Lawrence d’Arabie
Il est assez normal qu’un personnage de légende comme Thomas Lawrence – alias Lawrence d’Arabie – soit régulièrement un objet d’étude. Celle que lui consacre Christian Destremau vaut la peine qu’on s’y arrête car elle constitue, à coup sûr, une référence en matière de biographie.
Ce qui frappe à travers la vie de ce paladin des temps modernes, c’est moins ses hauts faits d’armes sur un front somme toute secondaire qu’une vie pleine et vite consumée. Ce qui surprend, c’est moins l’aide qu’apporte Lawrence aux tribus arabes désireuses de s’affranchir de l’occupation turque que sa personnalité hors normes. Voyageur impénitent attiré par l’Orient et la civilisation arabe, c’est presque par hasard que Lawrence se retrouve à la tête de la rébellion arabe. Alors qu’il n’a pas encore trente ans, il se lance à corps perdu dans cette lutte colossale. Guerre aux effectifs modestes et qui n’aura qu’un impact limité sur le cours général du conflit, mais conflit titanesque pour ce jeune Irlandais devant, au milieu de guerriers arabes tantôt inconstants tantôt irascibles, faire preuve d’un réel talent de diplomate. C’est là, au milieu de guerriers pour qui il éprouve de l’admiration mais vis-à-vis desquels il conserve une certaine distance, que se forge la légende du grand Lawrence d’Arabie. Christian Destremau ne cache pas les coups de blues de Lawrence, la besogne à toujours recommencer, la difficulté d’entretenir des relations avec des bédouins jaloux et rancuniers, la chaleur accablante du désert, les voyages à dos de dromadaire… Et puis, comme tous les grands hommes, Lawrence a ses faiblesses et ses petitesses, mais elles n’affectent en rien l’admiration que le lecteur peut avoir à l’égard du météore qu’il fut.
Lawrence a mal vécu la fin de la guerre, estimant les Arabes trahis par les traités de paix des années 1919 et 1920. Il tente de sauver les meubles, de sauvegarder la libre fierté de ceux qui ont répondu à son appel. Après l’écriture de ses monumentales mémoires, Les sept piliers de la sagesse, un des sommets de la littérature mondiale, Lawrence s’engage dans la RAF. Souvent déprimé, il voulait vivre dans l’anonymat et échapper aux feux de la rampe.
L’auteur de ce beau Lawrence ne cache rien de la part d’ombre qui habite la vie d’un homme qui n’a pas eu toujours les mains propres. Ce souci d’honnêteté n’entrave en rien le sentiment d’admiration que l’on éprouve à l’égard d’une trajectoire aussi brillante que fulgurante.
Christian Destremau, Lawrence d’Arabie, Perrin, 2014, 492 pages, 24.50 €