Catégories
Recensions Religion

Faire bouger l’Eglise catholique

Broché: 191 pages
Editeur : Desclée de Brouwer (13 septembre 2012)
Collection : ESSAIS RELIGION
Langue : Français
ISBN-10: 2220064654
ISBN-13: 978-2220064659
Dimensions : 17,4 x 10,6 x 1,4 cm

 Faire bouger l’Eglise catholique

Symptôme de notre époque : il paraît qu’il faut sans cesse innover et bouger… Comme si, en lui-même, le mouvement était synonyme de progrès. Nous voilà donc embarqués dans une sempiternelle danse de saint Guy. D’aucuns voudraient que l’Eglise, symbole d’une permanence de vingt siècles, fût elle-même touchée par les trépidations qui agitent notre monde. On sait ce qu’un tel mouvement perpétuel a de néfaste pour la foi qui, elle, a besoin de temps pour mûrir et grandir. Alors, faire bouger l’Eglise… et puis, pour aller où ?

Bien sûr, on aurait tort de considérer avec dédain les propos du P. Moingt, un des plus solides théologiens français de notre temps, néanmoins son manque de nuance et sa systématique prise de distance par rapport à l’institution ecclésiale ne servent pas toujours son propos. Faire bouger l’Eglise catholique est un petit livre de circonstance qui contient principalement trois conférences faites à l’appel de chrétiens dits critiques. Si l’on peut entendre les réserves du jésuite à l’égard d’un certain conservatisme romain et épiscopal, il n’empêche que ses critiques sonnent parfois creux. A côté de réserves portant sur tel ou tel à-côté sourd de la lecture de ce petit livre un malentendu qui porte sur des points capitaux. Le P. Moingt laisse par exemple entendre que l’apport principal de Vatican II réside en un catalogue d’innovations (cf. page 17 par exemple). C’est vrai que le concile est porteur d’innovations, mais celles-ci sont loin de constituer le centre, l’épine dorsale de l’œuvre des Pères de Vatican II. C’est la foi qui est au cœur de la préoccupation des Pères. Or, la foi n’a pas changé d’un iota avec le concile ; ce qui a été dépoussiéré c’est son expression, la façon de l’annoncer. De même, laisser entendre que Jésus a apporté « rien d’autre qu’un humanisme nouveau » est très réducteur. Jésus est porteur d’un humanisme ; pour autant, est-ce là le centre de son message ? Avant d’apporter un humanisme, c’est Dieu qu’il révèle. Si la Parole de Dieu donne à voir un humanisme qui tranche avec la doxa propre aux paganismes antiques, on est loin du cœur de la foi au Christ. Ce qui caractérise le christianisme, c’est la Révélation d’un Dieu qui se fait proche de l’homme par son Incarnation, un Dieu vainqueur de la mort. Le discours chrétien est un discours radical, pas l’humanisme du vicaire savoyard cher à Rousseau. Perdre de vue cet essentiel, n’est-ce pas, au bout du compte, par glissements successifs, aboutir à la stupéfaction de la page 77 où le P. Moingt écrit : « Pour ma part, je n’ai rien contre la messe. » ? Ouf, on respire !

On a l’impression que, pour l’auteur, l’essentiel se résume à la question de l’autorité et du pouvoir. Faux, l’essentiel, c’est de lutter contre l’apostasie silencieuse de notre époque. Et cela, pas évident qu’une Eglise plus « démocratique » arrive à la contrecarrer.

Joseph Moingt, Faire bouger l’Eglise catholique, Desclée de Brouwer, 2012, 192 pages, 15 €

Catégories
Recensions Religion

Le Père Antonin Jaussen, o.p. (1871-1962) : Une passion pour l’Orient musulman

Broché: 132 pages
Editeur : Cerf (31 mai 2012)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204088811
ISBN-13: 978-2204088817
Dimensions : 21,2 x 13,4 x 1,4 cm

 Le père Antonin Jaussen, o.p. (1871-1962)

            Entre l’Orient et l’Occident les différences sont nombreuses. Une des plus évidentes réside dans le fait qu’historiquement les Orientaux se sont généralement peu intéressés à ce qui se passait en Occident. Au contraire, dès la fin du XVIII° siècle avec l’expédition de Bonaparte en Egypte, nombreux furent les Occidentaux à se passionner pour ce qui venait de là-bas. La civilisation égyptienne, les conquêtes d’Alexandre, le début du christianisme, l’islam… tout cela faisait rêver égyptologues, historiens, scientifiques et… hommes d’Eglise. La liste est longue de ces rêveurs géniaux, fascinés par cet Orient à la fois proche et lointain, simple et compliqué, de Lawrence d’Arabie au père Lagrange, le fondateur de la célèbre Ecole Biblique de Jérusalem. Au sein du monde catholique, après les mercédaires spécialisés dans le rachat des esclaves chrétiens, les dominicains se prirent de passion pour l’Orient, chrétien et musulman. Le P. Jaussen est l’un d’eux. Né en 1871 en Ardèche, des études brillantes dans les langues orientales font prendre à sa vie un départ inattendu : celle de l’intellectuel et de l’aventurier de cette époque telle qu’on se l’imagine aujourd’hui. Il y a chez Jaussen du Guillaume de Rubrouck et du Henri de Monfreid. Polyglotte comme la plupart des membres de l’Ecole Biblique, il passe son temps entre l’étude, la découverte des populations et des lieux. C’est que le P. Jaussen n’a rien d’un intellectuel en chambre ; il n’aime rien moins que de rencontrer les bédouins. La Première Guerre Mondiale lui donne l’occasion de mettre ses connaissances de la culture locale au service de la cause alliée. Les autorités françaises le chargent en effet d’organiser le services de renseignements en Palestine et en Syrie. Après la guerre, il quitte Jérusalem pour Le Caire ; il est de l’équipe qui va fonder le prestigieux Institut Dominicain d’Etudes Orientales (IDEO). Bâtir un pont entre l’Orient musulman et l’Occident chrétien, c’était pour lui, accompagné de ces autres pionniers que furent les pères Anawati et de Beaureceuil, un véritable acte de foi.

L’auteur de cette biographie, le P. Jean-Jacques Pérennès, actuellement directeur de l’IDEO, était évidemment le mieux placé pour raconter la biographie d’un de ses grands prédécesseurs. Ce petit livre, toujours passionnant, constitue une introduction de qualité pour mieux apprécier la qualité de l’œuvre toujours vivante des dominicains en terre d’Islam.

Jean-Jacques Pérennès, Le père Antonin Jaussen o.p. (1871-1962) : Une passion pour l’Orient musulman, Le Cerf, 2012, p. 132, 13 €

 

Catégories
Recensions Religion

Traité des sacrements : Tome 7, Le mariage, sacrement de l’amour

Broché: 710 pages
Editeur : Cerf (26 janvier 2012)
Collection : Théologies
Langue : Français
ISBN-10: 2204093521
ISBN-13: 978-2204093521
Dimensions : 23,4 x 14,4 x 4,2 cm

 Traité des sacrements : Tome 7, Le mariage, sacrement de l’amour

C’est à une œuvre colossale que s’est attelé le P. Jean-Philippe Revel, dominicain. Quand on sait la littérature torrentielle à laquelle ont donné lieu les sacrements de l’Eglise, il fallait une bonne dose de courage pour s’attaquer à pareil sujet. Avec ce dernier opus, le P. Revel en est au cinquième tome d’une série qui doit en compter huit.

Le Traité du P. Revel suit une trame historique. Nous avons bien affaire à une histoire du sacrement de mariage à travers les âges, avec les évolutions et les débats auxquels ces derniers ont donné lieu. Les sacrements ont mis des siècles pour se forger ; par conséquent, lire leur histoire c’est comprendre leur actualité. Le tableau que dresse le P. Revel, impressionnant de rigueur et d’érudition, explique bien les tribulations subies par le sacrement de mariage. L’Eglise ne tarde pas à sanctifier l’union de l’homme et de la femme. Les Pères de l’Eglise sont généralement réticents à son égard. La perspective eschatologique qui est la leur les conduit à exalter la continence et la chasteté au détriment de l’union conjugale, laquelle est consommée dans l’œuvre de chair. Il faut attendre le XII° siècle pour que le mariage acquière définitivement le titre de sacrement.

Non content de donner une histoire complète du mariage (théologie, rite…), le P. Revel n’ignore rien des débats contemporains. La question des personnes divorcées remariées fait bien sûr l’objet de pages très complètes. Même chose s’agissant de la question du ministre du sacrement. En Occident, les époux sont considérés comme étant les ministres du sacrement, pas en Orient où le prêtre joue ce rôle. Dans un cas comme dans l’autre, le P. Revel n’hésite pas à dire sa préférence : par exemple il penche nettement en faveur de la position de Melchior Cano, reprise par certains théologiens et canonistes contemporains, qui dénie aux époux le rôle de ministres du sacrement. Les époux sont-ils nécessairement ministres ? Cette position traditionnelle dans l’Eglise latine n’a pas l’aval de tous ; n’est-ce pas la médiation du prêtre qui confère la grâce au sacrement ? Ainsi, alors qu’il passe en revue l’ensemble des dimensions du mariage, le P. Revel n’oublie pas les controverses nées de pratiques pastorales parfois discutées. Cette conjonction, mélangeant érudition et questionnements contemporains, fait de ce volume un incontournable. Comment ne pas remercier le P. Revel pour ce travail monumental et toujours pertinent ?

Jean-Philippe Revel, Traité des sacrements. VII – Le mariage, Le Cerf, 2012, 709 pages, 57 €

Catégories
Recensions Religion

Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre

Broché: 367 pages
Editeur : Cerf (7 juin 2012)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204096881
ISBN-13: 978-2204096881
Dimensions : 21,2 x 13,6 x 2,2 cm

 Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre

Auteur d’une histoire de l’Eglise qui fait date et après avoir publié les Carnets du cardinal Alfred Baudrillart (Le Cerf), le P. Paul Christophe, prêtre du diocèse de Lille, s’attaque à un sujet jusqu’à présent peu abordé : l’histoire des missionnaires français rappelés en France pour les besoins du front. Les missionnaires dont il s’agit dans ce volume sont exclusivement des membres des Missions Etrangères de Paris. En exhumant les lettres qu’ils ont échangées avec le supérieur ou les directeurs du Séminaire de Paris, le P. Christophe relate les tourments et les espoirs de prêtres qui étaient partis en Asie sans esprit de retour. En août 14, une fois la guerre déclarée, la patrie a besoin de tous ses enfants, y compris les missionnaires. Employés principalement à des tâches non combattantes, ils assistaient en première ligne à ce premier suicide de l’Europe ; un peu plus de 16 % d’entre eux furent tués au front. Les lettres que le P. Christophe donne à lire montrent l’état d’esprit d’hommes qui étaient des prêtres, des chrétiens et des patriotes. Défendre la patrie attaquée était chez eux comme une évidence… qui ne se faisait pas sans remords. Ils étaient déchirés à l’idée de laisser seules les communautés chrétiennes qu’eux-mêmes et leurs prédécesseurs avaient évangélisées. Chez beaucoup l’avenir est angoissant. Il y a bien sûr la guerre, mais aussi l’après-guerre. Partis une première fois sans idée de retour – « C’est seulement en 1922 que le principe des congés sera introduit dans la Société des Missions Etrangères » (p. 21) – beaucoup se demandent ce que sera leur retour en Asie. Dans quel état trouveront-ils les communautés qu’ils ont dû laisser. On ne fermera pas le beau livre du P. Paul Christophe sans, tout comme lui, éprouver de l’admiration  pour ces missionnaires, « pour la force de caractère qui les soutient dans l’épreuve, pour l’énergie des vétérans déployée dans leur mission et pour la foi qui les anime. » (p. 334)

A plusieurs reprises l’auteur évoque et publie des lettres du P. Pierre Compagnon, qui fut missionnaire au Japon et revint en France en 1900, nommé directeur du Séminaire de Paris. Le R.P. Pierre Compagnon est un aïeul. Il est né en 1859 à Beaurepaire-en-Bresse. Dans la famille, nous ne sommes pas peu fiers de lui.

Paul Christophe, Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre, Le Cerf, 2012, 367 pages, 27 €

Catégories
Recensions Religion

Benoît XVI : Un pontificat sous les attaques

Broché: 313 pages
Editeur : Pierre-Guillaume de Roux Editions (17 novembre 2011)
Collection : PGDR EDITIONS
Langue : Français
ISBN-10: 2363710185
ISBN-13: 978-2363710185
Dimensions : 22,4 x 14,2 x 2,8 cm

 Benoît XVI : Un pontificat sous les attaques

Les premières années du pontificat de Benoît XVI furent particulièrement houleuses, la plupart des médias ne trouvant aucune excuse à un pape qui cumulait les défauts d’être allemand, intellectuel et d’avoir, vingt ans durant, occupé la responsabilité de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, l’ex-Saint-Office. Avec une mauvaise foi en béton, certains médias l’accusèrent d’avoir été nazi, ce qu’il ne fut jamais, d’avoir servi dans une batterie antiaérienne, service dont à son âge il ne pouvait pas échapper.

En une quinzaine de chapitres, les Paolo Rodari et Andre Tornielli reviennent sur les affaires qui ont terni l’image de l’Eglise depuis l’accession au pontificat du cardinal Ratzinger : la controverse de Ratisbonne, la libéralisation de l’ancienne liturgie, la levée des excommunications des évêques intégristes, les scandaleuses affaires de pédophilie. Toutes pointent la difficulté du Saint-Siège de se doter d’une communication efficace…. Et toutes mettent le doigt sur les méthodes malhonnêtes de certains médias qui font tout pour faire trébucher l’Eglise et mettre à mal son image.

Comme G. Leclerc l’avait bien remarqué en son temps, on ne pardonne rien à l’Eglise et beaucoup se permettent à son encontre une violence de propos qu’ils ne se permettaient pas s’agissant d’une autre religion. Existe-t-il, se demandent les auteurs en fin d’ouvrage, un complot contre le pape ? Pour eux, s’il n’existe pas un complot mondial visant à discréditer les papes et le message de l’Eglise, il y a bien un processus médiatique « bien vu d’une certaine élite à dominante financière difficilement identifiable, qui prône l’abandon de la souveraineté en faveur d’institutions supranationales » (p. 285). En d’autres termes, on s’en prend à l’Eglise car elle est la seule, contrairement aux institutions représentatives qui font la loi, à pouvoir dire des vérités qui fâchent. Le fait de ne pas être soumis à un quelconque processus électoral permet une telle liberté. Les médias et intellectuels qui s’en prennent à l’Eglise agissent souvent dans l’indépendance, mais il se trouve que leurs critiques de l’institution ecclésiale trouvent un avis favorable auprès de tous ceux qui ont intérêt à voir l’Eglise affaiblie : laboratoires pharmaceutiques, institutions suprationales, ONG prônant le mondialisme et la nomadisation, milieux culturels prônant le relativisme… Bref, tous ceux qui souhaitent, au sein d’un univers globalisé, l’émergence d’un homme nouveau, consommateur sans repères et sans racines, malléable à merci… un univers, somme toute, loin de la démocratie.

Paolo Rodari & Andrea Tornielli, Benoît XVI : Un pontificat sous les attaques, Pierre Guillaume De Roux Ed. , 2012, 312 pages, 25 €

Catégories
Recensions Religion

Les musulmans, une menace pour la République ?

Poche: 213 pages
Editeur : Desclée de Brouwer (21 juin 2012)
Collection : RELIGION POLITI
Langue : Français
ISBN-10: 222006431X
ISBN-13: 978-2220064314
Dimensions : 17,4 x 7,6 x 1,6 cm

 Les musulmans, une menace pour la République ?

Il ne faut pas se payer de mots : la France a un problème avec l’islam. Pas avec les musulmans dont beaucoup  apprécient de vivre dans un pays de liberté  qui est devenu le leur à part entière. Le problème se situe au niveau des rapports assurant la coexistence du fait laïque et d’une religion totalisante, méconnaissant la séparation des pouvoirs. Ce heurt de deux mondes que beaucoup oppose, l’Etat le gère de façon curieuse. C’est vrai qu’il marche sur des œufs, mais mettre comme il le fait toutes les religions dans le même panier et faire accroire que, vis-à-vis de la laïcité, toutes partent du même pied, n’est pas exact. Pour ne pas donner l’impression de stigmatiser une population en particulier, on en vient à jeter la suspicion sur des réalités différentes. Il n’est qu’à voir les conférences départementales sur la laïcité : elles donnent une fâcheuse idée de cet égalitarisme de commande. Comme si toutes les religions présentes sur le territoire national connaissaient, vis-à-vis de leur présence dans l’espace public, les mêmes problématiques. Or, du fait de leur histoire, de leur structure et de leur théologie, on ne peut mettre sur un même plan le catholicisme et l’islam, encore moins le protestantisme et l’islam. La gestion des horaires de piscine dans certaines villes ou des repas halal dans les cantines scolaires constitue par exemple une manifestation aiguë de ces difficultés nouvelles. Et c’est justement parce que l’islam de France connaît un vrai problème de représentativité et de présence dans l’espace public que Stéphane Lathion et Olivier Bobineau ont écrit ce petit livre. Fragmenté et divisé, l’islam de France a de plus en plus de mal à se reconnaître dans cette réalité institutionnelle qu’est le Conseil National du Culte Musulman (CNCM), cet islam d’en-haut n’étant plus jugé crédible par la plupart de ses coreligionnaires. L’islam de France, dont Nicolas Sarkozy s’était voulu le plus ardent défenseur, est en train d’échouer, miné par ses divisions.

Les auteurs reviennent ensuite sur la laïcité, exception bien française. Après un regard porté sur la gestion des rapports entre religions et Etats dans certains pays francophones (Belgique, Suisse…), S. Lathion et O. Bobineau se demandent comment les musulmans peuvent mieux s’intégrer dans la société française. Les auteurs se veulent ici résolument optimistes. Trop peut-être… Une meilleure intégration des populations musulmanes peut difficilement passer par un affranchissement « aux références littérales du passé ». Pour l’immense majorité des musulmans, ce sont précisément ces références qui constituent l’armature de leur foi. Les abandonner, voire les minorer, pour mieux intégrer le cadre laïque correspond à un fantasme d’occidental. En d’autres termes  – c’est une des impressions qui sourd de ce livre -, le problème est moins l’islam en tant que tel que notre surprise de voir des populations manifester aussi fortement un sentiment religieux. Dans son dernier livre, Considérations inactuelles, Denis Tillinac met le doigt sur le nœud du problème : « Ce n’est pas l’Islam qui menace l’Occident mais l’apathie de son scepticisme face à des minorités qui croient au paradis  et à l’enfer comme nos ancêtres aux plus hautes époques de la foi. »

Olivier Bobineau, Stéphane Lathion, Les musulmans, une menace pour la République ?, Desclée de Brouwer, 2012, 213 pages, 14 €

 

Catégories
Recensions Religion

L’islam

Broché: 180 pages
Editeur : Parole et Silence Editions (2 février 2012)
Collection : Collège des Bernardins
Langue : Français
ISBN-10: 2889180328
ISBN-13: 978-2889180325
Dimensions : 20,8 x 14 x 1,6 cm

L’islam

Depuis septembre 2001 en gros, il se dit tellement d’absurdités sur l’islam qu’il est salutaire que, régulièrement, des spécialistes nous disent ce que l’islam est et n’est pas. Des prêtres – par exemple hier Jacques Jommier, aujourd’hui Christophe Roucou – interviennent dans le débat pour expliquer l’islam, religion et civilisation. Frédéric-Marc Balde, responsable des relations avec l’islam pour le diocèse de Paris, s’empare à son tour de ce sujet, immense et complexe. Grâce à ses talents de pédagogue, il parvient avec maestria à donner l’essentiel sans se perdre dans les détails. Ce que fait un Hans Küng en 900 pages, F.-M. Balde le fait en seulement 180. Des pages denses mais qui ont le mérite de donner une juste perspective. Pas de condamnation ni d’approche irénique, juste une entrée essentialiste et cognitive. Avec une science sûre, l’auteur revient sur les principaux fondements de la religion de Mahomet (ou Muhammad) : la révélation, le credo, le culte… Un lecteur attentif pourra être surpris par un plan qui attaque sur la vie du Prophète, puis les schismes… attendant la toute fin de l’ouvrage pour parler du Coran et de son importance pour les musulmans. L’arrivée tardive du Coran dans le livre interroge dans la mesure où l’islam est, par essence, la religion du Livre, ce que n’est pas le christianisme, religion de la Parole. Pour un musulman lire le Coran est en soi faire un acte de foi. Cela dit, ce que l’on pense être une singularité ne choque pas une fois la lecture entreprise. Le lecteur veillera à attribuer une attention particulière au dernier chapitre intitulé « Islam et islamisme ». L’islam, religion universelle et missionnaire, est pluriel… tellement pluriel que l’on se demande si parfois l’on ne devrait pas dire : « Les islams ». La notion de fondamentalisme, c’est-à-dire de purification par un retour aux sources, recouvre une acception un peu différente de ce que les Occidentaux entendent ordinairement. Un musulman fondamentaliste est loin d’être automatiquement un islamiste ; quant aux islamistes, on le sait, tous ont adopté une attitude fondamentaliste.

Petit par la taille, L’islam de Frédéric-Marc Balde trouvera sans peine sa place au rayon des livres dont on aurait tort de faire l’économie.

Frédéric-Marc Balde, L’islam, Parole et Silence, 2012, 180 pages, 15 €

Catégories
Recensions Religion

Prier 15 jours avec Yves Congar : Acteur majeur du concile Vatican II

Broché: 126 pages
Editeur : Nouvelle Cité (16 février 2012)
Collection : Prier 15 jours
Langue : Français
ISBN-10: 2853136647
ISBN-13: 978-2853136648
Dimensions : 19 x 11,4 x 1,2 cm

  Prier 15 jours avec Yves Congar

Alors que l’Eglise catholique est en train de fêter le 50ème anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II, les Editions Nouvelle Cité ont eu l’excellente idée de faire du P. Yves Congar un des guides de la collection Prier 15 jours. Avec ce nouvel opus, Prier 15 jours avec Yves Congar, acteur majeur du concile Vatican II, il est proposé au lecteur chrétien de prendre un peu de hauteur par rapport à l’événement, de ne pas l’absolutiser au point de perdre l’essentiel de vue, à savoir la vie spirituelle.

Il est tout à fait opportun que les Editions Nouvelle Cité enrichissent leur célèbre collection avec le P. Congar. Sa personnalité de théologien éminent lui ayant valu une réputation internationale, sa présence est ici amplement méritée. L’image que l’on garde du P. Congar est celle d’un immense intellectuel à la personnalité difficile (d’aucuns le surnommaient lui, le natif de Sedan, le « sanglier des Ardennes »). Son rôle à Vatican II, à côté de théologiens de la carrure de Josef Ratzinger ou de Karl Rahner, ses nombreux ouvrages et articles, sa haute idée de la Tradition de l’Eglise ont peut-être fait perdre l’essentiel de vue. Le P. Congar était d’abord un prêtre, un homme de Dieu, un homme pécheur. Dans son célèbre Journal d’un théologien, il fait preuve d’une belle humilité : « Je dois prendre beaucoup plus au sérieux ce à quoi je crois, ce que j’ai moi-même si souvent prêché : la foi d’Abraham et de Moïse, la foi absolue au Dieu vivant. »

Dans ce petit livre d’une centaine de pages, l’auteur, le P. Daniel Blaj, prêtre du diocèse de Lyon, insiste sur la dimension priante et confessante de l’auteur de Chrétiens désunis et de Jalons pour une théologie du laïcat. Dans de courts chapitres consacrés à des thèmes aussi divers que l’Esprit Saint ou Martin Luther, le P. Blaj fait percevoir combien le P. Congar était attaché à l’Eglise, une Eglise qu’il voyait missionnaire, mais pas au sens où on l’entend communément : « Pour mon compte, écrit le P. Congar dans un ouvrage paru en 1962, j’ai été extrêmement étonné de constater que le motif proprement missionnaire apparaît très peu dans le texte ancien. L’Eglise apostolique a été apostolique par le rayonnement de cellules d’amour que composaient les chrétiens. » Décidément, la pensée du P. Congar est toujours actuelle.

 

Daniel Blaj, Prier 15 jours avec Yves Congar, Nouvelle Cité, 2012, 120 pages, 12.50 €

Catégories
Recensions Religion

La belle mort de l’athéisme moderne

Broché: 168 pages
Editeur : PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE – PUF; Édition : 1 (11 janvier 2012)
Collection : Quadrige Essais Débats
Langue : Français
ISBN-10: 2130591655
ISBN-13: 978-2130591658
Dimensions : 18,8 x 12,4 x 1,4 cm

 La belle mort de l’athéisme moderne

C’est un livre remarquable que vient de publier le philosophe Philippe Nemo, auteur de La belle mort de l’athéisme moderne. Un petit livre qui, en sept courts chapitres, s’avère d’une extraordinaire densité. Cet ouvrage est à lire avec la plus grande attention car toutes les pages sont importantes, à commencer par la première page de la préface dans laquelle P. Nemo explique sa méthode de travail. Il postule en effet que le christianisme est vrai. Attention, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de vérité ailleurs que dans le christianisme, mais pour l’auteur « c’est le seul à receler la vérité qui importe le plus à la vie humaine. » (p. 10) L’ouvrage reprend des conférences et articles parus en France et en Italie. D’habitude ce mélange produit davantage de patchworks que de chefs-d’œuvre, or, ici – heureuse surprise ! – l’assemblage ne souffre pas de manque d’unité. Dans un premier chapitre, P. Nemo postule la fin de l’athéisme post-moderne, mort de sa belle mort, mort parce que, « finalement il n’a rien de bon à offrir à l’humanité » (p. 11). Suivant René Girard, l’auteur estime que la Bible et l’Evangile « seuls tiennent, dans le monde d’aujourd’hui, un discours sensé sur le bien et le mal, sur la vie et la mort. » (p. 26) L’analyse du Livre de Job permet d’entrevoir la puissante originalité du judéo-christianisme, révolution éthique et révolution eschatologique. Dans les chapitres suivants l’auteur montre à quel point la Bible a changé le monde « en mettant en relief la responsabilité individuelle, en donnant comme mot d’ordre l’amour du prochain… ». Ce faisant, la Bible dit bien plus que ce qu’affirme la « raison sécularisée » qui, elle, ne dit rien de la vie et de la mort, du bien et du mal.

Enfin c’est le christianisme qui a promu le libéralisme. L’affirmation ne se réduit pas au seul libéralisme économique ; elle met l’accent sur la liberté que possède l’homme de prendre son destin en main, d’assumer son avenir. Seule la liberté peut traduire de façon significative la charité en acte. Revenant sur l’histoire des racines chrétiennes de l’Europe et leur dénégation, l’auteur déplore le manque de courage des responsables politiques européens qui, à force de vouloir tout niveler, oublient ce que l’Europe, en tant que construction politique et économique, doit au christianisme. Ignorance ou lâcheté ? Les deux sans doute.

Un livre de conviction et de raison, en tous points passionnant !

Philippe Nemo, La belle mort de l’athéisme moderne, Puf, 2012, 149 pages, 15 €

Catégories
Recensions Religion

Charles le Catholique : De Gaulle et l’Eglise

Broché: 389 pages
Editeur : Plon (3 novembre 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 2259212573
ISBN-13: 978-2259212571
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,6 cm

 Charles le Catholique

Le livre de Gérard Bardy, Charles le Catholique, n’est pas le premier à mettre en scène la foi du Général de Gaulle. Michel Brisacier l’avait fait en son temps avec un livre intitulé La foi du Général ; de même qu’Alain Larcan avec De Gaulle inventaire. La culture, l’esprit, la foi. Bien d’autres ont été écrits sur ce thème : les convictions profondes qui animaient ce « souverain » (J. Lacouture). Cette abondance n’est pas le fruit du hasard. La foi du Général de Gaulle est  une sorte de foi du charbonnier, empreinte de piété et de référence constante à l’Ancien Testament et à l’Evangile. Sa correspondance privée est émaillée de citations bibliques. Souvent il fait référence à l’abnégation, à l’esprit de sacrifice, à l’héroïsme… Ce n’est pas le train-train qui l’intéresse, mais les vertus qui suscitent l’espérance. Tout, dans son attitude, atteste l’héritage catholique, familial d’abord, scolaire ensuite : élevé dans une famille très croyante le jeune Charles de Gaulle avait fait ses études chez les jésuites ; il en a été durablement marqué. « Son acceptation des sacrifices,  […]  son souci permanent de la dignité de l’homme, son respect de la morale tant privée que publique, le caractère sacré qu’il donne à la famille, sa relation à la souffrance, au handicap et à l’argent, ses manifestations de charité chrétienne faites avec une extrême discrétion » (p. 12) tout chez De Gaulle indique la prégnance d’une foi catholique indissociable des grandes heures de l’histoire de France. Toute laïque qu’elle est, la France demeure toujours dans son esprit « la fille aînée de l’Eglise ».

Toute sa vie De Gaulle manifesta une foi profonde. S’il savait, en tant que président d’une République laïque, marquer la distinction entre ce qui ressort du comportement public du privé, il était enclin à avoir de la France une image puisée dans la littérature chrétienne. Dans ses discours et ses allocutions les mots à connotation religieuse sont légion. En privé, sous une grande pudeur, le Général de Gaulle manifestait une grande piété. Devant la grandeur divine, il n’hésite pas à se reconnaître humble pécheur.

Gérard Bardy nous gratifie d’un ouvrage remarquable, autant par la facilité de lecture que par la sûreté de l’information. De Gaulle fut sa vie entière imprégné des valeurs classiques du catholicisme. Finalement, tant par son style que par ses croyances, De Gaulle apparaît comme un homme du XIX° siècle, un siècle qui, contrairement au mot féroce de Léon Daudet, fut loin d’être stupide

Gérard Bardy, Charles le Catholique : De Gaulle et l’Eglise, Plon, 2011, 385 pages, 22 €