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Histoire Recensions

Histoire du monde – Les âges anciens : Tome 1

Broché : 450 pages
Editeur : Perrin (14 janvier 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262047162
ISBN-13 : 978-2262047160
Dimensions : 16,8 x 3,8 x 24,1 cm

 Histoire du monde – Les âges anciens

Bien des historiens ont essayé, avec des fortunes diverses, de raconter l’histoire du monde de la façon la plus limpide et la plus synthétique possibles. En trois volumes d’environ 500 pages, John Roberts et Odd Westad ont réalisé un fabuleux travail, une synthèse aboutie consistant non pas à « écrire en continu l’histoire de tous les principaux pays », mais de chercher les lignes de faîte de l’histoire mondiale ainsi que les événements ayant durablement influencé l’espèce humaine. « J’ai cherché, disait John Roberts, à mettre l’accent sur ce qui semblait important, plutôt que ce sur quoi nous étions les mieux informés. » (p. 15)  Les deux premiers chapitres, le premier intitulé « Les fondations » et le second « Au seuil de la civilisation », récapitulent la méthode adoptée par les auteurs. Il ne s’agit pas d’empiler des dates, des événements et des lieux, mais d’observer la façon dont, lentement, les sociétés humaines vont se mettre en place, pierre après pierre. Tout cela pour arriver à des conclusions mûrement réfléchies, soigneusement pesées ; ainsi à la page 39 : « Quelque hcose qui ressemble à une véritable société se met à prendre obscurément forme à l’occasion de ces entreprises collectives compliquées que sont les expéditions de chasse. » Les deux historiens cherchent, soupèsent, observent, vérifient la lente émergence des sociétés humaines depuis les temps les plus reculés. L’émergence des civilisations est analysée avec une incomparable minutie, la naissance de l’agriculture puis, plus tard, de l’écriture, en sont les marqueurs les plus significatifs. Le projecteur est ensuite braqué sur la Mésopotamie, berceau des civilisations. Plus tard viendront l’Egypte ancienne, Babylone, la singulière odyssée du peuple hébreu, l’aventure grecque, le monde romain… sans oublier l’Inde et la Chine, des mondes ayant leurs caractères propres. L’émergence de plusieurs foyers de civilisations a tendance à donner raison à l’abbé Breuil, le préhistorien français, lequel avait coutume de dire que l’humanité n’avait probablement pas qu’un seul berceau.

Ce livre, fruit d’intelligences remarquables, est une mine. Plutôt que de noyer le lecteur sous des monceaux d’informations, il cherche à éclairer l’histoire des hommes en ce qu’elle a d’essentiel. Dans cette synthèse magistrale, tout paraît important. Un tel livre ne peut être lu que dans le plus grand silence, un crayon à la main. Prodigieux !

 

John Roberts & Odd Westad, Histoire du monde. Les âges anciens, Perrin, 2016, 450 pages, 22€

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Histoire Recensions

La vie quotidienne au Moyen Age

Broché : 379 pages
Editeur : Perrin (23 avril 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262041199
ISBN-13 : 978-2262041199
Dimensions : 21 x 3,3 x 14 cm

  La vie quotidienne au Moyen Age

Depuis les travaux d’une Régine Pernoud et d’un Jacques Le Goff, une certaine image du Moyen Age tend à s’estomper. A la vision sanglante et sordide qu’avait imposée un Michelet ou un dessinateur comme Gustave Doré fait aujourd’hui pièce un monde plus accord avec la réalité. Le Moyen Age, c’est l’Inquisition et les Croisades, mais c’est aussi l’amour courtois, le moulin à roue et la sauvegarde du legs antique dans les monastères. Les historiens s’attachent trop aux événements politiques, diplomatiques et culturels d’une période. Ce faisant, n’avaient-ils pas tendance à oublier ce qui fonde la société, ce qui la charpente dans ses unités les plus petites, lui permettant de faire corps ? Rien de tel que d’étudier la vie quotidienne dans ses composantes les plus diverses : comment l’homme médiéval s’habillait-il, se chauffait-il, se distrayait-il, se soignait-il, mourait-il et ainsi de suite ? En de courts chapitres, agréables et faciles à lire, Jean Verdon réussit à donner un visage aux hommes et aux femmes de ce temps, bien loin des images d’Epinal forgées par l’historiographie d’autrefois. Vu le sujet, cette Vie quotidienne apparaît très factuelle. Mais l’auteur n’a pas oublié de prendre un peu de recul. Certaines de ses observations paraissent particulièrement frappantes. J’ai noté celles-ci : que l’homme médiéval était moins sensible que nous au temps qui passe, et que « la soumission à la nature, la croyance en un au-delà ont peut-être permis à l’homme médiéval d’acquérir, malgré une existence plus courte que la nôtre, une certaine sagesse que nous ne possédons plus. » (p. 372)

Le livre foisonnant de Jean Verdon ravira le lecteur désireux de découvrir ou de redécouvrir la période. Quant au lecteur affûté, il pourra trouver à redire. En effet, tâcher d’embrasser un temps long de dix siècles en des chapitres variés et courts ne permet pas d’aller au fond des choses. Se distraire, voyager ou se nourrir, qu’on ait vécu sous Charlemagne ou Louis XI, devaient relever de pratiques différentes. Au sein de l’immense Moyen Age il en existait beaucoup de petits. Ce petit bémol ne doit toutefois pas dissimuler le bonheur de la découverte.

Jean Verdon, La vie quotidienne au Moyen Age, Perrin, 2015, 379 pages, 21€

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Actualités Recensions

Ce pays qui aime les idées

Broché : 480 pages
Editeur : FLAMMARION (26 août 2015)
Collection : Au fil de l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2081303531
ISBN-13 : 978-2081303539
Dimensions : 24,1 x 3 x 15,4 cm

 Ce pays qui aime les idées

Professeur à Oxford, francophile, Sudhir Hazareesingh continue de se passionner pour la vie littéraire et l’histoire politique de notre pays. Il est vrai que les deux ont souvent connu des relations passionnées et tumultueuses. Ce n’est pas la première fois qu’un intellectuel étranger est fasciné par l’intérêt, voire l’amour, que les Français portent pour les idées. Il n’est pas inintéressant de constater qu’il y a quelques décennies la France avait le parti communiste le plus puissant d’Europe occidentale et que, à l’opposé de l’échiquier politique, le mouvement royaliste L’Action Française berçait les illusions monarchistes de centaines de milliers de nos compatriotes. Dans l’Entre-Deux-Guerres Maurice Chevalier avait chanté la diversité des appartenances politiques des Français, suggérant ainsi que le pays n’était pas encore remis de ses dissensions : « Le colonel était d’Action Française, Le commandant était un modéré, Le capitaine était pour le diocèse, Et le lieut’nant boulottai du curé… » L’efflorescence d’idées, qu’elles soient politiques, artistiques ou littéraires, amuse l’auteur. En tout cas, elle suscite suffisamment son intention pour que ce dernier publie ce qu’il qualifie d’Histoire d’une passion française. Peuple autrefois littéraire, les Français n’ont jamais caché leur intérêt pour la bataille d’idées. L’auteur a retenu une dizaine de domaines dans lesquels s’est exercée cette passion nationale ou qui, à l’image du premier chapitre, montre ce paradoxe très français : on se flatte d’être cartésien, d’honorer Descartes, son Cogito et sa rigueur logique mais, en même temps, on s’enthousiasme pour les apôtres du structuralisme et de la déconstruction. Qu’ont de commun l’esprit de finesse et de géométrie des âges classiques avec l’embrigadement dans les ligues patriotiques des avant-guerres et l’aveuglement d’une grande part du peuple de gauche à l’endroit du Petit père des peuples ? Sudhir Hazareesingh clôt son ouvrage sur la domination d’une vision décliniste de la France donnée par Alain Finkielkraut ou Eric Zemmour, terriblement éloignée des visions futuristes des socialistes utopiques du XIX° siècle. Etrange pays que le nôtre, remarque l’auteur, hanté par le souvenir de ses luttes picrocholines et soucieux par son aspiration à l’universel. Passionnant !

 

Sudhir Hazareesingh, Ce pays qui aime les idées, Flammarion, 2015, 469 pages, 23.90€

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Actualités Recensions

Le marché n’a pas de morale

Broché : 159 pages
Editeur : Cerf (6 novembre 2015)
Collection : ACTUALITE
Langue : Français
ISBN-10 : 2204105473
ISBN-13 : 978-2204105477
Dimensions : 21 x 1,3 x 13,5 cm

 Le marché n’a pas de morale

Comment faire société lorsque le projet commun fait défaut et que le pays n’est plus qu’un ramassis de communautés juxtaposées qui s’ignorent ? Dans cet ouvrage dense et tonique, Mathieu Detchessahar dresse un tableau sans complaisance de la société française contemporaine. D’où proviennent ces délitements ? Pour l’auteur, la racine de ces fractures est à chercher du côté de ce qu’il appelle « les échecs du projet de société de marché » (p. 19) En même temps qu’elle déconstruisait l’ordre ancien, la société de marché proposait « une nouvelle idole, une ultime sacralité : l’abondance matérielle comme horizon de tous nos besoins et solution à tous nos maux. » (p. 20) Autrement dit, le tout économique a tellement désenchanté le monde qu’il nous est devenu difficile de faire société. Le problème, c’est que l’augmentation du niveau de vie ou la hausse du PIB ne font pas un projet collectif. Au contraire, ils nuisent à ce dernier en ce qu’ils provoquent le repli sur soi. Cela ne revient pas à dire que la société de marché n’a pas de morale. Au contraire, elle s’adosse aux modes et mouvements culturels véhiculés par l’ordre libertaire, c’est-à-dire des droits de l’homme non bordés, suite de revendications de type sociétal visant à satisfaire les ego. Dans cette optique, il convient de balayer tout ce qui pourrait rappeler l’ordre ancien, du socialisme utopique au catholicisme. Problème, le culte inouï porté à la tolérance et à la liberté absolue entraîne des corollaires corrosifs pour les liens sociaux : relativisme culturel, culte du moi et horizontalité marchande sont par nature incapables de porter un projet susceptible d’entraîner l’adhésion de la majorité. L’illustration de cette société flottante se traduit dans le modèle des très grandes sociétés, géants mondialisés devenus, aux dépens des Etats, « des autorités centrales de la société de marché. » (p. 52) Désormais, c’est la très grande entreprise qui dit le bien, position illusoire car son objectif premier est de remplir les poches des actionnaires.

Dans ce livre pessimiste, Mathieu Detchessahar montre avec brio que la seule logique marchande ne fonde pas un projet de société. Elle fait même tout le contraire. Pour contrer ses effets délétères, il faudrait refaire de la politique, c’est-à-dire réfléchir sur le sens de la vie, sur l’homme et ses fins. Il y a urgence !

 

Mathieu Detchessahar, Le marché n’a pas de morale, Cerf, 2015, 160 pages, 14€

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Biographies Recensions

Isaac Babel

Broché : 343 pages
Editeur : Perrin (2 septembre 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262040168
ISBN-13 : 978-2262040161
Dimensions : 21,1 x 2,9 x 14,2 cm

 Isaac Babel

La littérature russe ne s’est pas éteinte avec la révolution de 1917. Gorki, Mandelstam, Pasternak et Soljenitsyne figurent au panthéon des grands écrivains russes dont les œuvres les plus fortes ont paru à l’époque de la tyrannie stalinienne ou lors de la glaciation brejnévienne. Parmi ces auteurs, Isaac Babel occupe une place singulière. Moins, au départ, pour son œuvre écrite que pour sa carrière. Ayant adopté les idées révolutionnaires en rétorsion des pogroms auxquels se livraient régulièrement les autorités tsaristes, Babel rejoint le camp de la révolution dès 1917. A l’instar de nombreux juifs, il se prend de sympathie pour une révolution qui, il l’espère, rendra la vie moins rude à ses compatriotes et à ses coreligionnaires. En 1920, il accompagne l’armée de cavalerie qui doit s’emparer de Varsovie, lors de la guerre entre la Pologne et le jeune Etat soviétique. De cette chevauchée, il en tirera une œuvre mondialement connue : L’armée de cavalerie, œuvre par la suite plus connue sous le titre de Cavalerie rouge. L’œuvre montre toute l’ambivalence qui est celle de nombreux intellectuels ayant embrassé la cause communiste : une sorte de sympathie critique, une ligne de crête sur laquelle, le régime se durcissant, il devient de plus en plus difficile de se tenir debout. Sur le plan littéraire, Cavalerie rouge dévoilait un style puissant. Sur le plan idéologique, la cause semblait plus difficile à entendre et à défendre. En effet, avec Cavalerie rouge, dit l’auteur, « Babel fait preuve d’un insolent aplomb en baptisant de la sorte une brassée de récits où le lecteur ne trouvera ni l’histoire de cette armée, ni la description de ses régiments, ni un catalogue de ses prouesses. » (p. 106) Chose étonnante, une grande partie de la vie de l’écrivain se déroula entre Moscou et Paris. Babel entretint des liens étroits avec les deux André, Gide et Malraux. Lors des Grandes Purges (1937-1938), le couperet ne tarda pas à s’abattre sur l’auteur de Cavalerie rouge. Son œuvre était jugée « d’une valeur artistique indéniable, mais sans rien de prolétarien » (p. 114). Gorki mort, il n’y avait plus personne pour défendre un romancier qui avait souvent flirté avec la liberté de pensée car, s’il épousait la plupart des convictions communistes, Babel tenait à garder son esprit critique. Cette liberté de ton ne devait pas tarder à être payée comptant : Babel fut fusillé en 1940.

 

Adrien Le Bihan, Isaac Babel, Perrin, 2015, 343 pages, 22€

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Recensions Religion

La « famille chrétienne » n’existe pas : L’Église au défi de la société réelle

Broché : 220 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (2 septembre 2015)
Collection : SPIRITUALITE
Langue : Français
ISBN-10 : 2226316361
ISBN-13 : 978-2226316363
Dimensions : 19 x 1,6 x 12,5 cm

 La « famille chrétienne » n’existe pas

Habitué aux travaux bibliques, André Paul a laissé la théologie pour s’intéresser de près au synode romain de 2014 et 2015 consacré à la famille. Le catholique qu’il est regrette que les pères synodaux n’aillent pas suffisamment loin dans leur souci de réforme, notamment en ce qui concerne l’accueil des personnes divorcées-remariées et homosexuelles. La faute, selon lui, à cette très vieille idée selon laquelle il existerait une « famille chrétienne », une famille type, idéale, réunissant en son sein idéal de vie, grâce et sainteté. Or, nous dit l’auteur, cette famille hors-sol, chimérique et fantasmée, n’existe tout simplement pas. Notant le désir du pape François et de certains évêques de dépoussiérer des pratiques ecclésiales qui font trop la part belle à une discipline qu’il juge surannée, André Paul regrette le poids que continue de faire peser sur les pratiques pastorales une morale hantée par le péché et le sexe. Après avoir dénoncé cette famille irréelle souhaitée par l’institution ecclésiale, André Paul reproche à cetet dernière d’accorder trop d’importance au sexe, pas assez à l’amour, oubliant au passage que Jésus a combattu le modèle de la famille antique dans laquelle l’épouse pouvait être répudiée au moindre saute d’humeur de son mari. Cet éloignemnet de l’Evangile, il le retrouve dans le ton de certaines déclarations officielles où l’empathie et la compréhension cèdent la place à la commisération.

A travers les paroles dures qu’il adresse à l’institution, l’auteur ne fait rien d’autre que souhaiter une approche plus sympathique de l’Eglise à l’égard de la société. L’évangélisation ne gagnera rien de condamnations et stigmatisations. Dans son essai trop court, on regrettera que l’éminent bibliste fasse fi des éléments canoniques et historiques qui ont assuré la stabilité du mariage en Occident. Les choses ne sont jamais simples. Le souci très louable de l’auteur eut été mieux servi s’il avait consenti à regarder l’œuvre de grands anciens comme Jean Gaudement et Gabriel Le Bras, deux spécialistes du mariage aujourd’hui décédés et dont les travaux mettent en lumière la complexité de l’édification du sacrement de mariage, clé de voûte de la famille durant des siècles.

 

André Paul, La « famille chrétienne » n’existe pas, Albin Michel, 2015, 208 pages, 15€

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Histoire Recensions

Le retour du général de Gaulle

Broché : 478 pages
Editeur : Perrin (21 mai 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262049858
ISBN-13 : 978-2262049850
Dimensions : 21 x 3,5 x 14,2 cm

 Le retour du général de Gaulle

Après les livres torrentiels d’Eric Roussel et Jean Lacouture, sans oublier ceux de Michel Tauriac et de tant d’autres, on peut à bon droit se demander ce que peut apporter un énième livre consacré à Charles de Gaulle. Cependant, comme le livre de Georges Ayache porte sur une période plutôt sombre de l’histoire gaullienne et qu’il est écrit avec panache, il vaut la peine de s’y pencher. Le retour du général de Gaulle revient, bien sûr, sur le mouvement du 13 mai, c’est-à-dire la canalisation politique par les gaullistes de la grave crise qui couve à Alger, l’armée et ses chefs étant prêts à faire sécession. Cet état de quasi-insurrection des Français d’Algérie, soutenus par une partie de l’Armée, servit les intérêts du général de Gaulle qui, au bout du compte, n’eut qu’à cueillir un pouvoir à bout de souffle. On connaît la suite, la fin d’une IV° République totalement discréditée et l’émergence d’une république nouvelle, la V°, et d’une constitution dont la finalité est de mettre fin au régime des partis et de restaurer l’indépendance et l’intégrité de l’Etat. Quelques temps plus tard, les Français accordent leurs suffrages et leur confiance à celui qui avait restauré la grandeur de la nation. Au fond, le plus intéressant dans l’ouvrage de Georges Ayache concerne ce que l’on appelé la « traversée du désert ». Une figure aussi impressionnante et noble n’était pas faite pour la routine et la médiocrité du quotidien (« Si j’étais député, vous me voyez demander la parole à Edouard Herriot ! »). Ce récit remarquablement vivant introduit le lecteur dans l’intimité d’un homme confronté à la monotonie de l’existence, loin du pouvoir et de l’ivresse qu’il procure. Pour paraphraser l’homme du 18 juin, on peut dire que de Gaulle était né pour faire l’Histoire, pas pour la regarder. Ces années 1950, de Gaulle les vit dans le doute, l’outrance et parfois le découragement. Le retour… permet de redécouvrir un homme faillible et vulnérable.

Marquant sa sympathie pour ce personnage hors norme, Georges Ayache délivre un beau et grand texte, plein d’humour et de verve. Cerise sur le gâteau : le récit est parsemé de ces anecdotes pittoresques dans lesquelles s’exerce l’humour vachard de Charles de Gaulle. Une belle réussite que ce Retour !

 

Georges Ayache, Le retour du général de Gaulle, Perrin, 2015, 478 pages, 22.90€

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Histoire Recensions

La grande défaite (1870-1871)

Broché : 414 pages
Editeur : Perrin (2 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262032459
ISBN-13 : 978-2262032456
Dimensions : 24 x 3 x 15,5 cm

 La grande défaite (1870-1871)

Durant des décennies, la Guerre de 1870 a été un peu oubliée. Il est vrai que le souvenir des deux immenses conflits mondiaux a rendu assourdissants les échos de ces pages noires de notre histoire. Alain Gouttman, déjà auteur d’un ouvrage remarqué sur la guerre de Crimée, s’est donné pour tâche de revisiter ces terribles journées d’août et de septembre 1870. Ayant à sa tête un Napoléon III malade et affaibli, miné par les divisions, le pays s’est enfoncé depuis quelques années dans une douce léthargie. Lorsque l’orage menace, c’est-à-dire lorsque la Prusse de Bismarck montre ses crocs, les Français sont englués dans leurs dissensions et autres picrocholines zizanies. Quant à la diplomatie, outil majeur dans l’Europe de ce temps, elle est en piteux état et c’est avec une rouerie consommée que Bismarck va se jouer de son amateurisme. Bref, résume l’auteur : « En 1870, la démagogie était à la barre et c’était elle, au premier chef, qui entraînait la France à l’abîme. » (p. 142) L’idée de l’auteur n’était pas de donner une histoire suivant de près la chronologie des événements qui vont amener la défaite, la naissance de la Commune puis son écrasement par les troupes de Monsieur Thiers ; bien d’autres ouvrages, tout à fait excellent comme celui de François Roth, ont déjà donné une exacte description de ces jours sombres pour les couleurs nationales. A travers les défaites diplomatiques et militaires qui marquent la deuxième partie de cette année 1870, Alain Gouttman entend démontrer que « la grande défaite » était inéluctable, la somme des erreurs et lâchetés des dernières années du règne de Napoléon III devant être soldées. Les déchirures de la société ont exercé sur la nation une influence délétère qui, fatalement, devait être sanctionné par une défaite aussi sévère que soudaine. On songe, ici, au Henri V de Shakespeare : « Demain, dans la bataille, le roi portera les péchés de son armée. » Lorsqu’une nation connaît une défaite, c’est généralement qu’un faisceau de circonstances devait fatalement l’y mener. Une belle réflexion sur la fragilité et la puissance des nations.

 

Alain Gouttman, La grande défaite (1870-1871), Perrin, 2015, 414 pages, 24.90€

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Histoire Recensions

La Seconde Guerre mondiale

Broché : 571 pages
Editeur : Perrin (29 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262034508
ISBN-13 : 978-2262034504
Dimensions : 24,2 x 3,6 x 15,6 cm

 La Seconde Guerre mondiale

Ecrire une histoire du second conflit mondial, très accessible, pas trop volumineuse et intégrant les données les plus récentes de l’historiographie, tel est le pari tenté et réussi par Claude Quétel. « Jusqu’à ce jour, indique la présentation de l’ouvrage, seuls trois grands historiens anglo-saxons ont relevé le défi avec succès : John Keegan, Liddel Hart et plus récemment Anthony Beevor. Trop partisans ou fragmentaires, les Français ont échoué en dépit de plusieurs tentatives. » Bien sûr, vu la taille de l’ouvrage, l’amateur n’apprendra rien de nouveau ; il s’apercevra toutefois que les données mises en œuvre par l’auteur sont remarquables de fiabilité. Quant au néophyte, il n’aura rien à reprocher à un ouvrage qui n’omet aucun des aspects du conflit. Si les événements militaires tiennent naturellement le haut du pavé, tout ce qui concerne les aspects économiques, politiques et démographiques n’est pas oublié. Avec un style efficace et délié, Claude Quétel mène son récit tambour battant. Dès le prologue de la vingtaine de pages passé, le voilà qui attaque en fanfare la campagne de Pologne (1939), puis celle de France (1940), la bataille d’Angleterre, etc.

En auteur averti et passionné, Claude Quétel n’omet pratiquement rien des dernières découvertes réalisées par d’éminents spécialistes de cette période comme David Glantz ou Thomas Weber. Des passages cinglants permettent de remettre certaines pendules à l’heure. Par exemple, contrairement à la thèse véhiculée par Karl Heinz Freizer, la Blitzkrieg associant le tandem char – avion qui va conduire à la déroute des armées alliées en mai-juin 1940 n’est pas l’aboutissement fortuit d’une rencontre de hasard. Autre exemple : l’insistance mise par les Allemands à fabriquer des armes de pointe, les meilleurs dans leur catégorie comme le char Tigre. Cette obstination constitua une erreur dans la mesure où les armes alliés, moins sophistiquées mais plus robustes, étaient plus faciles à fabriquer. L’auteur revient également à plusieurs reprises sur l’importance de la personnalité d’Hitler, absolument décisive. Sans le dictateur nazi, la guerre aurait-elle été aussi longue et implacable ? Enfin, des cartes simples et claires permettent de se faire une idée exacte des principales opérations militaires. Du beau travail !

 

Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2015, 571 pages, 23.90€

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Recensions Religion

Comprendre et vivre la liturgie

Broché : 306 pages
Editeur : Presses de la Renaissance (19 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2750909058
ISBN-13 : 978-2750909055
Dimensions : 18 x 1,9 x 12 cm

 Comprendre et vivre la liturgie

Combien de fois nous arrive-t-il de nous rendre à la messe dominicale l’esprit ailleurs, préoccupés que nous sommes par les soucis de la semaine écoulée, guettant les joies et les difficultés possibles des temps à venir ? Autrement dit, c’est plus souvent qu’à notre tour que nous nous rendons le dimanche à l’église sans être véritablement partie prenante – et surtout partie priante ! – de la liturgie. Nous croyons comprendre les gestes et paroles du célébrant, depuis le temps, n’est-ce pas ! En fait, c’est souvent une fausse idée de la liturgie que nous avons intériorisée. Sommes-nous en mesure de comprendre les signes et symboles que nous offre la prière de l’Eglise ? Un peu de pédagogie dans ce domaine serait le bienvenu. C’est la raison pour laquelle il faut saluer comme un don du Ciel le petit livre de Xavier Accart, rédacteur en chef du mensuel Prier. Comment participer à la liturgie ? L’auteur se risque à prendre parti : non pas des gestes dont la succession se ferait automatiquement de semaine en semaine, mais « dans l’intériorisation des mystères célébrés sous le voile des symboles » (p. 21). En cinq parties, au moyen de chapitres brefs et clairs, l’auteur visite l’ensemble des signes et symboles qui fonde l’action liturgique. Les lieux, les sens et le temps sont au cœur du culte rendu à Dieu dans les églises. Il faut se laisser saisir par la signification profonde des lieux et des choses. Ainsi l’église n’est pas qu’un bâtiment. Elle a été édifiée selon une certaine orientation, elle propose un itinéraire spirituel qu’il faut savoir déchiffrer, le siège de présidence permet à l’officiant de se reposer mais pas seulement. Quant à l’ambon, l’autel ou le tabernacle, leur présence est constitutive du cœur de la source et sommet des sacrements qu’est l’eucharistie.

Grâce à ses talents pédagogiques, Xavier Accart parvient à « montrer à quel point la liturgie catholique et le creuset d’une vie spirituelle personnelle, authentique et féconde. » On se prendrait presque à regretter que le dimanche, de temps à autre, le prêtre ne prenne pas du temps pour expliquer le sens de rites et de symboles dont la signification échappe au plus grand nombre. Un outil simple et clair pour mieux vivre et comprendre la liturgie.

 

Xavier Accart, Comprendre et vivre la liturgie, Presses de la Renaissance, 2015, 306 pages, 12.90€