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Histoire Recensions

Mussolini. Un dictateur en guerre

Broché : 250 pages Editeur : Perrin (19 mai 2016) Langue : Français ISBN-10 : 2262043728 ISBN-13 : 978-2262043728 Dimensions : 13,9 x 2,4 x 20,9 cm
Broché : 250 pages
Editeur : Perrin (19 mai 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043728
ISBN-13 : 978-2262043728
Dimensions : 13,9 x 2,4 x 20,9 cm

 Mussolini. Un dictateur en guerre

Si le fascisme semble aussi vilipendé que le nazisme, il s’avère aussi que la comparaison entre ces deux systèmes totalitaires ne vaut pas raison. Bien sûr, le fascisme draina la plupart des oripeaux propres au totalitarisme : enrégimentement de la jeunesse, propagande étouffante, régime à parti unique, chasse aux opposants, dirigisme économique, etc. Cela dit, la comparaison avec le nazisme ou le stalinisme se fait au bénéfice du fascisme. Si le régime mussolinien était dur, il n’était pas impitoyable comme pouvait l’être à la même époque l’Allemagne hitlérienne : pas de camp de la mort, pas de chasse à mort à l’encontre des personnes de confession juive, une monarchie et une Eglise – religion de l’énorme majorité des Italiens – respectées et ainsi de suite. Mais c’est moins les affaires intérieures qui intéressent l’auteur de ce Mussolini que la politique extérieure d’un chef d’Etat dont les rodomontades ne purent jamais dissimuler la faiblesse congénitale d’un régime reposant sur une base trop fragile. En matière de politique étrangère et de diplomatie, l’histoire de l’Italie mussolinienne emprunte beaucoup à la fable de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf.  Désireux d’agrandir l’empire colonial italien et de jouer dans la cour des grands, le Duce s’enflamma pour une politique de grandeur dont l’Italie n’avait assurément pas les moyens. « C’est une guerre pour les Allemands ou les Japonais, disait le Duce, pas pour nous. » (p.217) Doté d’un équipement industriel vieillot et d’un outil militaire inadapté, l’Italie sera, jusqu’en 1943, constamment à la remorque de son puissant allié du nord. S’illusionnant sur les capacités d’une nation insuffisamment industrialisée, l’Italie fut incapable de soutenir la guerre parallèle en Méditerranée. Pour l’Italie la guerre se résuma en une succession de défaites, de mécomptes et de désillusions.

Max Schiavon a réussi à dresser le portrait d’un homme pas forcément antipathique mais égaré par son appétit de puissance.

 

Max Schiavon, Mussolini. Un dictateur en guerre, Perrin, 2016, 270 pages, 21€

 

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La cause des vaches

Broché : 144 pages Editeur : LE ROCHER EDITIONS (2 mai 2016) Collection : ESSAIS Langue : Français ISBN-10 : 2268084752 ISBN-13 : 978-2268084756 Dimensions : 18,5 x 1,1 x 12,6 cm
Broché : 144 pages
Editeur : LE ROCHER EDITIONS (2 mai 2016)
Collection : ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2268084752
ISBN-13 : 978-2268084756
Dimensions : 18,5 x 1,1 x 12,6 cm

 La cause des vaches

Décidément, le pognon emporte tout. On s’était peu à peu résigné à la mort du monde rural d’autrefois, à la fin des paysans ; c’était déjà difficile car c’était biffer d’un coup des siècles d’histoire, tirer un trait sur nos paysages et nos traditions. Pour certains, notamment les champions de l’agrobusiness, tout cela n’est pas suffisant. Ce qui compte, n’est-ce pas, c’est le rendement, ce sont les milliers de litres de lait collectés chaque jour que Dieu fait et, tout au bout de la chaîne, la viande qui sera désossée, découpée, charriée, hachée pour finir chez le boucher ou sur l’étal de la grande surface. Afin d’aller toujours plus vite, des paysans qui n’en sont pas ont pensé raccourcir, brûler les étapes. A quoi bon, par exemple, permettre aux vaches de se dégourdir les pattes dans une prairie ? Mieux vaut qu’elles demeurent astreintes 24 heures sur 24 à leur poste, qu’elles mangent, boivent et donnent du lait. C’est ce à quoi ont songé les concepteurs de la ferme des mille vaches, en Picardie. Christian Laborde ne peut se résigner au sort si tragique de ces troupeaux qui jamais ne connaîtront le bleu du ciel et la verdure des pâturages. Il en appelle à notre humanité, à notre conscience d’êtres sensibles.

La cause des vaches n’est pas seulement un cri du cœur poétique consacré à la défense des droits des animaux, c’est surtout un essai s’attachant à la sauvegarde de l’humanité de l’homme, afin qu’il ne s’ensauvage pas et ne sombre pas dans des délires prométhéens. Parlant des vaches, le livre se consacre à l’homme. Ce beau texte, un tantinet nostalgique, même si l’auteur s’en défend, nous renvoie à l’époque où les cours des fermes sentaient la paille fraîchement coupée et les vaches portaient un nom, pas un numéro. Les vaches ne sont pas sacrées, rétorqueront les tenants de l’agro-business ! Justement si ! répond Christian Laborde. La preuve, c’est qu’enfant il a vu « Monsieur le curé bénir le bétail dans les fermes et leur parler du paradis. » (p. 59)

 

Christian Laborde, La cause des vaches, Editions du Rocher, 2016, 143 pages, 15€

 

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Dictionnaire amoureux de l’Orient

Broché : 800 pages Editeur : Plon (7 avril 2016) Collection : Dictionnaire amoureux Langue : Français ISBN-10 : 2259227430 ISBN-13 : 978-2259227438 Dimensions : 13,5 x 3,8 x 20,2 cm
Broché : 800 pages
Editeur : Plon (7 avril 2016)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10 : 2259227430
ISBN-13 : 978-2259227438
Dimensions : 13,5 x 3,8 x 20,2 cm

 Dictionnaire amoureux de l’Orient

La surprenante collection des « Dictionnaires amoureux » vient de s’enrichir d’un ouvrage passionnant dû à la plume d’un amoureux de l’Orient. En un temps où revient en mémoire la thèse du choc des civilisations, qu’il fait du bien de lire les propos pacifiants d’une personne qui connaît l’Orient, non seulement par les livres mais aussi et surtout par les voyages qu’elle a pu y faire et les personnes qu’elle y a rencontrées. Comme d’habitude, et c’est l’originalité de la collection, l’ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité. Ce n’est pas un livre savant affichant le désir de faire connaître la région de A à Z. L’auteur s’est concentré sur une bonne centaine d’entrées. Le poids de l’histoire et de la religion est bien sûr énorme ; il renvoie à ce célèbre mot du Général de Gaulle faisant allusion à cette région peu étendue et qui a cependant suffi à une si grande histoire. Il faisait allusion à la naissance des monothéismes, à commencer par celui du Dieu d’Israël. Passionnant à lire et servi par un style fluide, ce Dictionnaire amoureux de l’Orient possède les atouts d’un livre destiné à faire date. Tous les articles sont intéressants, y compris ceux qui de prime abord semblent les plus convenus, ceux à propos desquels on ne voit pas bien ce que l’on peut ajouter aux habituels lieux communs. Parmi les pépites distillées par René Guitton, j’ai retenu les entrées consacrées à Agatha Christie, mariée à un archéologue qui a longtemps arpenté le Moyen-Orient, ou encore l’article sur le Saint-Sépulcre. Les pages relatives à la Bible ou au Coran sont toutes marquées par le désir de mieux connaître l’autre, de voir en lui un alter ego, un frère, non un ennemi et un étranger. Au fond, ce livre donne envie de partir à la découverte, une découverte qui serait passionnée et sympathique. Si toute chose à son revers, René Guitton s’est attaché à retenir d’abord l’apport positif des civilisations de l’Orient au patrimoine mondial. Et comme il ne le fait pas sans humour, cela donne un prix supplémentaire à son entreprise.

René Guitton, Dictionnaire amoureux de l’Orient, Plon, 2016, 710 pages, 25€

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Recensions Religion

Un silence religieux

Broché : 208 pages
Editeur : SEUIL (7 janvier 2016)
Collection : H.C. ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2021298396
ISBN-13 : 978-2021298390
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 Un silence religieux

Depuis les attentats parisiens de l’an passé, combien de fois n’avons-nous pas entendu cette ritournelle : « Ca n’a rien à voir avec l’islam » ? Une partie notable de la gauche a tout fait pour dénoncer par avance tout lien, aussi ténu fut-il, entre l’islam et les terroristes de Charlie Hebdo et du Bataclan. Or, corrige Jean Birnbaum, il faut le dire haut et fort : tout cela a à voir avec l’islam ! Tout bonnement parce que les terroristes se réclament de l’islam, même s’il s’agit d’une version dévoyée ; et ensuite parce qu’il se trouve que, sur la planète, l’islam génère beaucoup d’excès terroristes. Si l’énorme majorité des musulmans ne se sent en rien solidaire des djihadistes, il n’en reste pas moins que ces derniers n’ont de cesse d’appeler au retour de l’islam des origines. C’est bien l’islam qui est concerné, non le judaïsme ou le christianisme ! L’auteur reproche à la gauche de s’aveugler par idéologie et par esprit de repentance. Bien des gens de gauche n’osent pas voir ce qu’ils voient parce qu’ils sont habités par un sentiment de culpabilité. La conséquence en est le vaste déni dont la religion continue à être l’objet : on explique le terrorisme par des causes de nature économique et sociale, jamais religieuse. Les Kouachi et autres Coulibali sont traités de barbares et de psychopathes, des qualificatifs qui permettent d’écarter toute référence à la foi. Le fait majeur, explique l’auteur, « c’est la réticence qui est la nôtre, désormais, à envisager la croyance religieuse comme causalité spécifique, et d’abord comme puissance politique : on adhère spontanément aux explications sociales, économiques ou psychologiques ; mais la foi, personne n’y croit. » (p. 23) Il faut croire que le réel du croyant n’est pas le même que celui de l’homme politique ou du journaliste. La foi conserve un pouvoir de mobilisation que la laïcité – ou, parfois, le laïcisme – ne permet plus de voir. En revisitant la guerre d’Algérie et la pensée marxiste, Jean Birnbaum offre une explication pertinente à un phénomène qui se généralise et dont l’essentiel tient en la confrontation brutale entre l’humanisme socialiste et le fondamentalisme islamiste. Passionnant !

 

Jean Birnbaum, Un silence religieux, Seuil, 2016, 234 pages, 17€

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Actualités Recensions

L’art de la marche

Broché : 226 pages
Editeur : Editions Albin Michel (4 mai 2016)
Collection : LITT.GENERALE
Langue : Français
ISBN-10 : 2226326065
ISBN-13 : 978-2226326065
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 L’art de la marche

Ils sont de plus en plus nombreux à déguerpir, à fuir le monde bruyant et animé qui nous environne, pour marcher, s’emplir les poumons de l’air de la liberté. Que l’on soit pèlerin de Compostelle ou marcheur au long cours, c’est là le sentiment qui domine. S’affranchir du temps, de l’espace, des préoccupations journalières, il n’y a rien de mieux en matière de liberté. Lorsqu’il quitte Paris pour rejoindre une cabane située au fin fond de la Sibérie, c’est à l’accomplissement d’une liberté pleine et entière qu’aspire Sylvain Tesson. L’écrivain Olivier Bleys, qui livre son témoignage autour de L’art de la marche, est titillé par le même besoin. S’ajoute chez lui, semble-t-il, le goût de rompre la monotonie du quotidien en s’affligeant maux et tracas. L’auteur s’est donné comme défi de faire le tour du monde par étapes annuelles. Tous les ans, durant l’été, Olivier Bleys accomplit un périple de plusieurs centaines de kilomètres : d’Albi à Lyon, puis de Lyon à Alberville, d’Alberville à Andermatt en Suisse… Commencé à Albi, le récit qu’il livre ici s’achève en Hongrie, à quelques encablures de l’Ukraine. Dans un style délié, Olivier Bleys fait valoir ses talents de conteur… et de marcheur. Le périple qu’il accomplit, aussi loin que possible de la civilisation, atteste de réelles qualités physiques. Il s’avère que, même dans notre petite Europe, il est possible de vivre l’aventure. Pour ce faire, mieux vaut choisir de longues distances et préférer l’altitude et les sommets au cours plus rapide et plus sûr – mais plus encombré et plus pollué ! – que les vallées. Quand trouver de l’eau s’avère une tâche redoutable, le récit passionnant d’Olivier Bleys fait prendre conscience du confort qu’offre la civilisation.

Surgissent ici et là, cerise sur le gâteau d’un récit plein de panache, de pertinentes réflexions sur l’aménagement du territoire, pour dénoncer par exemple cette surenchère de panneaux, chicanes et dos d’âne qui défigurent nombre de nos villages. Un magnifique récit.

 

Olivier Bleys, L’art de la marche, Albin Michel, 2016, 227 pages, 16€

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Histoire Recensions

Une journée avec

Broché : 380 pages
Editeur : Perrin (4 mai 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262050708
ISBN-13 : 978-2262050702
Dimensions : 14,1 x 3,4 x 21,1 cm

 Une journée avec

Fruit du travail commun d’une quinzaine de collaborateurs, Une journée avec se donne pour objectif de décrire la journée type d’un homme ou d’une femme illustre, de Charlemagne à Elizabeth II d’Angleterre. Autant dire qu’avec un tel sujet le lecteur se trouve bien plus souvent dans le cabinet de travail, la chambre à coucher ou la salle à manger d’un roi ou d’un président que sur un champ de bataille  ou dans une réunion diplomatique. La quinzaine de contributions présentées dans ce livre, toutes plaisantes à lire, donne raison au célèbre adage de Napoléon affirmant que, pour un domestique, il n’y a pas de grand homme. Si d’apparence Une journée avec nous emmène volontiers dans la petite histoire, il n’en reste pas moins que celle-ci possède des liens solides avec sa sœur jumelle, la grande histoire. En effet, il n’est pas dit que les habitudes horaires, alimentaires ou autres d’un personnage de premier plan n’ont pas eu d’influence sur sa destinée. La façon qu’avait Napoléon Ier de travailler et de mener une journée en dit long sur le comportement qu’il eut jusque dans les grandes affaires : cette hâte, cette hyperactivité qui parfois s’apparentait à de la précipitation a pu gâter de très pertinentes intuitions. On pourra conseiller à nombre de nos contemporains, soucieux d’être sans cesse connectés, « La vie de caserne de Charles de Gaulle à l’Elysée ». L’article donne à voir un De Gaulle détestant le téléphone, un engin qui coupe le fil de votre conversation et oblige à reprendre plusieurs fois la même démonstration. Une mention particulière au « Dimanche ordinaire de François Mitterrand », portrait très savoureux.

Sur un thème original, conduit par des récits menés tambour battant, Une journée avec, s’il n’a pas la prétention de constituer un grand livre d’histoire, fait pénétrer le lecteur dans l’intimité des grands de ce monde, passé et présent. Ce faisant, il éclaire des personnalités et offre une vue originale sur leur cheminement intérieur.

 

Claude Quétel & Franz-Olivier Giesbert, Une journée avec, Perrin, 2016, 380 pages, 21€

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Recensions Témoignages

Un an dans la vie d’une forêt

Poche : 366 pages
Editeur : Flammarion (9 mars 2016)
Collection : Libres champs
Langue : Français
ISBN-10 : 2081375656
ISBN-13 : 978-2081375659
Dimensions : 17,8 x 1,5 x 10,9 cm

 Un an dans la vie d’une forêt

A l’instar des moines bouddhistes qui cherchent à contempler l’univers à partir d’un cercle de terre ou de sable appelé mandala, le biologiste américain David Haskell a voulu observer, au cœur de la forêt des Appalaches, à l’est des Etats-Unis, un mètre carré de verdure. Il a été poussé à faire cette expérience parce qu’il était convaincu « que l’écosystème forestier tout entier est visible sur une parcelle de la taille d’un mandala » (p. 8). Oui, il est possible, quand on est biologiste de chercher à comprendre une forêt par la contemplation d’un arbre ou d’un caillou, le vol d’un rapace, le ballet d’un écureuil. Tout devient objet d’examen, d’observation… et d’étonnement : la danse amoureuse des escargots, hermaphrodites comme chacun sait, le travail des fourmis, la gourmandise de ces milliards de minuscules insectes qui dévorent les feuilles tombées des arbres en automne, la façon dont les plantes se protègent d’un froid trop intense ou d’une brusque sécheresse… L’observation est ici d’une finesse et d’une méticulosité incroyables. Alors que le commun ne voit dans une salamandre qu’un animal, certes utile mais peu ragoutant, le biologiste s’extasie sur son système respiratoire, lequel permet à la salamandre (qui respire par la peau) « de se colleter avec ses proies sans devoir s’arrêter pour respirer. » (p. 68) L’architecture d’un arbre donne l’idée à l’auteur de voir quelles sont les ramilles qui, dans la courses qu’elles se livrent pour gagner de la lumière, échapperont à la mort. Mêmes les herbes les plus menues et les mousses les plus insignifiantes deviennent un objet d’étude. Dans le vaste théâtre de la nature, rien n’est là par hasard. Tout, y compris ce qui semble négligeable et infime, a son importance.

Hymne à la nature empli de poésie, remarquablement écrit et traduit, Un an dans la vie d’une forêt fait toucher du doigt la prodigieuse richesse et inventivité de la Création. Ce livre devrait être sur la table de chevet de tous ceux qui voient dans le progrès à tout crin la destinée ultime de l’espèce humaine. Notre avenir, dit D. Haskell, réside dans une communion étroite de l’homme avec la nature. Sachons la protéger ; il n’existe pas de terre de rechange.

 

David G. Haskell, Un an dans la vie d’une forêt, Champs Flammarion, 2016, 367 pages, 9€

 

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Actualités Recensions

Comprendre le malheur français

Broché : 378 pages
Editeur : Stock (9 mars 2016)
Collection : Essais – Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2234075416
ISBN-13 : 978-2234075412
Dimensions : 13,6 x 2,5 x 21,5 cm

 Comprendre le malheur français

Comprendre le malheur français fait partie de ces réflexions qui ont le mérite de mettre au centre la France, son présent et son avenir. Contrairement au pays officiel qui demeure dans la dénégation, Marcel Gauchet prend très au sérieux ce malheur français. L’introduction met d’emblée le lecteur dans l’ambiance. Pourquoi le Français, s’il se dit individuellement satisfait de son sort, ne parvient-il pas à considérer la situation avec la satisfaction qu’en attendent les élites ?  Si les Français continuent de broyer du noir, c’est en grande partie parce qu’ils ont un rapport particulier à la mondialisation. L’hypothèse principale du sociologue est que « la France a négocié dans de très mauvaises conditions le tournant de la mondialisation » (p. 9) Alors que les élites économiques et médiatiques ne voient aucun inconvénient à cette course à la marchandisation générale et à l’américanisation, le peuple considère avec inquiétude le déclassement qui touche le pays. Autrefois grande puissance, un temps épargné par le déclin grâce à la vision gaullienne de la souveraineté, le pays s’enfonce depuis une trentaine d’années dans la médiocrité et la consommation. Ce n’est pas seulement l’immigration de masse qui angoisse les Français, affolés à l’idée de voir le pays, ses mœurs, ses us et coutumes se perdre dans la globalisation. M. Gauchet insiste d’abord sur la notion de grandeur perdue, sur l’aveuglement de la classe politique et la déception due à l’échec de l’Europe. Le modèle français, essentiellement due à la puissance de la notion d’Etat-nation, est en train de s’effondrer, peu à peu remplacé par le nivellement et le relativisme dont les puissants font leur miel. Dans la leçon de réalisme qu’assène l’auteur, parmi les mensonges et supercheries qu’il met à jour, retenons ce qui, d’après lui, constitue le malentendu politique français. Celui-ci a une source principale : « Les élites françaises ne connaissent plus l’histoire de leur pays et ne s’en sentent plus solidaires. » (p. 24)

La démonstration assénée par Marcel Gauchet est rude, mais nécessaire à entendre. Il nous fait mesurer l’ampleur du décalage qui existe entre le peuple français et ceux qui, selon lui, l’ont mené à l’impasse. Pour beaucoup, le bonheur ne passe pas par le stade de l’homme nomade, citoyen du monde, formaté par la novlangue contemporaine.

 

Marcel Gauchet, Comprendre le malheur français, Stock, 2016, 371 pages, 20 €

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Histoire Recensions

Une histoire de la marche

Broché : 370 pages
Editeur : Perrin (3 mars 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262032521
ISBN-13 : 978-2262032524
Dimensions : 14 x 3,2 x 21,1 cm

 Une histoire de la marche

Le titre du livre d’Antoine de Baecque a toute son importance : il s’agit bien d’une histoire de la marche et non de l’histoire de la marche. Ce choix explique les nombreux blancs, ce que l’historien, pour des raisons qui lui appartiennent, ne dit pas. Rien, par exemple, sur les fabuleuses conquêtes d’Alexandre le Grand qui a fait parcourir à ses troupes – aller et retour – la distance qui part de la Grèce propre pour s’achever en Inde. S’il s’arrête un peu sur les itinéraires parcourus par le peuple hébreu ou les nomades du Grand Nord, ce qu’il y a d’historique dans cette histoire concerne essentiellement la conquête des Alpes par les marcheurs (ah ! le beau GR 5 qui va de Nice à Chamonix) et alpinistes. C’est au XIX° siècle que la marche devient un agrément physique, voire un sport. Jusques là, les grands marcheurs l’étaient par obligation, pour fuir un danger, par nécessité professionnelle et ainsi de suite. Dans la première moitié du XX° siècle, l’émergence du temps libre et des loisirs, le scoutisme ou le besoin d’aventure vont mettre tout un peuple de marcheurs sur des chemins dont des pionniers tracent les itinéraires (les chemins de Grande Randonnée voient leur tracé balisé au tout début des années 1950). En fin d’ouvrage, Antoine de Baecque rappelle que marcher signifie aussi s’engager et manifester. On ne compte plus, de Gandhi à Martin Luther King, les manifestations prenant la marche comme forme. La marche est aussi volonté de résister ou d’échapper à la destruction (Mao et la Grande Marche).

La marche ne se réduit pas à un exercice physique, elle va bien au-delà. L’auteur rapporte les propos de Pascal Picq, auteur de La marche. Sauver le nomade qui est en nous : « L’être humain est un bipède, un animal qui marche. Et c’est avec la marche que la pensée prend forme. » Ce point de vue original est souligné à satiété par Antoine de Baecque. Marcher fait partie d’un art de vivre, marcher aide à penser, à voir le monde différemment, découvrir des espaces inconnus, se construire une vie intérieure. L’effort des civilisations a été de sédentariser l’homme ; n’était-ce pas trop demander à celui qui marche debout ?

 

Antoine de Baecque, Une histoire de la marche, Perrin, 2016, 373 pages, 22 €

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Recensions Religion

L’avenir de Dieu

Broché : 286 pages
Editeur : CNRS (1 octobre 2015)
Collection : HISTOIRE
Langue : Français
ISBN-10 : 2271086671
ISBN-13 : 978-2271086679
Dimensions : 22 x 2,3 x 14 cm

 L’avenir de Dieu

Un livre signé Jean Delumeau suscite toujours l’intérêt. Sans déroger à cette règle, L’avenir de Dieu se signale par un autre caractéristique. Aujourd’hui âgé de 93 ans, Jean Delumeau évoque la possibilité que cet ouvrage soit son dernier. C’est la raison pour laquelle il s’attache ici à revenir sur les aspects principaux de son œuvre, les domaines dans lesquels il a poussé le plus loin sa recherche. Jeune historien, Jean Delumeau s’est intéressé au départ à l’alun de Rome, cette matière naturelle permettant aux teinturiers du Moyen Age finissant et de la Renaissance de fixer les couleurs. Puis, de fil en aiguille, un peu par hasard, il va s’intéresser à ce qui va constituer son grand œuvre, l’histoire des mentalités religieuses dans l’Occident médiéval dont il occupera la chaire au Collège de France. Si le champ d’exploration de l’auteur concerne les siècles passés, il n’en reste pas moins que l’emprunte de l’évolution des mentalités religieuses connaîtra une influence qui résonnera durant les siècles postérieurs. Certaines explications données par J. Delumeau demeurent encore d’actualité, par exemple pour expliquer la déchristianisation. L’image d’un Dieu punisseur et vengeur, dont on trouve encore des traces au début du XX° siècle, explique-t-elle en partie la rapidité de la déprise du christianisme dans nos sociétés ? Si on suit l’historien, c’est très possible. De même l’iconographie de la Vierge au grand manteau constitue-t-elle l’élément le plus visible du système d’assurance que s’était donné un peuple chrétien angoissé par son salut. L’avenir de Dieu est aussi l’occasion de revenir sur un de ses ouvrages phares, La peur en Occident, afin d’en distinguer initiateurs et destinataires. La diffusion de la peur fut davantage perçue dans les classes privilégiées et les prédicateurs lui attribuèrent une importance excessive. On sait que la peur ne suffit pas, loin de là, à faire des croyants conséquents. Autres chapitres passionnants, ceux concernant la localisation du paradis, paradis que les aventuriers, à commencer par Christophe Colomb, se faisaient fort de dénicher.

Pour modeste qu’il soit dans sa pagination par rapport à des livres comme Le péché et la peur, L’avenir de Dieu possède la pertinence des meilleures synthèses : raconter l’essentiel de façon simple et en peu de pages. Pari tenté et pari réussi !

 

Jean Delumeau, L’avenir de Dieu, CNRS Editions, 2015, 286 pages, 24€