Décivilisation
Après La grande déculturation, Renaud Camus revient à la charge contre l’époque contemporaine et ses travers. Dans La grande déculturation, il s’en prenait à l’école. Le changement d’appellation – le Ministère de l’Instruction Publique devenu Ministère de l’Education Nationale -, indiquait un changement de paradigme : l’Ecole est désormais chargée de suppléer les familles dans le registre de l’éducation. Une trentaine d’années après, le résultat est patent : tant l’école que la famille peinent à prendre en charge une jeunesse tiraillée entre modes éphémères et consommation. Avec Décivilisation, Camus insiste : quelles sont les causes profondes de ce qu’il faut bien appeler la mort de la culture ? Il le fait dans le style qui lui est propre : sans chapitre, en phrases longues… une écriture au final très personnelle. Si on suit bien sa pensée, c’est à se demander si la démocratisation de la culture n’est pas à l’origine de la disparition de cette dernière. Ce que l’auteur appelle l’hyper-démocratie a fait sortir « la démocratie de son lit politique pour la projeter dans des domaines qui, à première vue, ne lui sont guère congénitaux… » Parmi ceux-ci, la culture et la famille, lesquelles, en dernier ressort, ne peuvent, sous peine de disparaître, s’apparenter à des instances démocratiques. La consommation de masse entraîne un relativisme destructeur en matière culturelle. Nombreuses sont les conséquences de ce déclassement de la culture. La langue, véhicule privilégié de toute civilisation, s’affadit, parsemée qu’elle est de niaiseries et de grossièretés. L’abandon du nom au profit du prénom, si commun à la télévision, est, mine de rien, le signe d’un véritable bouleversement anthropologique. Le nom engage sa responsabilité, celle d’une lignée. En lieu et place voici venu le temps du gentil copinage celui du prénom roi, « marque d’une société désaffiliée, qui refuse l’héritage des pères ». Finalement, l’usage répété de ce dernier consonne bien avec une société « qui n’aspire qu’à se distraire, à s’étourdir, à oublier l’oubli. » En 200 pages, Renaud Camus règle son compte à la société du divertissement, celle de « la vie sans pensée ». Ce combat, pratiquement perdu d’avance, vaut qu’on s’y intéresse tant ses conséquences risquent d’être incalculables.
Renaud Camus, Décivilisation, Fayard, 2011, 206 €, 17 €