1916
La plume vive et aiguisée de Jean-Yves Le Naour donne l’occasion de revisiter la Première Guerre Mondiale année par année. Ce 1916 est bien sûr le troisième volume d’une série qui, d’évidence, devrait en comporter cinq, à moins que l’historien ne décide de porter plus loin son regard, c’est-à-dire sur l’année 1919, celle des traités de paix, époque d’une importance capitale pour la compréhension du XX° siècle.
Facile et plaisant à lire, 1916 – L’enfer relate l’essentiel d’une année qui marque un certain statu quo, tant à l’Est qu’à l’Ouest. Jean-Yves Le Naour s’intéresse peu à la périphérie ; tout juste a-t-il quelques mots un peu dédaigneux à l’égard de l’épopée de Lawrence d’Arabie, lequel commence alors à rassembler une partie des tribus arabes pour chasser l’envahisseur turc. L’essentiel se passe à l’Ouest, l’année 1916 étant celle de Verdun et de la Somme, deux batailles gigantesques, une attaque allemande et la seconde alliée, qui n’auront d’autre résultat que de faire tuer un nombre considérable de soldats. En effet, malgré les pilonnages d’artillerie, il suffit de quelques hommes autour d’une mitrailleuse pour stopper les offensives les mieux préparées. Comme le rappellent les militaires les plus lucides : le feu tue. C’est la raison pour laquelle un Pétain se refuse à ces offensives aussi coûteuses qu’inutiles. Seule l’arrivée des Américains et des chars permettra d’opérer la guerre de mouvement, seule possibilité d’en finir avec l’enfer des tranchées.
Je l’ai dit, cette synthèse se lit plaisamment. Pourtant, elle ne réussit pas à éviter certains écueils. Pourquoi, par exemple, aussi peu de place à la bataille du Jutland, de loin la plus grande confrontation navale de la guerre ? Pourquoi peu de choses sur l’enfer, dans ce qu’il y a de plus concret, de plus terre à terre, vécu par le simple soldat, dans l’univers sordide et impitoyable des tranchées ? Il nous semble que l’auteur accorde trop d’importance aux manœuvres des coulisses, celles qui opposent entre eux des généraux jaloux et divisent les politiciens. S’il est vrai que l’Union Sacrée ne fut pas un long fleuve tranquille, il n’en reste pas moins qu’elle réussit à cimenter une nation qui, peu de temps avant 1914, ressemblait plus à un agrégat qu’à un corps uni.
Jean-Yves Le Naour, 1916. L’enfer, Perrin, 2014, 374 pages, 23 €