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Une affaire de famille

Broché: 136 pages
Editeur : Cerf (10 avril 2014)
Collection : HISTOIRE A VIF
Langue : Français
ISBN-10: 2204102091
ISBN-13: 978-2204102094
Dimensions : 21 x 1 x 13,5 cm

 Une affaire de famille

Qui des relations entre juifs et chrétiens au XX° siècle ? Le dernier livre d’Alexandre Adler s’y intéresse de près.

 

            Nous avons eu l’occasion de souligner dans nos colonnes tout le bien qu’il fallait penser du dernier livre d’Alexandre Adler. Intellectuel juif, spécialistes des relations internationales, il y montre un talent qu’on ne lui connaissait pas. Non content de montrer beaucoup d’empathie à l’égard de l’Eglise, il démontre avec brio que les ressorts des institutions chrétiennes ne lui sont pas inconnus. Par exemple la rencontre qui, en 1964, réunit le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras n’a pour lui aucun secret. De même il se meut avec aisance dans les arcanes de l’Eglise anglicane, distinguant bien ce qui sépare la High Church (Haute Eglise) de la Low Church (Basse Eglise). Sa proximité de filiation avec le monde juif ne l’empêche donc pas de connaître à la perfection des religions éloignées de son appartenance confessionnelle. La sympathie qu’il éprouve à l’égard du pape Jean XXIII l’égare-t-elle lorsque, contrairement à certains historiens, il semble exonérer ses prédécesseurs de toute inclination envers les totalitarismes bruns. Alexandre Adler juge par exemple « insoutenable » la thèse de Rolf Hochhuth reprochant au pape Pie XII ses silences. Pour lui, « Pacelli devenu Pie XII est un adversaire aussi déterminé de Hitler que l’était Pie XI » (p. 81). Il va même plus loin dans la défense de Pie XII : « Pie XI ne mérite pas tant d’éloges et Pie XII ne mérite pas tant d’opprobre. » Il entrevoit même un grand dessein chez Pie XII, qui n’est rien moins que le renversement du nazisme « au profit d’une dictature conservatrice » (p. 85).

Tout entier à la louange du « bon pape Jean » – « Je n’avais que huit ans lorsque Angelo Roncalli, le futur Jean XXIII, entra dans ma vie et que j’appris à le connaître selon un mouvement d’affection qui ne devait plus se démentir » (p. 9) – l’auteur évoque la figure de celui qui va être porté ce week-end sur les autels. Non content de mettre en avant « la sainteté de l’homme, avérée, indiscutable », Alexandre Adler évoque sa théologie et sa foi, acte d’abandon et non de volonté. Cette précision permet de souligner, s’il en était encore besoin, la remarquable connaissance de l’auteur pour la « sœur cadette » qu’est l’Eglise catholique.

 

Alexandre Adler, Une affaire de famille, Le Cerf, 2014, 144 pages, 15 €

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L’Oural en plein cœur : Des steppes à la taïga sibérienne

Broché: 250 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (30 avril 2014)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226256814
ISBN-13: 978-2226256812
Dimensions : 20,4 x 13,8 x 2,2 cm

 L’Oural en plein cœur

En septembre, chacun se fait plaisir en racontant à ses collègues de travail le ou les voyages qu’il a effectués durant la période estivale : « J’ai fait l’Italie », dit l’un ; « moi le Maroc » répond son voisin, et ainsi de suite. Ce genre d’activités de masse, planifié et encadré, ces soi-disant voyages sont-ils encore du voyage ? Ils en ont l’apparence, mais ne sont au final que des ersatz mal fagotés. Astrid Wendlandt fait partie des vrais voyageurs, aventuriers prêts à plaquer le confort quotidien pour se risquer à l’imprévu et au dépaysement total et soudain. Journaliste « globe-trotteuse », amoureuse d’un Russe qui l’avait jadis éconduite, elle a décidé de risquer le tout pour le tout et de le rejoindre. Problème : ce Russe n’habite pas à Moscou ou Saint-Péterbourg, villes cosmopolites qui font maintenant partie des lieux habituels de visite, mais dans l’Oural, à quelques encablures de la capitale, ce qui, à l’échelle de ce pays-continent, représente tout de même un bon millier de kilomètres. L’Oural, le dernier balcon avant l’immensité sibérienne, un des derniers refuges vierges où des milliers de kilomètres carrés n’ont jamais vu présence humaine. Avec L’Oural en plein cœur, on est certes loin du dépaysement décrit par le marquis de Custine avec sa Russie en 1839 ou de la truculence de Sylvain Tesson, auteur d’un superbe récit : Dans les forêts de Sibérie. Il n’empêche ! Avec une sorte de fausse candeur, Astrid Wendlandt nous gratifie d’un beau carnet de voyage dans une région aussi sauvage qu’attachante, à mi-chemin entre la modernité moscovite et le dénuement des immensités désolées de la Sibérie. Dans ces vastes contrées aux contours improbables, l’auteur raconte de bien étonnantes rencontres, comme celle d’une communauté ayant rompu avec la civilisation. A Alexandrovka se sont réunis celles et ceux qui « ont fait un pied de nez à la civilisation pour s’en créer une nouvelle. » Comment, à travers les rencontres et les liens noués, dans la description des paysages, le lecteur ne se sentirait-il pas happé par ce sentiment propre à la Russie : la démesure… ? Démesure des habitants et des lieux, c’est cela l’Oural et la Russie en plein cœur !

 

Astrid Wendlandt, L’Oural en plein cœur, Albin Michel, 2014, 216 pages, 19.50 €

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Vies ordinaires en Corée du Nord

Broché: 326 pages
Editeur : Editions Albin Michel (10 novembre 2010)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226217398
ISBN-13: 978-2226217394
Dimensions : 3 x 14,3 x 21,8 cm

 Vies ordinaires en Corée du Nord

Correspondante du Los Angeles Time en Corée du Sud, Barbara Demick connaît suffisamment la vie quotidienne en Corée du Nord pour y consacrer un ouvrage. Non pas qu’elle y ait fréquemment séjourné, mais elle a eu l’opportunité de rencontrer des transfuges, des Coréens du Nord qui n’en pouvaient plus du totalitarisme imposé par la dynastie initiée par Kim Il Sung. Aujourd’hui ces anciens réfugiés sont installés en Corée du Sud, heureux d’être libres tout en culpabilisant d’avoir laissé derrière eux des familiers et amis qui n’ont pas eu leur chance. Les informations relatives à la Corée du Nord sont très parcellaires tant le pays vit dans une opacité totale. Il n’existe pas d’endroit où la surveillance de la population est ainsi érigée en système de gouvernement. Dans ce régime policier où les mouchards sont nombreux et la propagande omniprésente, gare à celui qui prétendrait s’affranchir des directives du « Grand Leader », dictateur, chef de l’Etat et du Parti, généralissime, détenteur d’un pouvoir prétendu omnipotent et omniscient. A l’instar des anciens pays du Bloc communiste, il se trouve que la Corée du Nord vit dans un état chronique de pénurie. Des infrastructures antédiluviennes peinent à faire tourner des usines à bout de souffle. Avec une économie anémiée, le moindre dérèglement climatique peut générer une catastrophe. C’est ce qui s’est passé à la fin des années 1990 où des famines sévères ont touché de plein fouet un pays déjà moribond. Un à deux millions de victimes, dues autant à l’imprévoyance du régime qu’aux aléas climatiques. Pour beaucoup la coupe était pleine qui, tentant le tout pour le tout, passèrent en Chine pour rejoindre la liberté.

Parmi les quelques photos du livre, il en est une particulièrement saisissante : les deux Corées photographiées de nuit par un satellite. Alors que la Corée du sud scintille de mille feux, à l’instar de l’Europe occidentale ou du Japon, la Corée du Nord est plongée dans un noir absolu. C’est que dans ce pays de misère l’électricité est rationnée à quelques heures par jour. A la clarté d’une faible ampoule de 40 watts, les malheureux Coréens du Nord ont tout loisir pour ruminer sur l’état de privation dans lequel les a plongés un régime criminel. Le livre de B. Demick est une plongée dans la plus criminelle des absurdités.

 

Barbara Demick, Vies ordinaires en Corée du Nord, Albin Michel, 2010, 327 pages, 23.30 €

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La route de la Kolyma

Broché: 240 pages
Editeur : BELIN LITTERATURE ET REVUES (11 octobre 2012)
Collection : BIBLIO BELIN SC
Langue : Français
ISBN-10: 2701164168
ISBN-13: 978-2701164168
Dimensions : 21,5 x 15 x 2,2 cm

La route de la Kolyma

Fils d’Alexander Werth, le célèbre auteur de La Russie en guerre (1941-1945), Nicolas Werth a passé l’essentiel de sa vie en Russie. Il est l’auteur de nombreux ouvrages historiques ayant pour cadre l’Union Soviétique et le communisme. S’il connaît bien le Goulag par l’étude, jamais il n’avait eu l’occasion de se rendre dans ces hauts lieux de la barbarie contemporaine. Accompagnés de militants du mouvement Mémorial, l’auteur et sa fille se sont rendus à Magadan, étape incontournable de l’enfer concentrationnaire soviétique, port où échouaient les déportés après de longs mois de périple. Ce voyage sur les traces du Goulag laisse, il faut bien le dire, un goût amer. Le spectacle d’une mémoire qui s’éteint, la vision d’un monde qui meurt ne peuvent que consterner celles et ceux qui tentent de conserver le souvenir vivant. Les rescapés du Goulag sont rares. Quant à la Kolyma, à 8 000 kilomètres de Moscou, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Avec la fin des camps une part de l’activité économique s’en est allée. Les jeunes s’étant enfuis à l’appel des sirènes de la consommation, ne reste que les vieillards. Nicolas Werth et ses compagnons ont peiné à trouver la trace de camps qui, il y a cinquante ans, accueillaient plusieurs milliers de détenus. Les hommes ayant fui ces paysages aussi grandioses et inhospitaliers, la nature a eu tôt fait de reprendre ses droits. Seuls se souviennent ceux qui ont eu à subir dans leur chair l’horreur de la déportation : l’éloignement du foyer familial, les coups, le froid cauchemardesque, le travail épuisant… Les quelques jeunes qui demeurent dans ces immensités perdues n’ont aucune considération pour les souffrances infligées aux centaines de milliers d’innocents qui perdirent ici jeunesse et illusions. L’appel de la consommation à tout berzingue a relégué aux oubliettes cette immense tragédie, signe tangible de ce qu’Hélène Carrère d’Encausse nomme « le malheur russe ». En visitant ces lieux de mémoire : croix signalant une fosse commune, baraques dont il ne reste que les fondations, installations à l’abandon… l’auteur restitue une mémoire qui s’enfuit et s’enfouit. Avec délicatesse et respect, c’est une civilisation disparue qu’exhume Nicolas Werth. Comment ne pas l’en remercier ?

Nicolas Werth, La route de la Kolyma, Belin, 2013, 196 pages, 20 €

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Les amants du Goulag

Broché: 332 pages
Editeur : Presses de la Cité (13 septembre 2012)
Collection : Documents
Langue : Français
ISBN-10: 225809478X
ISBN-13: 978-2258094789
Dimensions : 23,8 x 15,2 x 3,2 cm

 Les amants du Goulag

L’universitaire britannique Orlando Figes s’est forgé une belle réputation dans le monde des soviétologues. Ses dernières publications, comme son Histoire de la révolution russe, ont montré de façon éclatante ses dons d’analyste et de conteur. Son dernier livre, Les amants du Goulag, atteste son aptitude à mêler histoire générale et histoires particulières. Cette Une histoire d’amour et de survie dans les camps de Staline (c’est le sous-titre) raconte la relation épistolaire d’une quinzaine d’années entre Lev, déporté au Goulag, et Svetlana, une jeune fille qu’il a rencontrée avant la guerre. Cette histoire n’aurait pu voir le jour sans les centaines de lettres échangées clandestinement entre les deux amants. Simplement suspecté pour avoir été fait prisonnier par les Allemands, Lev ne sort des griffes des SS que pour mieux tomber dans celle du NKVD. Condamné en 1945 pour intelligence avec l’ennemi, il est déporté à Petchora, près du Cercle Arctique. De là, grâce à des complicités, il nourrit une correspondance étroite et suivie avec Svetlana. Au-delà d’une simple et belle histoire d’amour, leurs lettres, retrouvées au début des années 2000 dans trois vieilles malles, disent plus long sur l’état de l’Union Soviétique à cette époque que les traités les plus savants. Répression, surveillance, pénurie, délation, bureaucratie et inefficacité sont constitutives de la situation du pays. Quant au Goulag, il était bien ce monde à part qu’avait décrit Gustaw Herling. C’est bien un monde féroce et ubuesque que dépeignent les lettres de Lev. L’amour que lui portait Svetlana l’a aidé à traverser les épreuves. On ne lit pas sans émotion la constance de ce couple qui parvint à tenir bon dans les orages.

L’aventure devait se terminer de façon heureuse, par la libération de Lev à l’époque de la déstalinisation. Il lui fallait désormais réapprendre la liberté, chose qui était loin d’être simple quand on avait passé le meilleur de sa jeunesse loin de la civilisation.

Orlando Figes, Les amants du Goulag, Presses de la Cité, 2012, 334 pages, 19.50 €

 

 

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La dernière frontière

Broché: 368 pages
Editeur : Souffles (26 novembre 2009)
Collection : Arbres de chair
Langue : Français
ISBN-10: 2876580802
ISBN-13: 978-2876580800
Dimensions : 18,8 x 14,2 x 2,6 cm

 La dernière frontière

Le public français connaît bien Jack London, un peu moins James Oliver Curwood, pas du tout Grey Owl (« Hibou gris »). Pour une grande part, ce désintérêt est de la faute de ce dernier. Après tout, ne l’a-t-il pas cherché lui qui, longtemps, s’est fait passer pour ce qu’il n’était pas ? Lorsqu’il se fait connaître au monde en publiant ses premiers livres, dans les années 1920 – 1930, tout le monde croit qu’il s’agit d’un Indien possédant des lettres. S’il possède le physique de l’Indien, Grey Owl n’est autre qu’Archibald Belaney, né en 1888, un Anglais fasciné depuis sa tendre enfance par les étendues vierges. A 17 ans, A. Belaney quitte l’Europe pour le Grand Nord canadien.

Tour à tour trappeur, guide et garde forestier, il devient un amoureux fou du grand désert blanc. Converti à l’écologie, frappé par les déprédations qu’opère la civilisation sur ces espaces préservés, angoissé devant l’avenir de tribus indiennes happées par la civilisation moderne, Grey Owl destine la dernière partie de sa vie à une croisade en faveur de la préservation des solitudes glacées. Que ce soit dans La dernière frontière ou Les récits de la cabane abandonnée, il y a toujours cet amour passionné des grands espaces, le respect dû aux Indiens, la sauvegarde de la faune et de la flore.  La dernière frontière constitue le récit sobre, autobiographique, d’une vie consacrée à un mode de vie, celui des Indiens et des premiers trappeurs, des gens qui, lors des périodes de chasse, ne prélevaient que ce qui était nécessaire. Grey Owl n’a pas de mots assez durs à l’égard de ceux qu’il appelle les sportmen, citadins faisant de ces grandes étendues un immense terrain de jeu et de chasse et qui prélèvent sur la faune plus que leur comptant. Pareil pour ceux qui arrivent attirés par le seul appât du gain : « Le progrès laisse ici, partout où il passe, des ruines », s’insurge G. Owl. S’il n’a pas le style puissant de J. London, Grey Owl est néanmoins un superbe écrivain. L’amour de la nature vierge a fait de lui un poète. Certaines pages de La dernière frontière laissent une impression ineffable. A l’heure où les grands équilibres environnementaux sont plus que jamais en péril, il faut lire Grey Owl : les leçons de vie qu’il procure sont à méditer. Puissions-nous, alors que tant d’espèces animales sont menacées, être pris du sentiment qui le saisit lorsque, lors d’une chasse, il se retient de tirer sur un castor : « Il me sembla que toute la nature me respectait d’avoir respecté son sanctuaire, de n’avoir pas profané cette heure bénie et parfaite » (p. 219).

Grey Owl, La dernière frontière, Souffles, 2009, 366 pages, 22 €

 

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Le prix à payer

Broché
Editeur : Editions de la Loupe (22 octobre 2010)
Collection : Récit
Langue : Français
ISBN-10: 2848683406
ISBN-13: 978-2848683409
Dimensions : 21,8 x 14,8 x 2,6 cm

 Le prix à payer

Alors qu’en Occident on n’a jamais construit autant de mosquées, la situation des chrétiens en pays musulmans demeure des plus précaires. Mais ce n’est pas la pire. Quitter l’islam pour une autre religion, autrement apostasier, ou tout simplement prendre le parti de l’athéisme ou de l’agnosticisme est pratiquement impossible. Ou alors à ses risques et périls. C’est dans sa chair, au péril de sa vie, que Joseph Fadelle a fait l’expérience de cette impossibilité : abjurer l’islam, c’est être un traître. Quand on sait à quel point l’honneur familial est important dans les sociétés musulmanes, un traître n’a droit à aucune pitié. C’est sur sa propre tentative d’assassinat par ses frères que commence Le prix à payer. L’essentiel reste la conversion de ce chiite irakien, héritier d’une famille puissante, et qui aurait eu tout à gagner à demeurer musulman, quitte à vivre dans l’hypocrisie. Oui, mais voilà, la rencontre personnelle qu’il fait avec le Christ, dans la personne d’un compagnon de chambrée chrétien, va complètement bouleverser le cours de sa vie. Témoignant au début de beaucoup de morgue à l’égard de Massoud, le chrétien, il en vient à s’intéresser à la vie de Jésus de Nazareth, à lire les Evangiles. Et là, stupéfaction ! La grâce du Christ opère, par la lecture et par un songe dans lequel l’auteur reconnaît le Christ qui lui offre le « pain de vie ». La suite, Joseph Fadelle – anciennement Mohammed – la décrit avec une simplicité et une force qui rendent la lecture passionnante : le reniement de son père, la rencontre avec des prêtres et des religieuses, la proximité toujours plus grande du Christ, une vie quotidienne entre peur et dissmulation… En 2001, Joseph Fadelle et sa famille gagnent la France via la Jordanie.

Œuvre poignante, Le prix à payer raconte l’inexorable descente aux enfers de ces musulmans qui choisissent par conviction de devenir chrétiens. Une question qui devrait être au cœur du dialogue islamo-chrétien. Le respect des consciences ne peut pas être unilatéral.

 
Joseph Fadelle, Le prix à payer, Editions de l’œuvre, 2010, 221 pages, 19 € (également disponible en Pocket)

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Dans les forêts de Sibérie

Poche: 304 pages
Editeur : Folio (26 avril 2013)
Collection : Folio
Langue : Français
ISBN-10: 207045150X
ISBN-13: 978-2070451500
Dimensions : 17,8 x 10,8 x 1,2 cm

 Dans les forêts de Sibérie

Avec ce nouvel opus, Sylvain Tesson nous offre un incroyable bol d’air glacial, un air sibérien, à proximité du Lac Baïkal. Las de cette vie moderne qui ne fait plus la place au silence et à l’intériorité, l’auteur a vécu, durant six mois, une vie d’ermite au bord du Baïkal, le plus grand lac du monde, en pleine Sibérie, là où faire des centaines de kilomètres sans rencontrer âme qui vive ressort de l’ordinaire. Dans sa cabane, l’ermite volontaire savoure le temps qui passe, il prend plaisir à ne rien faire, à contempler le rythme des jours et des saisons. Notre Robinson Crusoë n’est pas venu les mains vides. Il est arrivé avec des vivres, du matériel, une caisse de livres, de la vodka et… des icônes orthodoxes, histoire de s’immerger pleinement dans l’éternelle Russie. Ah ! Lire Hemingway ou Camus, seul dans sa cabane, alors que le voisin le plus proche habite à quatre heures de marche, quelle volupté ! Bien sûr, il y a un prix à payer à cette fuite du monde : on ne revient pas indemne de six mois de solitude ou, à l’exception de quelques rares visites, les seuls êtres animés rencontrés sont des animaux sauvages. Il n’en reste pas moins que l’auteur met le doigt sur une aspiration, un fantasme que probablement beaucoup partagent : une vie simple, loin du charivari engendré par la vie moderne.

Pour s’évader d’un quotidien qu’ils jugent morne et routinier, nombreux sont-ils à prendre la route ou l’avion pour… s’entasser sur une plage des Antilles ou de Thaïlande. Ce qui paraît pour beaucoup le comble de l’exotisme ne souffre pas la comparaison avec l’expérience vécue par l’auteur qui, après avoir lu la Vie de Rancé, consigne ces lignes : « L’exotisme, c’est de naviguer dans les intrigues politiques, les chinoiseries de la cour versaillaise, les haines mazarines et les brûlures jansénistes pendant que le vent agite doucement les cèdres sibériens. » (p. 171).

On connaissait les qualités d’écriture de Sylvain Tesson. Le Prix Médicis qui a été décerné à ce livre est amplement mérité. De superbes trouvailles stylistiques – comme ce bel oxymore : « On ne se sent jamais aussi vivant que mort au monde », d’une grande vérité – donnent encore plus de corps à une oeuvre envoûtante.

 

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Gallimard, 2012, 267 pages, 17.90 €

 

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La Traversée

Broché: 178 pages
Editeur : Parole et Silence Editions (2 février 2012)
Collection : DOCUMENTS
Langue : Français
ISBN-10: 2889180263
ISBN-13: 978-2889180264
Dimensions : 23,4 x 15,2 x 1,6 cm

 La Traversée

Le discours qui prévaut aujourd’hui est qu’il faut tout faire pour échapper à la souffrance. Toute épreuve est a priori à éviter ; elle est jugée inutile et malfaisante, il n’y a rien à en tirer. Dénégation et évitement sont rois. Le problème, c’est que si au final l’épreuve est la plus forte la personne risque la dépression, l’effondrement. Le cœur de ce livre, écrit à quatre mains, est de signifier qu’au lieu de bâtir des châteaux en Espagne, autant vivre pleinement sa condition d’homme et de femme. Mieux vaut vivre dans la vérité de cette condition assumée que dans les artifices d’un monde où ce sont les modes et les nouveaux cultes qui dictent les choix de vie.

La doxa contemporaine a fabriqué un monde artificiel où l’idée d’échec est tout simplement insupportable. Le problème c’est que la vie n’est pas un conte de fées et qu’il faut bien se confronter aux épreuves qu’elle envoie. Mgr Vincent Jordy, évêque de Saint-Claude, et Christine Rebourg-Roesler, psychothérapeute, réfléchissent en praticiens aux énormes enjeux de ces questions qui touchent la vie et la mort. L’un, au titre de l’accompagnement spirituel, l’autre, de l’accompagnement thérapeutique, insistent sur la nécessité de consentir au réel, de se confronter aux épreuves de la vie, pas par masochisme mais parce que la douleur de l’épreuve peut aider à grandir. L’euthanasie à l’égard des personnes en fin de vie et la sélection des embryons ne sont-elles pas des signes de ce désir d’évitement ? Des bien-portants jugent qu’une personne n’a pas d’intérêt à vivre, que sa vie sera une vallée de larmes. Cependant, assure la psychologue, « si la vie est douloureuse parfois, voire souvent, elle est légitime. Elle mérite d’être vécue de A à Z, avec toutes les nuances, les pleins et les déliés, les temps de silence et de révélation, à tous les âges. » « L’épreuve, ajoute l’évêque de Saint-Claude, est un élément profondément constitutif de la vie ; sans souhaiter pour autant d’épreuve à personne, celle-ci permet toutefois de creuser la noblesse d’une vie et de la mettre en pleine lumière. ». Consentir au réel est le premier pas, en tout cas le plus nécessaire, pour devenir pleinement homme. La Traversée réussit à inviter à cette prise de conscience.

 

Mgr Vincent Jordy & Christine Rebourg-Roeseler, La Traversée, Parole et Silence, 2012,173 pages, 18 €