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Actualités Recensions

La France périphérique

Broché : 192 pages
Editeur : FLAMMARION (17 septembre 2014)
Collection : DOCUMENTS SC.HU
Langue : Français
ISBN-10 : 2081312573
ISBN-13 : 978-2081312579
Dimensions : 21 x 1,5 x 13,4 cm

 La France périphérique

Comment se fait-il que les Français aient tant de mal à faire société, comme si le ressort de l’appartenance collective était définitivement brisé ? Que s’est-il passé ? Comment en est-on arrivé là ? Christophe Guilluy, auteur du remarquable Fractures françaises, a décidé de relever le gant et de pointer les mauvais génies qui ont rendu si difficile l’unité du pays. Les Français se sont-ils rendus compte que le monde avait à ce point changé ? Les raisons sont nombreuses mais, à lire Christophe Guilluy, il y en a une qui l’emporte nettement sur les autres : la mondialisation. Son rouleau compresseur a fracturé la société française. A côté des grandes métropoles liées à la mondialisation heureuse, là où se créé la richesse, où vivent les décideurs économiques et politiques, il y a cette France périphérique des petites villes et du monde rural. Une France qui peine à boucler ses fins de mois, touchée qu’elle est par les plans sociaux et le chômage de masse, assignée à résidence pour des raisons foncières, inquiète de ne plus avoir son sort entre les mains, angoissée à l’idée de ne plus reconnaître le pays dans lequel elle a grandi, tourmentée par l’idée de devenir minoritaire chez elle. « La véritable fracture, souligne C. Guilluy, n’oppose pas les urbains aux ruraux, mais les territoires les plus dynamiques à la France des fragilités sociales. » (p. 24) Pour l’auteur, il ne faut pas se faire d’illusion, le mal est fait et il est désormais trop tard pour espérer suturer les plaies qui se sont ouvertes durant les dernières décennies. Le pire, c’est que la société culturelle promue par les élites a été imposée en dehors de toute voie démocratique. Quand les bobos de Saint-Germain-des-Prés promeuvent le cosmopolitisme, c’est la France des bonnets rouges qui trinque. Dans ce pays qu’elles ne reconnaissent plus tout à fait, les classes populaires « construisent, dans l’adversité, seules et sans mode d’emploi, cette société multiculturelle. » (p. 78) Et lorsque les banlieues bénéficient des millions d’euros liés à la politique de la ville, la France périphérique est livrée à elle-même. Et l’on s’étonne ensuite de la montée du Front National dans les urnes !

 

Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion, 2014, 185 pages, 18 €

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Histoire Recensions

La guerre de Sept Ans (1756-1763)

Broché : 670 pages
Editeur : Perrin (22 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262035296
ISBN-13 : 978-2262035297
Dimensions : 24 x 4,2 x 15,4 cm

 La guerre de Sept Ans (1756-1763)

La toute première guerre mondiale a duré sept ans, elle a concerné les principales puissances européennes, s’est déroulée sur trois continents et a eu des conséquences qui ont persisté pendant plus d’un siècle. Cette guerre, c’est la guerre de Sept Ans, ouverte en Amérique du Nord, entre Anglais et Français alors que les Etats-Unis n’existent pas encore. Il s’agit au départ, selon les mots de l’auteur d’ « une guerre essentiellement européenne dont l’enjeu fondamental consiste en une énième mise à jour de l’équilibre des puissances » (p. 11) Cette guerre, racontée dans le détail et avec maestria par Edmond Dziembowski, eut des conséquences qui, quelque deux cent cinquante après, comptent encore dans l’ordre du monde. En effet, c’est de ce conflit que datent l’émergence de la prépondérance britannique qui verra son triomphe au XIX° siècle, la naissance du patriotisme chez les grandes puissances, l’importance des guerres périphériques, etc. Récit total et complet, c’est comme cela que se présente un livre que les créateurs des grandes collections d’autrefois – par exemple Halphen et Sagnac – auraient très certainement apprécié. A l’image de la vastitude de ce conflit, le livre d’E. Dziembowski est remarquable par la diversité des sources utilisées. Non seulement aucun aspect de cette guerre n’est évacué mais, de surcroît, l’auteur renouvelle les vues traditionnelles que l’on pouvait avoir sur cet événement majeur. Par exemple, contrairement à l’image généralement véhiculée, les batailles qui se sont déroulées en Europe, et qui impliquaient Prussiens, Autrichiens, Français et Russes ont été particulièrement sanglantes, que ce soit Prague, Kolin ou Zorndorf. On est loin du charme suranné prêté souvent à la guerre en dentelles. Enfin, l’auteur s’attache à placer le conflit dans le cadre immense qui a été le sien, d’où le nombre de pages assez considérable qu’il accorde à la guerre en Amérique du Nord et en Inde. En ce sens, par bien des aspects, la guerre de Sept ans préfigure notre temps, celui de la mondialisation.

 

Edmond Dziembowski, La guerre de Sept Ans (1756-1763), Perrin, 2015, 670 pages, 27 €

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Actualités Recensions

Chine, l’âge des ambitions

Broché : 493 pages
Editeur : Editions Albin Michel (25 mars 2015)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10 : 2226312625
ISBN-13 : 978-2226312624
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Chine, l’âge des ambitions

Ayant passé plusieurs années en Chine, Evan Osnos livre un portrait saisissant d’un pays en pleine mutation. A travers une série de portraits de Chinois (artistes, internautes, etc.) qu’il a fréquentés durant son séjour, Evan Osnos raconte la Chine d’aujourd’hui, un pays qui vient de connaître de formidables changements en peu de temps. Dans une première partie, l’auteur décrit la réalité du boom économique, avec tout ce qu’il a de vertigineux, ses aspects positifs (par exemple l’accroissement du niveau de vie) et négatifs comme la montée de l’égoïsme et de l’individualisme. Pays paradoxal mélangeant économie de marché et dictature du Parti unique, sa situation génère une opposition qui se manifeste essentiellement sur le net. Comment un pays aussi ouvert sur le monde peut-il poursuivre à censurer et à museler ses opposants ? En dernier lieu, E. Osnos raconte « comment les aspirations de la nouvelle classe moyenne chinoise se traduisent par la quête de nouvelles valeurs » (p. 18). Fourmillant de détails anecdotiques, voilà un livre qui se laisse facilement saisir mais, il faut bien l’avouer, on le quitte avec des idées assez embrouillées. Qu’est-ce que la Chine aujourd’hui ? Paradoxes et contradictions sont si nombreux qu’il ne peut être question de les embrasser d’un seul coup. Nouveauté et modernité sont partout présentes, la tradition aussi. Des démocrates se lèvent en faveur de la démocratie, mais le nationalisme reste puissant. Internet connaît une explosion frénétique, mais le contrôle étatique ne relâche jamais son emprise. Bref, il est bien difficile, avec toutes ces contradictions, de savoir où va la Chine. Ce qui est certain, c’est que l’industrialisation folle des dernières décennies a créé des ruptures dont les séquelles risquent de demeurer. La corruption se situe à un niveau si élevé qu’on peine, ici, à s’en faire l’exacte mesure. Malgré la sévérité des peines judiciaires, la confusion entre affaires et politique a atteint un niveau tel que certains, prenant conscience du vide généré par la course au temps et au profit, se tournent vers des philosophies et religions ayant fait leur preuve, bouddhisme et christianisme pour commencer.

Un livre important pour comprendre le parcours de cet immense et atypique pays.

 

Evan Osnos, Chine, l’âge des ambitions, Albin Michel, 2015, 496 pages, 25 €

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Recensions Religion

L’essor du christianisme

Broché : 304 pages
Editeur : Excelsis (17 juin 2013)
Collection : L’Eglise dans l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2755001887
ISBN-13 : 978-2755001884
Dimensions : 21,9 x 1,5 x 16 cm

 L’essor du christianisme

Connu pour son retentissant Triomphe de la raison (sous-titre : Pourquoi la réussite du modèle occidentale est le fruit du christianisme), paru en 2007, le sociologue des religions Rodney Stark récidive dans sa défense et son apologie du christianisme. Agnostique, l’auteur réfléchit sur un mode uniquement scientifique : comment expliquer la propagation du christianisme au cours des premiers siècles de notre ère ? Mettant au service de sa thèse ses connaissances en sociologie et en histoire, Rodney Stark livre un ouvrage passionnant et convaincant. Il commence à expliquer de façon mathématique la croissance démographique des premières communautés chrétiennes ainsi que l’attraction du christianisme auprès de nombreuses communautés juives. Mais, a-t-on envie de dire, là n’est pas l’essentiel. Pourquoi, en dépit des persécutions (moins nombreuses qu’on le croit), le christianisme a-t-il supplanté le paganisme de façon aussi définitive ? Il y a, remarque Rodney Stark, deux sortes d’explications. Les premières ont trait à l’épuisement du paganisme, devenu aux I° et II° siècles un ensemble de superstitions en voie d’épuisement auquel plus personne ne croyait. Reste la question : qu’est-ce qui, dans la religion nouvelle, attirait païens et juifs ? Pourquoi de nombreux païens ont-ils cessé de croire en leur improbable panthéon pour rejoindre la foi véhiculée par les premiers disciples de Jésus de Nazareth. La réponse, déjà prononcée par un antiquisant comme Lucien Jerphagnon, est évidente : beaucoup de gens ont décidé de se convertir au christianisme parce qu’ils jugeaient cette religion supérieure aux autres. Cette supériorité s’était par exemple manifestée avec éclat durant la peste qui avait touché l’Empire romain au III° siècle : la solidarité et la compassion vécues entre chrétiens avaient montré que l’amour et la miséricorde n’étaient pas des mots creux. Comme l’écrit l’auteur en conclusion, « le christianisme a apporté une nouvelle conception de l’humanité à un monde accablé par une cruauté capricieuse et par un amour de la mort par procuration. » (p. 266). Le christianisme et ses organisations sociales étaient jugés attirants, libérateurs et efficaces. Un livre éloquent et nécessaire.

 

Rodney Stark, L’essor du christianisme, Excelsis, 2013, 303 pages, 23 €

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Histoire Recensions

Berlin – Les offensives géantes de l’Armée rouge (janvier – mai 1945)

Broché : 672 pages
Editeur : Economica (3 décembre 2009)
Collection : Campagnes & stratégies
Langue : Français
ISBN-10 : 2717857834
ISBN-13 : 978-2717857832
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Berlin : Les offensives géantes de l’Armée rouge (janvier – mai 1945)

Voilà un livre qui devrait être offert à ces chefs d’Etat à la mémoire vacillante qui n’ont pas daigné se rendre à Moscou le 9 mai dernier pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’effondrement du nazisme. On ne le dira jamais assez : c’est le peuple soviétique qui a supporté l’essentiel de l’effort de guerre du III° Reich. Le Berlin de Jean Lopez est l’éclatante démonstration de l’héroïsme d’un peuple qui a perdu vingt millions de ses enfants et dont l’armée a rogné les ailes de la Wehrmacht.

Fort des dernières recherches de l’historiographie, Jean Lopez revisite les offensives qui, dans les premiers mois de l’année 1945, vont amener frontoviki et T 34 des faubourgs de Varsovie jusqu’à la capitale de ce Reich qui, selon les termes d’Hitler, devait durer mille ans. Le Berlin de Jean Lopez est essentiellement un livre d’histoire militaire. Avec brio, l’auteur défend une idée que les anciens chefs militaires de l’Allemagne nazie avaient minimisée dans leurs souvenirs. S’il est vrai que la Ostheer (l’Armée allemande du front de l’Est) est l’ombre de ce qu’elle était quatre ans plus tôt, il est tout aussi vrai que son effondrement doit beaucoup aux immenses progrès réalisés par l’Armée Rouge, et ce dans pratiquement tous les domaines. L’auteur soutient l’opinion que la victoire soviétique est d’abord une victoire intellectuelle. Les battus des années 1941 et 1942 ayant beaucoup appris de la machine de guerre nazie. Durant les dernières décennies du conflit, les généraux soviétiques mettent au point ce qui va constituer la marque de fabrique de l’Armée rouge : l’art opératif. Situé entre les niveaux stratégique et tactique, l’art opératif consiste moins à enchaîner les arabesques tactiques visant à l’encerclement que de démembrer l’armée ennemie dans la profondeur afin de l’empêcher de reprendre son souffle. C’est ainsi qu’en trois semaines, appuyées par une artillerie toujours plus nombreuse, les armées soviétiques vont disloquer les lignes allemandes et prendre pied sur l’Oder, à 80 kilomètres de Berlin.

Soutenu par un style puissant, c’est dans le détail que J. Lopez décrit l’habileté des militaires soviétiques et la puissance formidable de l’Armée rouge. Devant ce rouleau compresseur, l’héroïsme du soldat allemand était de peu de poids. Ce Berlin est un très grand livre d’histoire militaire.

 

Jean Lopez, Berlin. Les offensives géantes de l’Armée Rouge, Economica, 2010, 644 pages, 29 €

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Recensions Religion

Histoire du blasphème en Occident (XVI°-XIX° siècle)

Broché : 320 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (6 mai 2015)
Collection : Bibliothèque de l’évolution de l’humanité
Langue : Français
ISBN-10 : 2226253858
ISBN-13 : 978-2226253859
Dimensions : 19 x 1,2 x 12,7 cm

 Histoire du blasphème en Occident (XVI°-XIX° siècle)

Ouvrage à visée historique, cette Histoire du blasphème en Occident répond indirectement à une interrogation très actuelle : Comment se fait-il que dans nos sociétés d’incroyance généralisée on accorde autant d’importance au blasphème ? Se peut-il qu’il soit le havre ultime d’une liberté de conscience chèrement acquise à l’encontre des religions révélées ? En effet, l’histoire du blasphème est intimement liée à celle des monothéismes, Bible et Coran prohibant l’usage injurieux du nom de Dieu. Dans le christianisme, les Pères de l’Eglise ne mirent pas longtemps à intégrer le blasphème à la liste des péchés graves. Aux XVI° et XVII° siècles, les Eglises pourchassent inlassablement le blasphème. Durant les guerres de religion, ce dernier prend une coloration différente car il devient synonyme d’hérésie. Pour un catholique, un protestant est forcément blasphémateur et vice-versa. Peu à peu, avec la naissance de l’Etat moderne, les puissances séculières vont s’emparer de l’interdiction sous prétexte que le blasphémateur contrevient à l’ordre social. Par la suite, la position des hiérarchies et des théologiens s’adoucira, distinguant par exemple le blasphème et l’esprit de blasphème, « l’une pouvoir recevoir le pardon, l’autre non » (p. 192). Si le blasphème est toujours condamné par les instances religieuses, le sens de cette condamnation n’est plus le même qu’autrefois. L’exemple le plus évident est produit par les interdits lancés par les responsables religieux, chrétiens, juifs ou musulmans, lorsque radicaux, fondamentalistes et libres penseurs s’en prennent à l’image même de Dieu : en mettant en avant un Dieu vengeur et cruel, ne blasphèment-ils pas le nom de Dieu ? La solide étude d’Alain Cabantous nous rappelle avec bonheur que le « péché de langue » subsiste encore dans les sociétés contemporaines. Instauré en vue d’adoucir les mœurs, il a pris, avec la mondialisation, une coloration autre : désormais il s’agit moins de montrer que l’on est un esprit fort que de dévaloriser la figure de l’autre.

Alain Cabantous aura réussi à montrer qu’ « avec le blasphème, il s’agit de prendre la mesure de la relation entre le divin et l’humain, de saisir la limite entre deux mondes coexistants et pourtant de plus en plus distincts dans l’approche spirituelle de l’Europe moderne. »

 

Alain Cabantous, Histoire du blasphème en Occident, Albin Michel, 2015, 340 pages, 16.50 €

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Actualités Recensions

La France à quitte ou double

Broché: 304 pages Editeur : Fayard (18 février 2015)
Collection : Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2213686505
ISBN-13 : 978-2213686509
Dimensions : 15,3 x 2,5 x 23,5 cm

 La France à quitte ou double

Se peut-il que la France se livre au Front National comme la Grèce s’est offerte au gouvernement d’extrême-gauche piloté par Alexis Tsipras ? Ce « quitte », François de Closets n’ose y croire. Pourtant, il se montre tellement perplexe face à l’insuffisance des réponses apportées par la classe politique qu’il fait de l’accession au pouvoir du parti de Marine Le Pen une probabilité à ne pas négliger. S’il dénonce avec vigueur le simplisme du programme du Front national, François de Closets tient surtout rigueur aux politiques d’avoir vécu dans le mensonge et la dénégation depuis quarante ans. Quarante années de laxisme et de lâcheté qu’il va peut-être falloir payer au prix fort. François de Closets estime que « le Front national prospère sur tous les errements de notre classe dirigeante. La remise en cause de l’identité nationale, la prescription de la mixité pluriculturelle, l’incertitude sur la laïcité, l’instrumentalisation de l’antiracisme, l’ignorance du communautarisme qui s’installe, font le jeu de Marine Le Pen. » (p. 296) Evacuant assez vite les questions identitaires et culturelles, l’observateur avisé qu’est F. de Closets revient avec force sur les graves errements économiques et sociaux qui, depuis des décennies, défont le pays : dette abyssale, présent acheté à crédit, désertification, abandon des populations habitant les périphéries… Voilà plusieurs décennies que l’auteur crie dans le désert, ne cessant de mettre en garde les responsables politiques et économiques. Les dangers qui guettent la France valent que tout soit mis sur la table sans quoi les déchirements sociaux et économiques seront tels que le champ libre sera donné à l’extrémisme. Un pays en cessation de paiement est toujours tenté par les sirènes du populisme ; ont-ils oublié cette leçon de l’histoire ces politiciens qui jouent leur partition sur le mot bien connu de la comtesse du Barry sur l’échafaud : « Encore une minute monsieur le bourreau ! ». De façon froide et réalise, l’auteur joue son rôle de lanceur d’alerte. Il le fait pendant qu’il est encore temps et que la France dispose encore de solides atouts. Attention, toutefois, à ne pas les gaspiller dans la frivolité et l’oubli des réalités.

Un livre grave et tonique.

 

François de Closets, La France à quitte ou double, Fayard, 2015, 301 pages, 20.90 €

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Recensions Témoignages

Libérez Tombouctou !

Broché: 256 pages Editeur : TALLANDIER (26 février 2015)
Collection : Témoignage
Langue : Français
ISBN-13 : 979-1021008557
ASIN : B00MF8NZSE
Dimensions : 21,5 x 2 x 14,5 cm

 Libérez Tombouctou !

Il est dans la nature de beaucoup de raconter ce qu’ils ont vécu au cours de circonstances extraordinaires. Le colonel Frédéric Gout n’a pas fait exception à la règle en publiant ses souvenirs de guerre. Après quelques mois passés au Mali en début 2013 à traquer les combattants d’AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique), il a tenu à relater son expérience, de l’annonce de l’engagement au retrait des opérations. Commandant le groupe aéromobile au sein de la brigade Serval, Frédéric Gout plonge le lecteur au cœur de l’action. Plaisant à lire, le récit confirme l’excellence des matériels engagés ainsi que le professionnalisme des soldats engagés dans cette fameuse opération Serval, destinée à libérer le Mali de la menace islamiste. Le témoignage est vif. Comme tout bon militaire, le narrateur sait aller droit au but. A y regarder de plus près, il n’est pas impossible que ce qui fait la force du récit soit la source, pour une part, de certaines faiblesses qui, si elles ne sont pas rédhibitoires, laissent une étrange impression. Le lecteur habitué au récit des batailles d’autrefois doit s’y faire : la guerre d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle d’hier. Adieu les gros bataillons et bienvenue à de petits groupes supérieurement entraînés, capables de délivrer une terrible puissance de feu. Au-delà de ces changements d’ambiance et ces considérations tactiques, Libérez Tombouctou est de nature à perturber l’habitué des récits classiques. Sans qu’il faille remonter loin, on est loin de Paul Carrel (Ils arrivent) ou de Cornelius Ryan (La bataille de Berlin). Guerre de techniciens et de professionnels, la guerre au Mali est l’archétype de la guerre asymétrique et impersonnelle d’aujourd’hui, une guerre du faible au fort où le vainqueur final n’est pas toujours celui que l’on croit. A noter : ces figures de style agaçantes attachées à ce sabir politiquement correct qu’on utilise dans les armées : on ne doit plus dire « ennemi » mais « élément ». Un véhicule « impacté » signifie qu’il a été « détruit », et ainsi de suite…

 

Frédéric Gout, Libérez Tombouctou !, Tallandier, 2015, 256 pages, 18.90 €

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Histoire Recensions

Les cent derniers jours d’Hitler

Broché : 277 pages
Editeur : Perrin (12 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262050236
ISBN-13 : 978-2262050238
Dimensions : 29,5 x 2,5 x 23,5 cm

 Les cent derniers jours d’Hitler

Une fois de plus, en spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale, Jean Lopez vient de frapper un grand coup. Dans ce livre grand format, illustré de photographies pour la plupart inédites, il raconte jour après jour l’agonie du III° Reich, celui qui, dans l’esprit fumeux et hystérique de son inventeur, devait durer mille ans. Cette « chronique de l’apocalypse » s’attache principalement à relater les « derniers jours de la vie du Führer […], ses déplacements, ses proclamations, ses actes de gouvernement et de commandement militaire, sa vie quotidienne et ses humeurs… » Dans un Reich dont le territoire se réduit comme une peau de chagrin, pilonné jour et nuit par l’aviation alliée, menacé par une Armée rouge surpuissante, se vit le dernier acte du gigantesque drame qui avait commencé six ans plus tôt. Dans une Europe qui globalement, vit en paix depuis 1945, on a du mal à imaginer la violence barbare qui s’est déchaînée. Avec son talent coutumier, Jean Lopez a su recréer l’ambiance de cauchemar propre à ce drame d’une ampleur inouïe. Dans une Allemagne en proie à la destruction, hantée par l’arrivée du rouleau compresseur soviétique avide de vengeance, alors que la guerre est perdue, le système nazi accomplit jusqu’au bout son œuvre de destruction. A l’égard de son propre peuple d’abord, appelé à suivre le régime au fond du gouffre : les tièdes, à commencer par les déserteurs, sont impitoyablement éliminés. Et plus généralement à l’égard de toute vie humaine. On demeure confondu de penser que, jusqu’au bout, la machine concentrationnaire poursuit son travail de mort. Alors que tout est perdu, le nazisme entend gagner du temps pour achever l’anéantissement du peuple juif et des slaves, ces races jugées dégénérées par celle des « seigneurs ». A l’aide de nombreux témoignages, fort des plus récentes avancées de la recherche historique, Jean Lopez retrace le calvaire d’une Europe en proie à la mort et au chaos. Alors qu’il n’y a plus d’issue, Hitler lance ses ultimes ressources pour continuer d’alimenter le brasier qu’il avait allumé en 1939 avec la torche de la fureur.

On ne saluera jamais assez la fluidité du style et la clarté du propos, marques de fabrique des ouvrages signés Jean Lopez. Ce livre s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs.

 

Jean Lopez, Les cent derniers jours d’Hitler, Perrin, 2015, 277 pages, 24.90 €

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A la rencontre des Français

Broché: 320 pages Editeur : Le Cherche Midi (7 janvier 2015)
Collection : Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2749140501
ISBN-13 : 978-2749140506
Dimensions : 22 x 2,7 x 14,1 cm

 A la rencontre des Français

Comme un certain nombre d’hommes politiques, le député des Pyrénées Jean Lassalle est de plus en plus inquiet : les Français n’ont plus confiance en leur pays. Ils sont habités par un sentiment décliniste que rien ne paraît vouloir enrayer. Les causes de ce malaise sont diverses : beaucoup ne reconnaissent plus le pays dans lequel ils sont nés et ont grandi. Désireux de prendre en compte la méfiance du peuple à l’égard des élus et des décideurs, Jean Lassalle a entrepris de réaliser un tour de France à pied pour aller à la rencontre des Français. Pour le député des Pyrénées, il devient urgent que le personnel politique quitte le confort des palais nationaux pour rencontrer les électeurs, à seule fin de les écouter. Que ce soit dans les cités dites sensibles ou dans les déserts ruraux, Jean Lassalle a eu le temps de sentir l’humeur maussade et pessimiste d’un peuple qui ne croit plus en son avenir. Il faut bien dire que le constat n’invite pas à l’optimisme. Bien sûr, avec son esprit gaulois, le Français a toujours été prompt à râler. Son insatisfaction chronique est un peu sa marque de fabrique. Le problème, c’est qu’ici l’ensemble de compteurs sont au rouge : paysans se débattant dans les dettes, France précaire des sans-emploi et des sans-dents, sentiment de résignation, peur d’une mondialisation privilégiant la finance, etc. Le marcheur a raison de mettre en avant ce qui subsiste – et qui n’est pas mince – de philanthropie et qui se vit en particulier dans le bénévolat et l’esprit associatif. Il n’empêche : même ces derniers paraissent en recul, le chacun pour soi et l’individualisme gagnant sans cesse sur l’esprit communautaire. Au fil de ces rencontres, du petit chef d’entreprise, au fonctionnaire, à l’agriculteur et au retraité, le lecteur découvre un paysage éclaté et désespérant, comme si les Français ne s’aimaient plus, comme s’ils avaient du mal à faire société. Certains, d’ailleurs, ne cachent pas le sentiment jusqu’au-boutiste qui les anime lorsqu’ils confient au député leur envie de « tout faire péter ». Une France disparaît, une autre naît. Devant tant d’incertitudes, les attitudes de repli n’ont rien de surprenant. Il était salutaire qu’un député prenne le pouls de cette France qui désespère, une France éloignée des centres de décision, là où, au contraire, souffle le vent plus optimiste des Français qui ne craignent pas la mondialisation.

 

Jean Lassalle, A la rencontre des Français, Le Cherche-Midi, 2015, 318 pages, 17 €