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Gouverner au nom d’Allah

Broché : 160 pages Editeur : Gallimard; Édition : 01 (10 octobre 2013) Collection : HORS SER CONNAI Langue : Français ISBN-10 : 2070142892 ISBN-13 : 978-2070142897 Dimensions : 20,5 x 1,4 x 14 cm
Broché : 160 pages
Editeur : Gallimard; Édition : 01 (10 octobre 2013)
Collection : HORS SER CONNAI
Langue : Français
ISBN-10 : 2070142892
ISBN-13 : 978-2070142897
Dimensions : 20,5 x 1,4 x 14 cm

 Gouverner au nom d’Allah

Bien souvent, ce sont les intellectuels occidentaux qui écrivent sur l’islam. Le premier intérêt de Gouverner au nom d’Allah vient de ce que l’auteur est un écrivain algérien vivant en Algérie. Si on le sent très méfiant à l’égard de l’islamisme, il tâche d’en décrire la montée le pus objectivement possible. Avant cela, il donne une vue d’ensemble de l’islam, avec ses courants, ses schismes, ses chapelles… Il s’interroge ensuite sur la nature de l’expansionnisme musulman aisi que sur les vecteurs sur lesquels il s’appuie : courants religieux radicaux, médias, universités, émigration… Religion jeune, dynamique, en expansion, l’islam est de plus en plus travaillé par l’islamisme, sa version rigoriste dont une partie des membres – les salafistes – souhaite le retour à la communauté primitive, celle qui entourait Mahomet. Pour l’auteur, le monde musulman se trouve à la croisée des chemins, tiraillé de tous côtés par des aspirations contraires : modernité contre rigorisme, liberté de conscience et contre coercition, liberté de religion contre conformisme, désir de copier l’Occident tout en maintenant ses particularismes, etc. Si nombreux sont les musulmans à réprouver la violence islamiste, il n’est pas certain qu’ils en rejettent le programme. Boualem Sansal insiste sur le fait que, bien que soumis à la publicité déplorable qu’en fait l’islamisme, l’islam demeure en ascension constante. S’il en cherche les cases au sein du monde musulman, peut-être minore-t-il excessivement la perméabilité du monde occidental qui, après avoir largué ses croyances ancestrales, submergé par le consumérisme, n’a plus guère d’anticorps. Une religion aussi assise que l’islam donne sens à sa vie ; c’est autre chose que l’épuisement contemporain pris entre consommation et illusion technologique. Tant est si bien que l’auteur a raison, à la fin, de se poser la question : pour qui l’islamisme est-il un problème, pour l’Occident ou le monde musulman ? Au total, un petit livre instructif et facile à lire.
Boualem Sansal, Gouverner au nom d’Allah, Gallimard, 2013, 156 pages, 12.50€

 

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La haine du monde

Broché : 237 pages Editeur : Cerf (5 février 2016) Collection : PHILO Langue : Français ISBN-10 : 2204108065 ISBN-13 : 978-2204108065 Dimensions : 21 x 1,9 x 13,5 cm
Broché : 237 pages
Editeur : Cerf (5 février 2016)
Collection : PHILO
Langue : Français
ISBN-10 : 2204108065
ISBN-13 : 978-2204108065
Dimensions : 21 x 1,9 x 13,5 cm

 La haine du monde

Le dernier livre de la philosophe Chantal Delsol donne le sentiment que cette dernière clôt un chapitre d’une réflexion entamée dès 2011 avec L’âge du renoncement. Elle poursuit sa recherche dans un livre dense avec pour sous-titre : « Totalitarismes et postmodernité ». Pour Chantal Delsol, les sociétés occidentales contemporaines sont traversées par deux courants principaux. Le premier, qui s’origine dans les Lumières et les années les plus sanglantes de la Révolution française, a pour but l’émancipation totale des individus, lequel doit s’affranchir du poids de l’histoire, des traditions, un individu oublieux de ce qui le fonde, un quidam hors-sol, nomade, obnubilé par la consommation et le divertissement. Tout au contraire, le second courant vise à préserver les racines, à faire prendre conscience à l’individu qu’il est le fruit d’une histoire et d’une mémoire, que le passé l’oblige, que tout n’est pas permis et que l’existence peut être tragique. Le premier courant, qui se réfère sans cesse aux droits de l’homme, est aussi inconséquent que naïf : il n’imagine pas à quel point il se rattache, par les buts qu’il recherche, aux totalitarismes les plus furieux du siècle passé, le communisme en premier lieu. Ce dernier, à l’instar du courant transhumaniste contemporain, souhaitait l’apparition d’un homme nouveau, lavé de sa culture et de ses origines. C’était – mais ses partisans ne le voient pas – se rendre pieds et mains liés aux forces les plus puissantes, celles du marché dans lequel tout se vend et tout s’achète et dans lequel le puissant écrase le pauvre et l’innocent. La force de ce courant émancipateur, qu’angoisse Chantal Delsol, se nourrit d’un mépris du peuple déjà à l’œuvre dans les totalitarismes. Si nous retrouvons dernier à l’âge post-moderne, c’est parce qu’il s’agit encore aujourd’hui d’imposer une idéologie pour laquelle les peuples n’ont pas de goût – et donc d’arguer de leur incompétence pour les écarter du pouvoir. » (p. 166) Dans ce livre brillant, Chantal Delsol déroule avec brio une pensée sans compromission.

 

Chantal Delsol, La haine du monde, Cerf, 2016, 238 pages, 19€

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Actualités Recensions

Un silence religieux : La gauche face au djihadisme

Broché : 208 pages Editeur : SEUIL (7 janvier 2016) Collection : H.C. ESSAIS Langue : Français ISBN-10 : 2021298396 ISBN-13 : 978-2021298390 Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm
Broché : 208 pages
Editeur : SEUIL (7 janvier 2016)
Collection : H.C. ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2021298396
ISBN-13 : 978-2021298390
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 Un silence religieux

Depuis les attentats parisiens de l’an passé, combien de fois n’avons-nous pas entendu cette ritournelle : « Ca n’a rien à voir avec l’islam » ? Une partie notable de la gauche a tout fait pour dénoncer par avance tout lien, aussi ténu fut-il, entre l’islam et les terroristes de Charlie Hebdo et du Bataclan. Or, corrige Jean Birnbaum, il faut le dire haut et fort : tout cela a à voir avec l’islam ! Tout bonnement parce que les terroristes se réclament de l’islam, même s’il s’agit d’une version dévoyée ; et ensuite parce qu’il se trouve que, sur la planète, l’islam génère beaucoup d’excès terroristes. Si l’énorme majorité des musulmans ne se sent en rien solidaire des djihadistes, il n’en reste pas moins que ces derniers n’ont de cesse d’appeler au retour de l’islam des origines. C’est bien l’islam qui est concerné, non le judaïsme ou le christianisme ! L’auteur reproche à la gauche de s’aveugler par idéologie et par esprit de repentance. Bien des gens de gauche n’osent pas voir ce qu’ils voient parce qu’ils sont habités par un sentiment de culpabilité. La conséquence en est le vaste déni dont la religion continue à être l’objet : on explique le terrorisme par des causes de nature économique et sociale, jamais religieuse. Les Kouachi et autres Coulibali sont traités de barbares et de psychopathes, des qualificatifs qui permettent d’écarter toute référence à la foi. Le fait majeur, explique l’auteur, « c’est la réticence qui est la nôtre, désormais, à envisager la croyance religieuse comme causalité spécifique, et d’abord comme puissance politique : on adhère spontanément aux explications sociales, économiques ou psychologiques ; mais la foi, personne n’y croit. » (p. 23) Il faut croire que le réel du croyant n’est pas le même que celui de l’homme politique ou du journaliste. La foi conserve un pouvoir de mobilisation que la laïcité – ou, parfois, le laïcisme – ne permet plus de voir. En revisitant la guerre d’Algérie et la pensée marxiste, Jean Birnbaum offre une explication pertinente à un phénomène qui se généralise et dont l’essentiel tient en la confrontation brutale entre l’humanisme socialiste et le fondamentalisme islamiste. Passionnant !

 

Jean Birnbaum, Un silence religieux : La gauche face au djihadisme, Seuil, 2016, 234 pages, 17€

 

 

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Une Histoire de la marine de guerre française

Broché : 528 pages Editeur : Perrin (7 avril 2016) Langue : Français ISBN-10 : 2262037159 ISBN-13 : 978-2262037154 Dimensions t: 15,6 x 3,9 x 24,1 cm
Broché : 528 pages
Editeur : Perrin (7 avril 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262037159
ISBN-13 : 978-2262037154
Dimensions t: 15,6 x 3,9 x 24,1 cm

 Une Histoire de la marine de guerre française

La marine de guerre a-t-elle toujours fait figure de parent pauvre ? La lecture du livre du contre-amiral Rémi Monaque peut le laisser croire. Du reste, il n’est pas le seul à faire ce constat. En 1977, le Britannique H.E. Jenkins, auteur d’une très impartiale Histoire de la marine française, avait tiré un constat identique : Si la France n’a pas à avoir honte de sa marine de guerre, la marine française, à juste titre, peut avoir quelque raison d’avoir honte de la France. A côté de l’habileté d’amiraux comme Duquesne ou Tourville, de la bravoure de corsaires comme Jean Bart et Surcouf, de la qualité de nos vaisseaux du temps de la marine à voile, que d’errements, de reculs et de demi-mesures ! Sauf exception, la marine française n’a pu faire mieux que d’être un brillant second ; les nombreuses déconvenues qu’elle a essuyées sont pour l’essentiel dues aux reculades à un pouvoir politique dont les choix erratiques ont sans cesse balancé : la mer ou la terre ?  La géographie a rendu le choix des plus malaisés. Tandis que les Anglais pouvaient se contenter d’une minuscule armée de terre et avaient par conséquent tout loisir de renforcer leur marine, la France a toujours été tiraillée entre l’appel du large et la défense du territoire national. Comment nos aïeux auraient-ils pu être aussi puissants sur mer que sur terre ? Si certains ministères comme ceux de Richelieu et de Colbert surent donner aux marins les moyens de la puissance, les saccades de l’histoire nationale empêchèrent la France de devenir une très grande puissance maritime. A partir de la Révolution, la marine va connaître un déclin progressif jusqu’à la Première Guerre mondiale. Depuis les années 1980, la marine est soumise à une dure épreuve, ses effectifs et son budget étant sans cesse victimes de purges sévères. Très complète, cette Histoire de la marine se lit avec grand plaisir.

Rémi Monaque, Une Histoire de la marine de guerre française, Perrin, 2016, 526 pages, 26 €

 

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Histoire Recensions

Mussolini. Un dictateur en guerre

Broché : 250 pages Editeur : Perrin (19 mai 2016) Langue : Français ISBN-10 : 2262043728 ISBN-13 : 978-2262043728 Dimensions : 13,9 x 2,4 x 20,9 cm
Broché : 250 pages
Editeur : Perrin (19 mai 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043728
ISBN-13 : 978-2262043728
Dimensions : 13,9 x 2,4 x 20,9 cm

 Mussolini. Un dictateur en guerre

Si le fascisme semble aussi vilipendé que le nazisme, il s’avère aussi que la comparaison entre ces deux systèmes totalitaires ne vaut pas raison. Bien sûr, le fascisme draina la plupart des oripeaux propres au totalitarisme : enrégimentement de la jeunesse, propagande étouffante, régime à parti unique, chasse aux opposants, dirigisme économique, etc. Cela dit, la comparaison avec le nazisme ou le stalinisme se fait au bénéfice du fascisme. Si le régime mussolinien était dur, il n’était pas impitoyable comme pouvait l’être à la même époque l’Allemagne hitlérienne : pas de camp de la mort, pas de chasse à mort à l’encontre des personnes de confession juive, une monarchie et une Eglise – religion de l’énorme majorité des Italiens – respectées et ainsi de suite. Mais c’est moins les affaires intérieures qui intéressent l’auteur de ce Mussolini que la politique extérieure d’un chef d’Etat dont les rodomontades ne purent jamais dissimuler la faiblesse congénitale d’un régime reposant sur une base trop fragile. En matière de politique étrangère et de diplomatie, l’histoire de l’Italie mussolinienne emprunte beaucoup à la fable de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf.  Désireux d’agrandir l’empire colonial italien et de jouer dans la cour des grands, le Duce s’enflamma pour une politique de grandeur dont l’Italie n’avait assurément pas les moyens. « C’est une guerre pour les Allemands ou les Japonais, disait le Duce, pas pour nous. » (p.217) Doté d’un équipement industriel vieillot et d’un outil militaire inadapté, l’Italie sera, jusqu’en 1943, constamment à la remorque de son puissant allié du nord. S’illusionnant sur les capacités d’une nation insuffisamment industrialisée, l’Italie fut incapable de soutenir la guerre parallèle en Méditerranée. Pour l’Italie la guerre se résuma en une succession de défaites, de mécomptes et de désillusions.

Max Schiavon a réussi à dresser le portrait d’un homme pas forcément antipathique mais égaré par son appétit de puissance.

 

Max Schiavon, Mussolini. Un dictateur en guerre, Perrin, 2016, 270 pages, 21€

 

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La cause des vaches

Broché : 144 pages Editeur : LE ROCHER EDITIONS (2 mai 2016) Collection : ESSAIS Langue : Français ISBN-10 : 2268084752 ISBN-13 : 978-2268084756 Dimensions : 18,5 x 1,1 x 12,6 cm
Broché : 144 pages
Editeur : LE ROCHER EDITIONS (2 mai 2016)
Collection : ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2268084752
ISBN-13 : 978-2268084756
Dimensions : 18,5 x 1,1 x 12,6 cm

 La cause des vaches

Décidément, le pognon emporte tout. On s’était peu à peu résigné à la mort du monde rural d’autrefois, à la fin des paysans ; c’était déjà difficile car c’était biffer d’un coup des siècles d’histoire, tirer un trait sur nos paysages et nos traditions. Pour certains, notamment les champions de l’agrobusiness, tout cela n’est pas suffisant. Ce qui compte, n’est-ce pas, c’est le rendement, ce sont les milliers de litres de lait collectés chaque jour que Dieu fait et, tout au bout de la chaîne, la viande qui sera désossée, découpée, charriée, hachée pour finir chez le boucher ou sur l’étal de la grande surface. Afin d’aller toujours plus vite, des paysans qui n’en sont pas ont pensé raccourcir, brûler les étapes. A quoi bon, par exemple, permettre aux vaches de se dégourdir les pattes dans une prairie ? Mieux vaut qu’elles demeurent astreintes 24 heures sur 24 à leur poste, qu’elles mangent, boivent et donnent du lait. C’est ce à quoi ont songé les concepteurs de la ferme des mille vaches, en Picardie. Christian Laborde ne peut se résigner au sort si tragique de ces troupeaux qui jamais ne connaîtront le bleu du ciel et la verdure des pâturages. Il en appelle à notre humanité, à notre conscience d’êtres sensibles.

La cause des vaches n’est pas seulement un cri du cœur poétique consacré à la défense des droits des animaux, c’est surtout un essai s’attachant à la sauvegarde de l’humanité de l’homme, afin qu’il ne s’ensauvage pas et ne sombre pas dans des délires prométhéens. Parlant des vaches, le livre se consacre à l’homme. Ce beau texte, un tantinet nostalgique, même si l’auteur s’en défend, nous renvoie à l’époque où les cours des fermes sentaient la paille fraîchement coupée et les vaches portaient un nom, pas un numéro. Les vaches ne sont pas sacrées, rétorqueront les tenants de l’agro-business ! Justement si ! répond Christian Laborde. La preuve, c’est qu’enfant il a vu « Monsieur le curé bénir le bétail dans les fermes et leur parler du paradis. » (p. 59)

 

Christian Laborde, La cause des vaches, Editions du Rocher, 2016, 143 pages, 15€

 

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Dictionnaire amoureux de l’Orient

Broché : 800 pages Editeur : Plon (7 avril 2016) Collection : Dictionnaire amoureux Langue : Français ISBN-10 : 2259227430 ISBN-13 : 978-2259227438 Dimensions : 13,5 x 3,8 x 20,2 cm
Broché : 800 pages
Editeur : Plon (7 avril 2016)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10 : 2259227430
ISBN-13 : 978-2259227438
Dimensions : 13,5 x 3,8 x 20,2 cm

 Dictionnaire amoureux de l’Orient

La surprenante collection des « Dictionnaires amoureux » vient de s’enrichir d’un ouvrage passionnant dû à la plume d’un amoureux de l’Orient. En un temps où revient en mémoire la thèse du choc des civilisations, qu’il fait du bien de lire les propos pacifiants d’une personne qui connaît l’Orient, non seulement par les livres mais aussi et surtout par les voyages qu’elle a pu y faire et les personnes qu’elle y a rencontrées. Comme d’habitude, et c’est l’originalité de la collection, l’ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité. Ce n’est pas un livre savant affichant le désir de faire connaître la région de A à Z. L’auteur s’est concentré sur une bonne centaine d’entrées. Le poids de l’histoire et de la religion est bien sûr énorme ; il renvoie à ce célèbre mot du Général de Gaulle faisant allusion à cette région peu étendue et qui a cependant suffi à une si grande histoire. Il faisait allusion à la naissance des monothéismes, à commencer par celui du Dieu d’Israël. Passionnant à lire et servi par un style fluide, ce Dictionnaire amoureux de l’Orient possède les atouts d’un livre destiné à faire date. Tous les articles sont intéressants, y compris ceux qui de prime abord semblent les plus convenus, ceux à propos desquels on ne voit pas bien ce que l’on peut ajouter aux habituels lieux communs. Parmi les pépites distillées par René Guitton, j’ai retenu les entrées consacrées à Agatha Christie, mariée à un archéologue qui a longtemps arpenté le Moyen-Orient, ou encore l’article sur le Saint-Sépulcre. Les pages relatives à la Bible ou au Coran sont toutes marquées par le désir de mieux connaître l’autre, de voir en lui un alter ego, un frère, non un ennemi et un étranger. Au fond, ce livre donne envie de partir à la découverte, une découverte qui serait passionnée et sympathique. Si toute chose à son revers, René Guitton s’est attaché à retenir d’abord l’apport positif des civilisations de l’Orient au patrimoine mondial. Et comme il ne le fait pas sans humour, cela donne un prix supplémentaire à son entreprise.

René Guitton, Dictionnaire amoureux de l’Orient, Plon, 2016, 710 pages, 25€

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Recensions Religion

Un silence religieux

Broché : 208 pages
Editeur : SEUIL (7 janvier 2016)
Collection : H.C. ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2021298396
ISBN-13 : 978-2021298390
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 Un silence religieux

Depuis les attentats parisiens de l’an passé, combien de fois n’avons-nous pas entendu cette ritournelle : « Ca n’a rien à voir avec l’islam » ? Une partie notable de la gauche a tout fait pour dénoncer par avance tout lien, aussi ténu fut-il, entre l’islam et les terroristes de Charlie Hebdo et du Bataclan. Or, corrige Jean Birnbaum, il faut le dire haut et fort : tout cela a à voir avec l’islam ! Tout bonnement parce que les terroristes se réclament de l’islam, même s’il s’agit d’une version dévoyée ; et ensuite parce qu’il se trouve que, sur la planète, l’islam génère beaucoup d’excès terroristes. Si l’énorme majorité des musulmans ne se sent en rien solidaire des djihadistes, il n’en reste pas moins que ces derniers n’ont de cesse d’appeler au retour de l’islam des origines. C’est bien l’islam qui est concerné, non le judaïsme ou le christianisme ! L’auteur reproche à la gauche de s’aveugler par idéologie et par esprit de repentance. Bien des gens de gauche n’osent pas voir ce qu’ils voient parce qu’ils sont habités par un sentiment de culpabilité. La conséquence en est le vaste déni dont la religion continue à être l’objet : on explique le terrorisme par des causes de nature économique et sociale, jamais religieuse. Les Kouachi et autres Coulibali sont traités de barbares et de psychopathes, des qualificatifs qui permettent d’écarter toute référence à la foi. Le fait majeur, explique l’auteur, « c’est la réticence qui est la nôtre, désormais, à envisager la croyance religieuse comme causalité spécifique, et d’abord comme puissance politique : on adhère spontanément aux explications sociales, économiques ou psychologiques ; mais la foi, personne n’y croit. » (p. 23) Il faut croire que le réel du croyant n’est pas le même que celui de l’homme politique ou du journaliste. La foi conserve un pouvoir de mobilisation que la laïcité – ou, parfois, le laïcisme – ne permet plus de voir. En revisitant la guerre d’Algérie et la pensée marxiste, Jean Birnbaum offre une explication pertinente à un phénomène qui se généralise et dont l’essentiel tient en la confrontation brutale entre l’humanisme socialiste et le fondamentalisme islamiste. Passionnant !

 

Jean Birnbaum, Un silence religieux, Seuil, 2016, 234 pages, 17€

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L’art de la marche

Broché : 226 pages
Editeur : Editions Albin Michel (4 mai 2016)
Collection : LITT.GENERALE
Langue : Français
ISBN-10 : 2226326065
ISBN-13 : 978-2226326065
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 L’art de la marche

Ils sont de plus en plus nombreux à déguerpir, à fuir le monde bruyant et animé qui nous environne, pour marcher, s’emplir les poumons de l’air de la liberté. Que l’on soit pèlerin de Compostelle ou marcheur au long cours, c’est là le sentiment qui domine. S’affranchir du temps, de l’espace, des préoccupations journalières, il n’y a rien de mieux en matière de liberté. Lorsqu’il quitte Paris pour rejoindre une cabane située au fin fond de la Sibérie, c’est à l’accomplissement d’une liberté pleine et entière qu’aspire Sylvain Tesson. L’écrivain Olivier Bleys, qui livre son témoignage autour de L’art de la marche, est titillé par le même besoin. S’ajoute chez lui, semble-t-il, le goût de rompre la monotonie du quotidien en s’affligeant maux et tracas. L’auteur s’est donné comme défi de faire le tour du monde par étapes annuelles. Tous les ans, durant l’été, Olivier Bleys accomplit un périple de plusieurs centaines de kilomètres : d’Albi à Lyon, puis de Lyon à Alberville, d’Alberville à Andermatt en Suisse… Commencé à Albi, le récit qu’il livre ici s’achève en Hongrie, à quelques encablures de l’Ukraine. Dans un style délié, Olivier Bleys fait valoir ses talents de conteur… et de marcheur. Le périple qu’il accomplit, aussi loin que possible de la civilisation, atteste de réelles qualités physiques. Il s’avère que, même dans notre petite Europe, il est possible de vivre l’aventure. Pour ce faire, mieux vaut choisir de longues distances et préférer l’altitude et les sommets au cours plus rapide et plus sûr – mais plus encombré et plus pollué ! – que les vallées. Quand trouver de l’eau s’avère une tâche redoutable, le récit passionnant d’Olivier Bleys fait prendre conscience du confort qu’offre la civilisation.

Surgissent ici et là, cerise sur le gâteau d’un récit plein de panache, de pertinentes réflexions sur l’aménagement du territoire, pour dénoncer par exemple cette surenchère de panneaux, chicanes et dos d’âne qui défigurent nombre de nos villages. Un magnifique récit.

 

Olivier Bleys, L’art de la marche, Albin Michel, 2016, 227 pages, 16€

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Histoire Recensions

Une journée avec

Broché : 380 pages
Editeur : Perrin (4 mai 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262050708
ISBN-13 : 978-2262050702
Dimensions : 14,1 x 3,4 x 21,1 cm

 Une journée avec

Fruit du travail commun d’une quinzaine de collaborateurs, Une journée avec se donne pour objectif de décrire la journée type d’un homme ou d’une femme illustre, de Charlemagne à Elizabeth II d’Angleterre. Autant dire qu’avec un tel sujet le lecteur se trouve bien plus souvent dans le cabinet de travail, la chambre à coucher ou la salle à manger d’un roi ou d’un président que sur un champ de bataille  ou dans une réunion diplomatique. La quinzaine de contributions présentées dans ce livre, toutes plaisantes à lire, donne raison au célèbre adage de Napoléon affirmant que, pour un domestique, il n’y a pas de grand homme. Si d’apparence Une journée avec nous emmène volontiers dans la petite histoire, il n’en reste pas moins que celle-ci possède des liens solides avec sa sœur jumelle, la grande histoire. En effet, il n’est pas dit que les habitudes horaires, alimentaires ou autres d’un personnage de premier plan n’ont pas eu d’influence sur sa destinée. La façon qu’avait Napoléon Ier de travailler et de mener une journée en dit long sur le comportement qu’il eut jusque dans les grandes affaires : cette hâte, cette hyperactivité qui parfois s’apparentait à de la précipitation a pu gâter de très pertinentes intuitions. On pourra conseiller à nombre de nos contemporains, soucieux d’être sans cesse connectés, « La vie de caserne de Charles de Gaulle à l’Elysée ». L’article donne à voir un De Gaulle détestant le téléphone, un engin qui coupe le fil de votre conversation et oblige à reprendre plusieurs fois la même démonstration. Une mention particulière au « Dimanche ordinaire de François Mitterrand », portrait très savoureux.

Sur un thème original, conduit par des récits menés tambour battant, Une journée avec, s’il n’a pas la prétention de constituer un grand livre d’histoire, fait pénétrer le lecteur dans l’intimité des grands de ce monde, passé et présent. Ce faisant, il éclaire des personnalités et offre une vue originale sur leur cheminement intérieur.

 

Claude Quétel & Franz-Olivier Giesbert, Une journée avec, Perrin, 2016, 380 pages, 21€