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Histoire Recensions

La bataille du Cotentin

Broché : 304 pages
Editeur : TALLANDIER (28 mai 2015)
Collection : L’histoire en batailles
Langue : Français
ISBN-13 : 979-1021004177
ASIN : B00G68N714
Dimensions : 21,5 x 0,2 x 14,5 cm

 La bataille du Cotentin

Il y a soixante-dix ans s’achevait la libération du Cotentin ; rien d’étonnant à ce que cette bataille fasse l’objet de nouvelles publications. Dans ce récit fort bien emmené, Christophe Prime suit pas à pas la libération de ce morceau de France des griffes de la machine de guerre nazie, du débarquement américain à Utah Beach jusqu’à l’opération Cobra, le plan de bataille qui chassa définitivement les Allemands de Normandie et les poussa à quitter précipitamment la France pour s’abriter derrière le Westphall. Très classiquement, l’auteur relate les lâchers de parachutistes à la vieille du Débarquement, le Débarquement lui-même et la poussée des troupes US à l’intérieur des terres, les réactions allemandes et ainsi de suite. Méthodiquement, aidé par une supériorité matérielle écrasante, les troupes américaines parviennent à chasser les Allemands de la péninsule. Elles le font parfois au prix fort car certaines de leurs divisions manquent cruellement d’expérience. Elles font face à des combattants allemands déterminés, les bleus étant encadrés de manière efficace par des soldats chevronnés, souvent des rescapés du terrible front de l’Est. Christophe Prime met en évidence les difficultés américaines… et les solutions qui sont prises pour y remédier. Si l’expérience lui fait défaut, le GI a pour lui l’enthousiasme et la volonté d’en découdre. Il jouit d’une supériorité aérienne totale et d’un service de santé de tout premier ordre. Pour beaucoup, la bataille du Cotentin constituera une expérience suffisamment forte, une aide qui se fera apprécier quand viendront la bataille des Ardennes et l’invasion de l’Allemagne. Quant aux Allemands, en dépit d’une infériorité numérique et matérielle constante, ils font preuve de leurs qualités habituelles : intelligence tactique, habileté à utiliser le terrain, supériorité de l’armement, etc. « L’armée allemande impose à son adversaire une terrible guerre d’usure dans le bocage et les marais du Cotentin. Chaque haie, chaque bosquet est un nid de résistance pour les soldats allemands. » La bataille du Cotentin fut une bataille rude et sanglante. Que dix-mille GI’s y soient tombés, des villes et villages rayés de la carte attestent la violence des combats qui aboutirent à la libération du sol national. Au total, le récit enlevé de Christophe Prime restitue bien l’ambiance fiévreuse de ces temps difficiles.

Christophe Prime, La bataille du Cotentin, Tallandier, 2015, 302 pages, 20.90 €

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Berlin, les offensives géantes de l’Armée Rouge : Vistule, Oder, Elbe (12 janvier-9 mai 1945)

Broché : 672 pages
Editeur : Economica (3 décembre 2009)
Collection : Campagnes & stratégies
Langue : Français
ISBN-10 : 2717857834
ISBN-13 : 978-2717857832
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Berlin, les offensives géantes de l’Armée Rouge : Vistule, Oder, Elbe (12 janvier-9 mai 1945)

Voilà un livre qui devrait être offert à ces chefs d’Etat à la mémoire vacillante qui n’ont pas daigné se rendre à Moscou le 9 mai dernier pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’effondrement du nazisme. On ne le dira jamais assez : c’est le peuple soviétique qui a supporté l’essentiel de l’effort de guerre du III° Reich. Le Berlin de Jean Lopez est l’éclatante démonstration de l’héroïsme d’un peuple qui a perdu vingt millions de ses enfants et dont l’armée a rogné les ailes de la Wehrmacht.

Fort des dernières recherches de l’historiographie, Jean Lopez revisite les offensives qui, dans les premiers mois de l’année 1945, vont amener frontoviki et T 34 des faubourgs de Varsovie jusqu’à la capitale de ce Reich qui, selon les termes d’Hitler, devait durer mille ans. Le Berlin de Jean Lopez est essentiellement un livre d’histoire militaire. Avec brio, l’auteur défend une idée que les anciens chefs militaires de l’Allemagne nazie avaient minimisée dans leurs souvenirs. S’il est vrai que la Ostheer (l’Armée allemande du front de l’Est) est l’ombre de ce qu’elle était quatre ans plus tôt, il est tout aussi vrai que son effondrement doit beaucoup aux immenses progrès réalisés par l’Armée Rouge, et ce dans pratiquement tous les domaines. L’auteur soutient l’opinion que la victoire soviétique est d’abord une victoire intellectuelle. Les battus des années 1941 et 1942 ayant beaucoup appris de la machine de guerre nazie. Durant les dernières décennies du conflit, les généraux soviétiques mettent au point ce qui va constituer la marque de fabrique de l’Armée rouge : l’art opératif. Situé entre les niveaux stratégique et tactique, l’art opératif consiste moins à enchaîner les arabesques tactiques visant à l’encerclement que de démembrer l’armée ennemie dans la profondeur afin de l’empêcher de reprendre son souffle. C’est ainsi qu’en trois semaines, appuyées par une artillerie toujours plus nombreuse, les armées soviétiques vont disloquer les lignes allemandes et prendre pied sur l’Oder, à 80 kilomètres de Berlin.

Soutenu par un style puissant, c’est dans le détail que J. Lopez décrit l’habileté des militaires soviétiques et la puissance formidable de l’Armée rouge. Devant ce rouleau compresseur, l’héroïsme du soldat allemand était de peu de poids. Ce Berlin est un très grand livre d’histoire militaire.

 

Jean Lopez, Berlin. Les offensives géantes de l’Armée Rouge, Economica, 2010, 644 pages, 29€

 

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Le drame d’Azincourt

Broché : 250 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (2 septembre 2015)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10 : 2226318925
ISBN-13 : 978-2226318923
Dimensions : 22,5 x 2 x 14,4 cm

 Le drame d’Azincourt

La célébration de l’année 1415 a été occultée par d’autres commémorations : la bataille de Marignan (1515), la mort de Louis XIV (1715), la bataille de Waterloo (1815)… Mais on aura fait peu de cas de l’anniversaire de la défaite d’Azincourt (1415), qui allait durablement marquer l’inconscient collectif des élites et du peuple de France. Contrairement à la plupart des ouvrages centrés sur un événement militaire, le récit de la bataille arrive ici au début de l’ouvrage, façon de bien montrer que cette « étrange défaite », comme disait Marc Bloch, est à l’origine d’un processus qui faillit emporter l’Etat et la conscience nationale naissante. Après les déroutes de Crécy et de Poitiers face au même ennemi anglais, on aurait pu penser que la noblesse française pouvait conduire intelligemment une bataille. Mais les mêmes causes (dévalorisation de l’ennemi, volonté d’en découdre coûte que coûte, ignorance de la technique anglaise basée sur une archerie puissante, etc.) produisant les mêmes effets, c’est une part notable de la noblesse de France qui disparaît dans la bataille. Une grande partie de l’élite militaire et politique de la nation est balayée, ce qui ouvre grand la porte aux ambitions anglaises désireuses de recouvrer les territoires perdus, en Normandie et en Guyenne, et à l’abaissement de la royauté dont se prévalent certains grands comme le duc de Bourgogne. Un malheur ne venant jamais seul, la guerre civile se déclenche entre forces royales (Armagnacs) et tenants des forces centrifuges (Bourguignons). Quant à l’Aquitaine et à une bonne partie du nord du territoire, elles sont administrées directement par les Anglais. Comme en 1940, c’est l’Etat lui-même qui est touché. En succédant au roi fou Charles VI, Charles VII, le roi de Bourges, met toute sa volonté à expulser l’Anglais et à redonner tout son lustre à la couronne de France. Dans son récit fort bien mené, Valérie Toureille raconte la persévérance d’une minorité (Charles VII, Jeanne d’Arc, des capitaines comme Dunois et Xaintrailles) afin de restaurer l’Etat dans toute son indépendance. Fait majeur, c’est de cette époque que date le nationalisme, ressort nécessaire pour la constitution pleine et entière de la nation. Idée abstraite pour beaucoup, le royaume de France dessinait de plus en plus nettement les contours d’une France dont nous sommes en grande partie redevables. Valérie Toureille a mené de main de maître l’histoire de cette curieuse défaite et a su tirer des conclusions dont, six siècles après, nous continuons à être les héritiers.

Valérie Toureille, Le drame d’Azincourt, Albin Michel, 2015, 232 pages, 18€

 

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Grandeur et misère de l’Armée rouge

Poche : 400 pages
Editeur : Tempus Perrin (8 janvier 2015)
Collection : Tempus
Langue : Français
ISBN-10 : 2262049289
ISBN-13 : 978-2262049287
Dimensions : 17,7 x 1,8 x 10,8 cm

 Grandeur et misère de l’Armée rouge

La Seconde Guerre mondiale n’a pas fini de livrer des informations. Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri ont interviewé douze vétérans de l’Armée rouge, douze anonymes qui avaient combattu entre 1941 et 1945 dans les rangs de l’instrument de combat qui avait définitivement rogné les ailes de la Wehrmacht. Car, quoiqu’on en dise, la guerre s’est bien moins gagnée sur le Front Ouest, avec le Débarquement du 6 juin 1944 que sur le terrible Front de l’Est, là où les Allemands avaient positionné l’essentiel et le meilleur de leurs forces. Mais, face à une Armée rouge aussi puissante que nombreuse, véritable hydre des temps modernes, la puissante machine de guerre nazie n’a pu vaincre. A la longue, les distances, les conditions climatiques, les erreurs stratégiques ont fini par user une armée d’invasion qui, en juin 1941, était entrée en territoire soviétique comme dans du beurre. Les témoignages livrés aux auteurs révèlent un fait observé depuis bien longtemps. Comme nous venons de le dire, ce sont des éléments précis et objectifs (l’immensité du pays, les rigueurs de l’hiver, le nombre des armes produites…) qui ont vaincu. Mais ces éléments auraient-ils suffi sans le concours de l’héroïsme du peuple soviétique ? En ce sens, la victoire finale de l’Armée rouge tient presque du miracle. Après la terrible répression que connaît l’Union Soviétique dans les années 1930, il n’était pas évident que les Soviétiques se lèvent en masse pour sauver un régime que beaucoup abhorraient. Mais voilà, l’appel au patriotisme a joué à plein. Le combat idéologique a vite cédé la place à la défense de la Rodina, la mère-patrie. Les anciens soldats qui donnent leur témoignage insistent : ils montaient au combat pour la défense de leur terre, pas pour sauver un régime honni. La guerre menée par les Soviétiques ne le fut pas à l’économie ; elle l’a été par le sang et la fureur d’un peuple qui avait le martyre dans les tripes. Comme le dit un des témoins interrogés : « Nous avons gagné cette guerre grâce à la brutalité que nous avons exercée contre notre propre nation. » La vie, en cette époque barbare, ne valait décidément pas chère.

 

Jean Lopez & Lasha Otkhmezuri, Grandeur et misère de l’Armée rouge, Tempus, 2014, 391 pages, 10 €

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La Grande Guerre oubliée

Broché : 527 pages
Editeur : Perrin (2 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262040451
ISBN-13 : 978-2262040451
Dimensions : 24 x 3,8 x 15,5 cm

 La Grande Guerre oubliée

Trop souvent la Première Guerre mondiale se confond avec la guerre des tranchées, celle qui a ensanglanté le nord-est de la France. C’est oublier que cette guerre était mondiale et que d’autres théâtres d’opérations ont vu, eux aussi, couler des torrents de sang. Les Alliés auraient-ils gagné la guerre si l’armée russe n’avait pas retenu un bon tiers de l’armée allemande ainsi que le plus gros des forces de la Double Monarchie ? Le livre d’Alexandre Sumpf n’est en rien une histoire de la Grande Guerre à l’Est. Ici, la guerre ne fait que s’inscrire en toile de fond d’un récit plus large. Ce qui compte davantage aux yeux de l’auteur, c’est le climat qui saisit un pays dans l’ensemble de ses strates économiques, sociales et culturelles. Si l’on excepte le chapitre réservé aux combattants, La Grande Guerre oubliée vise davantage à retracer la vie des habitants au contact du front ou à l’arrière. Alexandre Sumpf passe l’ensemble des secteurs de la société russe d’avant la Révolution de 1917, une société en guerre, certes bien mobilisée mais cependant moins, en raison de l’étendue du pays et de l’hétérogénité de ses populations, que les principales nations occidentales en guerre : le moral de la troupe et des habitants, les conditions de la survie dans un pays en guerre, les revendications ouvrières, la propagande, etc… Le théâtre, les coulisses et les épreuves de la guerre achèveront la dissolution de la nation impériale. La guerre allait en effet mettre à nu et accélérer les maux d’une société dont Dieu, le tsar et la patrie n’assuraient plus le ciment. La Grande Guerre oubliée révèle les nombreuses contradictions d’une société à bout de souffle, laminée par ses contradictions internes. Pour Lénine et ses affidés, la vieille Russie n’allait pas tarder à tomber comme un fruit blet ; il suffirait juste de mettre à jour les éléments les plus pourris de l’entité russe.

Grâce à ce travail novateur, Alexandre Sumpf dévoile un pan caché de l’historiographie contemporaine, réalisant un ouvrage que les historiens russes et soviétiques n’avaient pas entrepris avec toute la conviction nécessaire. Si la Grande Guerre a permis l’éclosion de la république des soviets, elle

 

Alexandre Sumpf, La Grande Guerre oubliée, Perrin, 2014, 527 pages, 25 €

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La guerre de Sept Ans (1756-1763)

Broché : 670 pages
Editeur : Perrin (22 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262035296
ISBN-13 : 978-2262035297
Dimensions : 24 x 4,2 x 15,4 cm

 La guerre de Sept Ans (1756-1763)

La toute première guerre mondiale a duré sept ans, elle a concerné les principales puissances européennes, s’est déroulée sur trois continents et a eu des conséquences qui ont persisté pendant plus d’un siècle. Cette guerre, c’est la guerre de Sept Ans, ouverte en Amérique du Nord, entre Anglais et Français alors que les Etats-Unis n’existent pas encore. Il s’agit au départ, selon les mots de l’auteur d’ « une guerre essentiellement européenne dont l’enjeu fondamental consiste en une énième mise à jour de l’équilibre des puissances » (p. 11) Cette guerre, racontée dans le détail et avec maestria par Edmond Dziembowski, eut des conséquences qui, quelque deux cent cinquante après, comptent encore dans l’ordre du monde. En effet, c’est de ce conflit que datent l’émergence de la prépondérance britannique qui verra son triomphe au XIX° siècle, la naissance du patriotisme chez les grandes puissances, l’importance des guerres périphériques, etc. Récit total et complet, c’est comme cela que se présente un livre que les créateurs des grandes collections d’autrefois – par exemple Halphen et Sagnac – auraient très certainement apprécié. A l’image de la vastitude de ce conflit, le livre d’E. Dziembowski est remarquable par la diversité des sources utilisées. Non seulement aucun aspect de cette guerre n’est évacué mais, de surcroît, l’auteur renouvelle les vues traditionnelles que l’on pouvait avoir sur cet événement majeur. Par exemple, contrairement à l’image généralement véhiculée, les batailles qui se sont déroulées en Europe, et qui impliquaient Prussiens, Autrichiens, Français et Russes ont été particulièrement sanglantes, que ce soit Prague, Kolin ou Zorndorf. On est loin du charme suranné prêté souvent à la guerre en dentelles. Enfin, l’auteur s’attache à placer le conflit dans le cadre immense qui a été le sien, d’où le nombre de pages assez considérable qu’il accorde à la guerre en Amérique du Nord et en Inde. En ce sens, par bien des aspects, la guerre de Sept ans préfigure notre temps, celui de la mondialisation.

 

Edmond Dziembowski, La guerre de Sept Ans (1756-1763), Perrin, 2015, 670 pages, 27 €

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Berlin – Les offensives géantes de l’Armée rouge (janvier – mai 1945)

Broché : 672 pages
Editeur : Economica (3 décembre 2009)
Collection : Campagnes & stratégies
Langue : Français
ISBN-10 : 2717857834
ISBN-13 : 978-2717857832
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Berlin : Les offensives géantes de l’Armée rouge (janvier – mai 1945)

Voilà un livre qui devrait être offert à ces chefs d’Etat à la mémoire vacillante qui n’ont pas daigné se rendre à Moscou le 9 mai dernier pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’effondrement du nazisme. On ne le dira jamais assez : c’est le peuple soviétique qui a supporté l’essentiel de l’effort de guerre du III° Reich. Le Berlin de Jean Lopez est l’éclatante démonstration de l’héroïsme d’un peuple qui a perdu vingt millions de ses enfants et dont l’armée a rogné les ailes de la Wehrmacht.

Fort des dernières recherches de l’historiographie, Jean Lopez revisite les offensives qui, dans les premiers mois de l’année 1945, vont amener frontoviki et T 34 des faubourgs de Varsovie jusqu’à la capitale de ce Reich qui, selon les termes d’Hitler, devait durer mille ans. Le Berlin de Jean Lopez est essentiellement un livre d’histoire militaire. Avec brio, l’auteur défend une idée que les anciens chefs militaires de l’Allemagne nazie avaient minimisée dans leurs souvenirs. S’il est vrai que la Ostheer (l’Armée allemande du front de l’Est) est l’ombre de ce qu’elle était quatre ans plus tôt, il est tout aussi vrai que son effondrement doit beaucoup aux immenses progrès réalisés par l’Armée Rouge, et ce dans pratiquement tous les domaines. L’auteur soutient l’opinion que la victoire soviétique est d’abord une victoire intellectuelle. Les battus des années 1941 et 1942 ayant beaucoup appris de la machine de guerre nazie. Durant les dernières décennies du conflit, les généraux soviétiques mettent au point ce qui va constituer la marque de fabrique de l’Armée rouge : l’art opératif. Situé entre les niveaux stratégique et tactique, l’art opératif consiste moins à enchaîner les arabesques tactiques visant à l’encerclement que de démembrer l’armée ennemie dans la profondeur afin de l’empêcher de reprendre son souffle. C’est ainsi qu’en trois semaines, appuyées par une artillerie toujours plus nombreuse, les armées soviétiques vont disloquer les lignes allemandes et prendre pied sur l’Oder, à 80 kilomètres de Berlin.

Soutenu par un style puissant, c’est dans le détail que J. Lopez décrit l’habileté des militaires soviétiques et la puissance formidable de l’Armée rouge. Devant ce rouleau compresseur, l’héroïsme du soldat allemand était de peu de poids. Ce Berlin est un très grand livre d’histoire militaire.

 

Jean Lopez, Berlin. Les offensives géantes de l’Armée Rouge, Economica, 2010, 644 pages, 29 €

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Les cent derniers jours d’Hitler

Broché : 277 pages
Editeur : Perrin (12 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262050236
ISBN-13 : 978-2262050238
Dimensions : 29,5 x 2,5 x 23,5 cm

 Les cent derniers jours d’Hitler

Une fois de plus, en spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale, Jean Lopez vient de frapper un grand coup. Dans ce livre grand format, illustré de photographies pour la plupart inédites, il raconte jour après jour l’agonie du III° Reich, celui qui, dans l’esprit fumeux et hystérique de son inventeur, devait durer mille ans. Cette « chronique de l’apocalypse » s’attache principalement à relater les « derniers jours de la vie du Führer […], ses déplacements, ses proclamations, ses actes de gouvernement et de commandement militaire, sa vie quotidienne et ses humeurs… » Dans un Reich dont le territoire se réduit comme une peau de chagrin, pilonné jour et nuit par l’aviation alliée, menacé par une Armée rouge surpuissante, se vit le dernier acte du gigantesque drame qui avait commencé six ans plus tôt. Dans une Europe qui globalement, vit en paix depuis 1945, on a du mal à imaginer la violence barbare qui s’est déchaînée. Avec son talent coutumier, Jean Lopez a su recréer l’ambiance de cauchemar propre à ce drame d’une ampleur inouïe. Dans une Allemagne en proie à la destruction, hantée par l’arrivée du rouleau compresseur soviétique avide de vengeance, alors que la guerre est perdue, le système nazi accomplit jusqu’au bout son œuvre de destruction. A l’égard de son propre peuple d’abord, appelé à suivre le régime au fond du gouffre : les tièdes, à commencer par les déserteurs, sont impitoyablement éliminés. Et plus généralement à l’égard de toute vie humaine. On demeure confondu de penser que, jusqu’au bout, la machine concentrationnaire poursuit son travail de mort. Alors que tout est perdu, le nazisme entend gagner du temps pour achever l’anéantissement du peuple juif et des slaves, ces races jugées dégénérées par celle des « seigneurs ». A l’aide de nombreux témoignages, fort des plus récentes avancées de la recherche historique, Jean Lopez retrace le calvaire d’une Europe en proie à la mort et au chaos. Alors qu’il n’y a plus d’issue, Hitler lance ses ultimes ressources pour continuer d’alimenter le brasier qu’il avait allumé en 1939 avec la torche de la fureur.

On ne saluera jamais assez la fluidité du style et la clarté du propos, marques de fabrique des ouvrages signés Jean Lopez. Ce livre s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs.

 

Jean Lopez, Les cent derniers jours d’Hitler, Perrin, 2015, 277 pages, 24.90 €

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Inferno – La dévastation de Hambourg (1943)

Broché : 424 pages
Editeur : Perrin (8 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262038511
ISBN-13 : 978-2262038519
Dimensions : 24 x 3,3 x 15,5 cm

 Inferno : La dévastation de Hambourg (1943)

Après un premier ouvrage consacré aux nombreux drames qui suivirent la signature de la paix en mai 1945, l’historien britannique Keith Lowe récidive dans la narration de la terreur et de la destruction. Ames sensibles s’abstenir ! Dans ce livre de bout en bout passionnant, l’auteur nous fait revivre les jours et les nuits d’horreur durant lesquels la ville de Hambourg fut, en 1943, rayée de la carte. Du 27 juillet au 2 août, des raids aériens alliés incessants vont plonger la principale métropole de l’Allemagne du nord-ouest dans l’horreur. Vagues après vagues, bombardiers anglais et américains se succèdent pour mettre la ville à genoux. Le but est double : créer un traumatisme au sein de la population allemande et détruire les chantiers de sous-marin situés dans la zone portuaire. Pour être plus précis, les Américains bombardent le jour. Croyant davantage dans la protection qu’offre la nuit, les Anglais jettent tapis de bombes sur tapis de bombes, le plus souvent sur les quartiers d’habitation. Après trois énormes bombardements, la ville semble tenir le choc. Mais le plus dure reste à venir. Le 2 août, un orage de chaleur va décupler les effets des milliers de bombes jetées par quelque neuf cents appareils du Bomber Command. En cette nuit cataclysmique, un ouragan de feu – poussé parfois jusqu’à 1 400 C° – va précipiter dans la mort 45 000 personnes. Ce bombardement a laissé une trace dans la mémoire collective. Comme l’écrit l’auteur : « Au cours des années qui suivirent la catastrophe, la tempête de feu de Hambourg fit l’objet d’études scientifiques très approfondies, et les chercheurs en conclurent qu’aucun autre grand incendie, dans l’histoire documentée, ne l’a jamais égalé en intensité. » (p. 212)

Le récit de Keith Lowe pose une nouvelle fois la question de l’efficacité des bombardements massifs. Lancés pour briser le moral des populations civiles et hâter la paix, ils vont, une fois de plus, s’avérer totalement improductifs. Bombarder des villes ayant peu ou pas d’intérêt stratégique, anéantir des milliers de civils au prix de la destruction de centaines d’appareils alliés n’eut au final qu’un impact limité sur l’issue de la guerre. En termes stratégiques, le seul intérêt des bombardements était d’aspirer des moyens qui feraient défaut à la Whermacht sur des fronts terrestres. Fallait-il, pour cela, arriver à de tels massacres ? La question n’a pas encore trouvé sa réponse définitive.

 

Keith Lowe, Inferno, Perrin, 2015, 424 pages, 24 €

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Bérézina

Broché : 199 pages
Editeur : Guérin (22 janvier 2015)
Collection : Démarches
Langue : Français
ISBN-10 : 2352210895
ISBN-13 : 978-2352210894
Dimensions : 21 x 1,5 x 13,2 cm

 Bérézina

Les débuts de siècle sont l’occasion de célébrer de maintes façons l’épopée napoléonienne. De 2004 (sacre de Napoléon à Notre-Dame) à 2021 (mort de l’Empereur à Sainte-Hélène), chaque année donne l’idée de se plonger dans la geste impériale. L’écrivain-voyageur Sylvain Tesson n’a pas attendu une quelconque célébration officielle pour prendre les devants. En 2012, avec quelques potes, dont des Russes, il a effectué à moto – un vieux side-car soviétique de marque Oural – le trajet qu’avaient réalisé, depuis Moscou, les survivants de la Campagne de Russie. En octobre 1812, dans une ville complètement détruite, l’Empereur Napoléon, navré du rejet de ses offres de paix par le tsar Alexandre I°, ne voyait plus d’autre recours que de regagner la France au plus tôt. C’était jouer gros car la neige, qui tomba d’abondance dès octobre, annonçait un hiver rigoureux. Deux siècles après, on demeure stupéfait devant les efforts surhumains déployés par des soldats marchant dans le froid sans nourriture. Encore ébahi par les exploits de la Grande Armée, Sylvain Tesson a effectué en une douzaine d’étapes les 2 500 kilomètres séparant Moscou de Paris. Il les a faits à sa façon : bravache et décalée. Bérézina offre le mélange des souvenirs du motocycliste contemporain et des pensées que lui procure cette équipée sauvage car, n’est-ce pas, « le mouvement encourage la méditation. La preuve : les voyageurs ont toujours davantage d’idées au retour qu’au départ. » (p. 177) Pour le reste, les habitués de la verve « tessonienne » ne seront pas dépaysés : l’auteur et ses acolytes ne se prennent jamais trop au sérieux, balançant entre souvenirs mélancoliques et rasades de vodka.

Il y a toujours de l’intérêt à lire Tesson : pour les histoires qu’il raconte, les souvenirs qu’il livre ainsi que son regard sur le monde qui tourne, un regard souvent impertinent et critique. Alors que notre monde porte au pinacle modes, consommation et réussite individuelle, voilà longtemps que Tesson s’est rallié à l’enthousiasme des soldats de l’Empire qui, eux, combattaient pour la gloire et l’honneur. La destinée du grognard, c’était la gloire ; l’horizon de l’individu d’aujourd’hui, c’est le shopping.

 

Sylvain Tesson, Bérézina, Editions Guérin, 2015, 199 pages, 19.50 €