donné une exacte description de ces jours sombres pour les couleurs nationales. A travers les défaites diplomatiques et militaires qui marquent la deuxième partie de cette année 1870, Alain Gouttman entend démontrer que « la grande défaite » était inéluctable, la somme des erreurs et lâchetés des dernières années du règne de Napoléon III devant être soldées. Les déchirures de la société ont exercé sur la nation une influence délétère qui, fatalement, devait être sanctionné par une défaite aussi sévère que soudaine. On songe, ici, au Henri V de Shakespeare : « Demain, dans la bataille, le roi portera les péchés de son armée. » Lorsqu’une nation connaît une défaite, c’est généralement qu’un faisceau de circonstances devait fatalement l’y mener. Une belle réflexion sur la fragilité et la puissance des nations.

 

Alain Gouttman, La grande défaite (1870-1871), Perrin, 2015, 414 pages, 24.90€

Catégories
Histoire Recensions

La Seconde Guerre mondiale

Broché : 571 pages
Editeur : Perrin (29 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262034508
ISBN-13 : 978-2262034504
Dimensions : 24,2 x 3,6 x 15,6 cm

 La Seconde Guerre mondiale

Ecrire une histoire du second conflit mondial, très accessible, pas trop volumineuse et intégrant les données les plus récentes de l’historiographie, tel est le pari tenté et réussi par Claude Quétel. « Jusqu’à ce jour, indique la présentation de l’ouvrage, seuls trois grands historiens anglo-saxons ont relevé le défi avec succès : John Keegan, Liddel Hart et plus récemment Anthony Beevor. Trop partisans ou fragmentaires, les Français ont échoué en dépit de plusieurs tentatives. » Bien sûr, vu la taille de l’ouvrage, l’amateur n’apprendra rien de nouveau ; il s’apercevra toutefois que les données mises en œuvre par l’auteur sont remarquables de fiabilité. Quant au néophyte, il n’aura rien à reprocher à un ouvrage qui n’omet aucun des aspects du conflit. Si les événements militaires tiennent naturellement le haut du pavé, tout ce qui concerne les aspects économiques, politiques et démographiques n’est pas oublié. Avec un style efficace et délié, Claude Quétel mène son récit tambour battant. Dès le prologue de la vingtaine de pages passé, le voilà qui attaque en fanfare la campagne de Pologne (1939), puis celle de France (1940), la bataille d’Angleterre, etc.

En auteur averti et passionné, Claude Quétel n’omet pratiquement rien des dernières découvertes réalisées par d’éminents spécialistes de cette période comme David Glantz ou Thomas Weber. Des passages cinglants permettent de remettre certaines pendules à l’heure. Par exemple, contrairement à la thèse véhiculée par Karl Heinz Freizer, la Blitzkrieg associant le tandem char – avion qui va conduire à la déroute des armées alliées en mai-juin 1940 n’est pas l’aboutissement fortuit d’une rencontre de hasard. Autre exemple : l’insistance mise par les Allemands à fabriquer des armes de pointe, les meilleurs dans leur catégorie comme le char Tigre. Cette obstination constitua une erreur dans la mesure où les armes alliés, moins sophistiquées mais plus robustes, étaient plus faciles à fabriquer. L’auteur revient également à plusieurs reprises sur l’importance de la personnalité d’Hitler, absolument décisive. Sans le dictateur nazi, la guerre aurait-elle été aussi longue et implacable ? Enfin, des cartes simples et claires permettent de se faire une idée exacte des principales opérations militaires. Du beau travail !

 

Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2015, 571 pages, 23.90€