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Recensions Témoignages

Passion Kaboul

Broché : 355 pages
Editeur : CERF EDITIONS (25 septembre 2014)
Collection : HISTOIRE A VIF
Langue : Français
ISBN-10 : 2204098795
ISBN-13 : 978-2204098793
Dimensions : 24 x 1,9 x 15 cm

 Passion Kaboul – Le père Serge de Beaurecueil

Après ses biographies des pères Jaussen et Anawati, Jean-Jacques Pérennès, l’actuel directeur de l’Institut Dominicain des Etudes Orientales (IDEO), s’est intéressé à un autre membre de la prestigieuse équipe des fondateur de l’IDEO, au Caire : le P. Serge de Beaurecueil. Passant rapidement sur les jeunes années du P. de Beaurecueil, l’auteur le place vite dans le contexte où il va faire fructifier son talent. Alors que ses confrères dominicains s’intéressent à la langue arabe ou à la théologie musulmane, Serge de Beaurecueil choisit la mystique en étudiant les œuvres du grand mystique afghan Abdullah Ansari. Il en devient assez vite le spécialiste. Mais, alors qu’il vit une vie assez paisible au Caire, ne voilà-t-il pas qu’il ressent une irrépressible attirance pour le pays natal d’Ansari, l’Afghanistan. Le P. de Beaurecueil est alors âgé d’un peu plus de 45 ans. L’appel est si fort qu’après un premier séjour il décide de s’y fixer. L’Afghanistan de cette époque est un pays coupé du monde, pauvre, où traditions et coutumes ancestrales sont un frein puissant à toute tentative de réforme. Il en faudrait plus pour ralentir le désir de Serge de Beaurecueil, désireux de se faire Afghan au milieu des Afghans. Là où tout prosélytisme est interdit, il entretient d’excellents rapports avec les autorités politiques et religieuses de ce pays quasiment coupé du monde, englué dans les rets d’un islam très strict et les conflits inter-ethniques. A son arrivée, le P. de Beaurecueil est enseignant, puis directeur d’école. Cette activité n’aura qu’un temps car il est vite rattrapé par les réalités de ce pays pauvre, en particulier par le cas de ces gosses perdus qu’on trouve dans la rue. D’enseignant le P. de Beaurecueil va devenir éducateur et sa demeure accueillera bientôt une vingtaine de gamins de la rue. Là, sans prosélytisme, juste par amour, il devient ce grand-père qu’ils appellent « padar ». Devant quitter le pays après l’invasion soviétique, Serge de Beaurecueil quitte l’Afghanistan en 1983 ; il n’y reviendra plus. Une dernière rencontre avec ses orphelins, quelque vingt ans plus tard, lui permettra de prendre pleinement conscience de l’importance de l’œuvre qu’il a laissée là-bas, reprise depuis par l’un de ses pensionnaires. L’association « Afghanistan demain » poursuis l’œuvre du Padar : l’accueil et l’éducation des enfants laissé dans la misère. Merci au P. Jean-Jacques Pérennès d’avoir eu la belle idée de nous raconter la vie si pleinement et bellement donné du P. de Beaureceuil.

 

Jean-Jacques Pérennès, Passion Kaboul, Cerf, 2014, 355 pages, 24 €

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Recensions Religion

Chrétiens en danger. Vingt raisons d’espérer

Broché: 194 pages
Editeur : Béatitudes (1 septembre 2013)
Langue : Français
ISBN-10 : 2840245124
ISBN-13 : 978-2840245124
Dimensions : 21 x 1,7 x 13,5 cm

 Chrétiens en danger. Vingt raisons d’espérer

Dans ce petit livre, facile et plaisant à lire, Marc Fromager, l’actuel directeur de l’Aide à l’Eglise en Détresse, se livre à l’examen de vingt pays dans lesquels la vie des chrétiens n’est pas de tout repos. Le catalogue des maux qu’ils subissent, du meurtre à la vexation, est large. Si les situations sont évidemment différentes selon les pays, il ressort de ce tableau que les chrétiens constituent la minorité religieuse la plus persécutée dans le monde.

Continent par continent, Marc Fromager a choisi vingt pays dans lesquels les chrétiens sont exposés à une persécution quasi continue. Quand ils sont minoritaires, les chrétiens souffrent des brimades des extrémistes, musulmans quand il s’agit de l’Asie et de l’Afrique, hindous quand sont concernés les vingt-cinq millions de chrétiens qui vivent en Inde. Même s’ils sont majoritaires, leur situation peut devenir dangereuse ; par exemple, les assassinats de prêtres, au Brésil ou en Colombie, sont monnaie courante. S’il ne se livre pas à une analyse des raisons qui expliquent la recrudescence des violences anti-chrétiennes, l’auteur n’hésite pas à mêler ses expériences personnelles à des considérations plus larges touchant aussi bien la géopolitique que l’évolution des phénomènes religieux sur la planète. Pour chaque cas rencontré, qui va de l’Irak à la Chine en passant par le Kosovo, Marc Fromager explique les raisons qu’il y a d’espérer. Car, malgré les avanies et les persécutions, les chrétiens tiennent debout. Les chrétiens de Mossoul, qui ont tout perdu, et qui n’avaient de choix qu’entre la conversion à l’islam ou la fuite, viennent de prouver combien les mots de saint Paul résonnent dans notre monde : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2ème épître aux Corinthiens). Ils ont quitté leur foyer, ont tout perdu et pourtant aucun n’a renié sa foi. On imagine difficilement la force de tels témoignages. En Inde, les extrémistes hindous s’en prennent aux chrétiens parce qu’ils savent que ces derniers ne répliqueront pas, mais cela n’empêche pas les conversions. Au Nigeria, nombreux sont les musulmans à être impressionnés devant la patience et l’esprit de pardon qui animent les communautés chrétiennes. Si le sang des martyrs est semence de chrétiens, leur ténacité et leur accueil de l’autre l’est tout autant.

Une belle et poignante leçon pour les chrétiens pépères que nous sommes.

 

 

Marc Fromager, Chrétiens en danger. Vingt raisons d’espérer, Editions des Béatitudes, 2013, 194 pages, 14 €

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Histoire Recensions

Inferno – La dévastation de Hambourg (1943)

Broché : 424 pages
Editeur : Perrin (8 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262038511
ISBN-13 : 978-2262038519
Dimensions : 24 x 3,3 x 15,5 cm

 Inferno : La dévastation de Hambourg (1943)

Après un premier ouvrage consacré aux nombreux drames qui suivirent la signature de la paix en mai 1945, l’historien britannique Keith Lowe récidive dans la narration de la terreur et de la destruction. Ames sensibles s’abstenir ! Dans ce livre de bout en bout passionnant, l’auteur nous fait revivre les jours et les nuits d’horreur durant lesquels la ville de Hambourg fut, en 1943, rayée de la carte. Du 27 juillet au 2 août, des raids aériens alliés incessants vont plonger la principale métropole de l’Allemagne du nord-ouest dans l’horreur. Vagues après vagues, bombardiers anglais et américains se succèdent pour mettre la ville à genoux. Le but est double : créer un traumatisme au sein de la population allemande et détruire les chantiers de sous-marin situés dans la zone portuaire. Pour être plus précis, les Américains bombardent le jour. Croyant davantage dans la protection qu’offre la nuit, les Anglais jettent tapis de bombes sur tapis de bombes, le plus souvent sur les quartiers d’habitation. Après trois énormes bombardements, la ville semble tenir le choc. Mais le plus dure reste à venir. Le 2 août, un orage de chaleur va décupler les effets des milliers de bombes jetées par quelque neuf cents appareils du Bomber Command. En cette nuit cataclysmique, un ouragan de feu – poussé parfois jusqu’à 1 400 C° – va précipiter dans la mort 45 000 personnes. Ce bombardement a laissé une trace dans la mémoire collective. Comme l’écrit l’auteur : « Au cours des années qui suivirent la catastrophe, la tempête de feu de Hambourg fit l’objet d’études scientifiques très approfondies, et les chercheurs en conclurent qu’aucun autre grand incendie, dans l’histoire documentée, ne l’a jamais égalé en intensité. » (p. 212)

Le récit de Keith Lowe pose une nouvelle fois la question de l’efficacité des bombardements massifs. Lancés pour briser le moral des populations civiles et hâter la paix, ils vont, une fois de plus, s’avérer totalement improductifs. Bombarder des villes ayant peu ou pas d’intérêt stratégique, anéantir des milliers de civils au prix de la destruction de centaines d’appareils alliés n’eut au final qu’un impact limité sur l’issue de la guerre. En termes stratégiques, le seul intérêt des bombardements était d’aspirer des moyens qui feraient défaut à la Whermacht sur des fronts terrestres. Fallait-il, pour cela, arriver à de tels massacres ? La question n’a pas encore trouvé sa réponse définitive.

 

Keith Lowe, Inferno, Perrin, 2015, 424 pages, 24 €

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Histoire Recensions

Bérézina

Broché : 199 pages
Editeur : Guérin (22 janvier 2015)
Collection : Démarches
Langue : Français
ISBN-10 : 2352210895
ISBN-13 : 978-2352210894
Dimensions : 21 x 1,5 x 13,2 cm

 Bérézina

Les débuts de siècle sont l’occasion de célébrer de maintes façons l’épopée napoléonienne. De 2004 (sacre de Napoléon à Notre-Dame) à 2021 (mort de l’Empereur à Sainte-Hélène), chaque année donne l’idée de se plonger dans la geste impériale. L’écrivain-voyageur Sylvain Tesson n’a pas attendu une quelconque célébration officielle pour prendre les devants. En 2012, avec quelques potes, dont des Russes, il a effectué à moto – un vieux side-car soviétique de marque Oural – le trajet qu’avaient réalisé, depuis Moscou, les survivants de la Campagne de Russie. En octobre 1812, dans une ville complètement détruite, l’Empereur Napoléon, navré du rejet de ses offres de paix par le tsar Alexandre I°, ne voyait plus d’autre recours que de regagner la France au plus tôt. C’était jouer gros car la neige, qui tomba d’abondance dès octobre, annonçait un hiver rigoureux. Deux siècles après, on demeure stupéfait devant les efforts surhumains déployés par des soldats marchant dans le froid sans nourriture. Encore ébahi par les exploits de la Grande Armée, Sylvain Tesson a effectué en une douzaine d’étapes les 2 500 kilomètres séparant Moscou de Paris. Il les a faits à sa façon : bravache et décalée. Bérézina offre le mélange des souvenirs du motocycliste contemporain et des pensées que lui procure cette équipée sauvage car, n’est-ce pas, « le mouvement encourage la méditation. La preuve : les voyageurs ont toujours davantage d’idées au retour qu’au départ. » (p. 177) Pour le reste, les habitués de la verve « tessonienne » ne seront pas dépaysés : l’auteur et ses acolytes ne se prennent jamais trop au sérieux, balançant entre souvenirs mélancoliques et rasades de vodka.

Il y a toujours de l’intérêt à lire Tesson : pour les histoires qu’il raconte, les souvenirs qu’il livre ainsi que son regard sur le monde qui tourne, un regard souvent impertinent et critique. Alors que notre monde porte au pinacle modes, consommation et réussite individuelle, voilà longtemps que Tesson s’est rallié à l’enthousiasme des soldats de l’Empire qui, eux, combattaient pour la gloire et l’honneur. La destinée du grognard, c’était la gloire ; l’horizon de l’individu d’aujourd’hui, c’est le shopping.

 

Sylvain Tesson, Bérézina, Editions Guérin, 2015, 199 pages, 19.50 €

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Littérature Recensions Religion

Les plantes de la Bible et leur symbolique

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Broché : 110 pages
Editeur : Cerf (21 novembre 2014)
Collection : BIB CERF
Langue : Français
ISBN-10 : 2204102709
ISBN-13 : 978-2204102704
Dimensions : 22 x 0,7 x 16,5 cm

 Les plantes de la Bible et leur symbolique

Parmi toutes les façons de lire la Bible, il en est une à laquelle nous pensons peu. La Bible évoque d’abord et avant tout l’ancienne et la nouvelle Alliances, la relation étroite entretenue entre Dieu et son peuple. Dans leur spécificité et à leur manière, chacun des livres parle longuement de cette relation, avec ses hauts et ses bas. En même temps qu’il y a cette histoire d’amour on peut imaginer les Ecritures comme un vaste décor, avec ses paysages, ses animaux et ses plantes. Tout cela n’est pas sans importance. On doit ce kaléidoscope de couleurs et d’odeurs au fait que toute l’histoire biblique tient en une terre – la Terre Sainte – bien particulière. Si l’histoire sainte s’était déroulée dans ce qui était autrefois la Gaule, le rapport au divin aurait-il été différent ? C’est possible car, après tout, on peut très bien penser que l’horizontalité du désert pousse à la verticalité. Une végétation luxuriante ou de type nordique semble à première vue plus propices au paganisme. Le désert pousse au contraire à une certaine radicalité. Il est la matière première du monothéisme, d’abord juif, chrétien ensuite, musulman enfin.

Puisque l’histoire biblique commence dans un jardin, il eut été regrettable que l’on ne s’intéressât pas aux plantes de la Bible. Dans ce petit ouvrage très pédagogique et bien illustré, Christophe Boureux, dominicain, présente une cinquantaine de plantes et d’arbres qui jalonnent le récit biblique : l’ivraie, la mandragore, la grenade, le cèdre, le lierre, le noyer, le blé, l’ortie… La présentation de chaque plante est illustrée d’un passage biblique. Dans son texte, l’auteur, Christophe Boureux, s’est attaché à décrire la symbolique attachée à chacune de ces plantes. Cette symbolique est d’une richesse parfois incroyable. Nous qui vivons dans un monde technicien avons oublié la fonction symbolique des choses qui nous entourent. Là où nous voyons un arbre, une plante, aussi beaux soient-ils, les anciens voyaient davantage.

Une belle et originale façon d’entrer dans le grand récit de la Création. Comme le dit la quatrième de couverture : « Bienvenue dans le jardin divin ! »

 

Christophe Boureux, Les plantes de la Bible et leur symbolique, Cerf, 2014, 109 pages, 14 €

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Biographies Recensions

Pétain

Broché : 1035 pages
Editeur : Perrin (28 août 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262038856
ISBN-13 : 978-2262038854
Dimensions : 24,1 x 3,7 x 15,4 cm

 Pétain

Pourquoi une nouvelle biographie de Philippe Pétain alors que la recherche historique est déjà riche de plusieurs livres consacrées au chef de l’Etat français ? C’est peut-être que les biographies précédentes étaient engluées dans des querelles partisanes, pro et anti-Pétain se renvoyant la balle, les premiers pour lui trouver des circonstances atténuantes et les autres pour l’accabler. Jusqu’à 1940, une vie de Pétain s’écrit sous le mode du panégyrique. Passé juin 1940, la création de l’Etat français, la concentration de l’ensemble des pouvoirs, la collaboration avec la puissance occupante souhaitée dès la rencontre de Montoire, couvrent d’un voile sombre une période qui, quoiqu’on en pense, ne comporte pas que du blanc et du noir. C’est tout le mérite de Bénédicte Vergez-Chaignon que d’avoir respecté la complexité de l’Histoire grâce à ce travail magistral. Il n’y a pas de révélations à attendre de la lecture de cette très volumineuse biographie. Mais, on peut dire que l’auteur, maîtrisant parfaitement son sujet, donne du personnage et de l’époque la peinture la plus juste possible. Produisant un travail d’historienne, non de justicière, Bénédicte Vergez-Chaignon dissèque avec méthode la complexité du vainqueur de Verdun. Commandant d’un régiment à la déclaration de guerre en août 1914, Pétain gravit rapidement les échelons jusqu’au maréchalat auquel il accède en 1918. Fort de sa réputation de chef brillant et économe du sang des soldats, Pétain est rappelé de son ambassade espagnole alors qu’en ce mois de juin 1940 le pays se trouve dans une déshérence totale. Pétain apparaît à tout le monde comme l’homme providentiel. Chef de l’Etat jouissant de la confiance des parlementaires, il aurait pu se contenter de gérer la faillite du pays. Il va faire plus : « Vouloir rénover la France, la redresser, en mettant en œuvre les idées qui lui sont chères de longue date. » (p. 425) De là la naissance d’un régime qui, par bien des aspects, s’apparente à une dictature.

Il faut saluer le remarquable travail de Bénédicte Vergez-Chaignon, auteur d’un travail équilibré et très documenté. Sans jamais céder à la polémique, l’historienne restitue aussi finement que possible les enjeux dans lesquels se débattaient le maréchal Pétain et aussi, dans une moindre mesure, le général de Gaulle. Après ce Pétain, il sera très difficile d’aller aussi loin.

 

Bénédicte Vergez-Chaignon, Pétain, Perrin, 2014, 1 040 pages, 29 €

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Recensions Religion

Le vertige divin : La saga des stylites

Broché : 308 pages
Editeur : Cerf (20 mai 2014)
Collection : HISTOIRE
Langue : Français
ISBN-10 : 2204102350
ISBN-13 : 978-2204102353
Dimensions : 24 x 2,3 x 15,5 cm

 Le vertige divin

Qui se souvient encore de la saga de ceux qu’on appelle les stylites ? Dans la Syrie et la Palestine, des IV° au XI° siècle de notre ère, des moines décident de tout plaquer pour aller habiter au sommet d’une colonne. Non, vous ne rêvez pas, la chronique l’assure : des chercheurs de Dieu, voulant vivre jusqu’au bout dans l’ascèse, fuirent le monde pour se réfugier en haut d’une colonne surmontée d’une plate-forme d’environ un à deux mètres carrés. Ces hérauts de la mortification, dont Philippe Henne donne une image très réaliste, vont pousser toujours plus loin le désir de fuite du monde et de macération. La plupart de ces moines, à commencer par le plus connu d’entre eux, Siméon le Stylite, ont connu la vie cénobitique, en communauté. Poussant toujours plus loin l’exigence ascétique, voulant se rapprocher de Dieu, ils en arrivent à trouver la vie monastique trop accommodante avec l’esprit du siècle, d’où la nécessité de rechercher des formes extrêmes. Après la courte vogue des moines stationnaires vient le courant, lancé par Siméon, des moines stylites. Connus pour leur sainteté, les stylites poussent l’exigence à se faire construire une colonne qui sera leur demeure définitive. Là, personne ne viendra perturber leur soif de prière et leur exigence d’ascèse. Du haut de leur « perchoir », soumis aux intempéries, pouvant à peine s’étendre, se nourrissant de presque rien, les stylites vont écrire la page la plus impressionnante de la mystique chrétienne. Du haut de leur colonne, ces champions de la foi recherchent plusieurs buts : échapper à l’engouement du peuple chrétien à leur endroit afin de ne pas se laisser distraire, se consacrer corps et âme à la prière et à la méditation, nouer une relation verticale avec le divin, espérer gagner le salut au moyen de mortifications inouïes dont nous sommes bien incapables de comprendre le sens. Les stylites n’étaient pas fous. Ces athlètes de Dieu cherchaient avant tout à se rapprocher du Ciel, peu importe la dureté des conditions pratiques qu’ils devaient affronter. Si le pari de l’auteur était de décrire comment ces mystiques ont réussi à « manifester le triomphe de l’esprit sur le corps » (p. 95), eh bien il y a pleinement réussi.

 

Philippe Henne, Le vertige divin, Cerf, 2014, 309 pages, 22 €

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Recensions Religion

Les ressources de la foi

Broché : 274 pages
Editeur : Salvator (22 janvier 2015)
Collection : Forum
Langue : Français
ISBN-10 : 2706712600
ISBN-13 : 978-2706712609
Dimensions : 22 x 2 x 14,5 cm

 Les ressources de la foi

Le P. Henri-Jérôme Gagey, enseignant à l’Institut Catholique de Paris, vient d’écrire un ouvrage de réflexion consacré au présent et à l’avenir proche de l’Eglise catholique en France. Intitulé Les ressources de la foi, le livre du P. Gagey se donne pour mission d’explorer les conditions de l’évangélisation dans la France de 2015. Selon lui, devant cette « crise sans précédent », l’Eglise doit faire preuve d’imagination. Elle doit le faire en sachant qu’il n’existe pas de solutions pastorales miraculeuses et que « la nouvelle évangélisation se présente comme une opération complexe de déchiffrement de la situation et d’invention du nouveau style de vie d’Eglise. » (p. 40). On sent dans ces propos une référence à certains travaux du P. Ghislain Lafont, lui aussi désireux d’ « imaginer l’Eglise catholique ». Malheureusement, trois freins bloquent l’imagination. Il faut en effet en finir avec trois idées bien ancrées. L’Eglise n’est plus l’institution rituelle du salut qu’elle a été durant des siècles ni ce corps théologico-politique désireux, comme l’Etat, de s’ériger en société parfaite. En dernier lieu, même si l’on peut éprouver quelque nostalgie à l’égard de la civilisation paroissiale d’autrefois, le système paroissial apparaît lui-même de plus en plus inopérant. Alors que la société n’a que faire de l’Eglise et de la foi, la tentation des communautés pourrait être de se calfeutrer. Avant d’aller plus loin, l’auteur a tenu à faire un tour du côté des tenants de la pastorale d’engendrement ; soucieuse d’une saine coopération entre l’Eglise et la société, elle est susceptible de donner les outils nécessaires à la revitalisation de la foi. Car, dans l’ère du vide qui caractérise l’époque, l’Eglise n’a pas dit son dernier mot. Le philosophe Marcel Gauchet estime, par exemple, « que l’Eglise pourrait bien reprendre pied en se présentant comme une ressource pour la construction du sujet postmoderne fragilisé. ». Oui, l’Eglise a une belle carte à jouer en se présentant comme un peuple de témoins à l’écoute de nouveaux arts de vivre, ce que H.-J. Gagey appelle « le service évangélique de l’humain ». L’Eglise n’est pas à appeler à devenir une contre-culture. Avec les ressources de la Parole et de la raison, elle puise à sa source pour aider les contemporains à avoir une vie bonne, une vie qui ne se réduit pas à la seule consommation.

 

Henri-Jérôme Gagey, Les ressources de la foi, Salvator, 2015, 274 pages, 21 €

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Histoire Recensions

Waterloo 1815

Broché : 315 pages
Editeur : Perrin (15 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262039402
ISBN-13 : 978-2262039400
Dimensions : 22 x 2,4 x 17,1 cm

 Waterloo 1815

Faute d’avoir commémoré à sa juste mesure l’éclatante victoire d’Auterlitz (1805 – 2005), peut-être la République cherchera-t-elle à « équilibrer la balance » en fêtant la défaite de Waterloo dont, en juin prochain, sera célébré le deuxième centenaire. Ainsi va la vie : nos dirigeants semblent préférer les raclées que se rappeler les triomphes de nos armées. D’ailleurs, si la délégation envoyée en Moravie en 2005 était des plus squelettiques, celle qui accompagnait les Britanniques se rappelant l’éclatant souvenir de Trafalgar était davantage étoffée. Curieuse nation qui préfère oublier ses victoires pour mieux se souvenir de celles de ses ennemis…

Thierry Lentz, l’actuel directeur de la Fondation Napoléon, a choisi de ne pas entrer dans cette polémique. Son livre figure parmi les premiers de la longue théorie des histoires de la bataille de Waterloo qui ne manquera pas de ponctuer l’année 2015. Nombreux sont les ouvrages de qualité à décrire par le menu les diverses phases de la batailles ; citons pour mémoire les Waterloo de Jacques Logie, Jean-Claude Damamme ou Alessandro Barbero, tous excellents. Habitué à des travaux de niveau universitaire et fort de connaissances encyclopédiques sur la période, Thierry Lentz a préféré écrire un livre pour Monsieur tout le monde. Facile à lire, doté d’une mise en page aérée, agrémenté d’illustrations de qualité, le livre de Thierry Lentz se place d’emblée parmi ces livres grand public qui, sans faire de bruit, en peu de pages, donnent l’essentiel. Phase après phase, c’est l’ensemble de la campagne de Belgique de ce mois de juin 1815 qui vaut l’objet de chapitres clairs et éclairants. Le lecteur averti n’attendra pas de révélations de ces pages ; peut-être même trouvera-t-il certaines phases de la bataille trop rapidement expédiées, cas, par exemple, de l’attaque mal montée du Ier Corps de Drouet d’Erlon. Mais l’intention de Thierry Lentz, l’un des meilleurs spécialistes de la période, n’était pas de raconter dans le détail ces jours funestes pour nos armes. Il s’agissait de donner un récit simple et circonstancié, compréhensible par tous et d’abord par les lecteurs peu au fait de la geste impériale. Dans ce cadre, le pari est pleinement réussi.

 

Thierry Lentz, Waterloo 1815, Perrin, 2015, 316 pages, 24.90 €

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Recensions Religion

L’Odyssée de la Bible : Études et thèmes

Broché : 977 pages
Editeur : Cerf (2 octobre 2014)
Collection : LIRE LA BIBLE
Langue : Français
ISBN-10 : 2204102776
ISBN-13 : 978-2204102773
Dimensions : 20 x 2,6 x 13,5 cm

 L’Odyssée de la Bible : Études et thèmes

Dominicain et professeur à l’Ecole biblique de Jérusalem, le P. Etienne Nodet s’est lancé dans un travail de titan qui consistait à disséquer la Bible par thèmes, de « Aaron » à « Zélote ». L’accomplissement d’une telle œuvre supposer une connaissance à la fois large et pointue de la Bible considérée comme objet d’études. Ce dictionnaire de plus de trois cents entrées permet un parcours complet couvrant l’ensemble des livres bibliques, de la Genèse à l’Apocalypse. Les articles sont généralement courts et le tout ressemble à s’y méprendre à un livre de poche. En lieu et place de gros dictionnaires pesant deux à trois kilos, L’odyssée de la Bible adopte une forme simple, souple et commode. Au fil de ces mille pages, Etienne Nodet réussit son pari de rendre proche le texte biblique et d’épuiser l’ensemble des thèmes qui parcourent les 73 livres qui la composent. Ainsi que le rappelle la quatrième de couverture, tous les thèmes et toutes les questions sont abordés : « Quelle est l’histoire de la rédaction de la Bible ? Quelles sont les sources de l’Ancien Testament ? Du Nouveau Testament ? Sur quels critères les livres qui la constituent ont-ils été retenus ? Qu’est-ce que la Bible hébraïque ? La Septante ? La Vulgate ?  Quelle est l’histoire de sa réception à travers les siècles ? » et ainsi de suite.

Les articles sont truffés de références scripturaires qui permettent le recours facile aux sources sans avoir à se reporter aux notes de bas de page ou de fin d’ouvrage. Cette commodité n’est cependant pas sans inconvénients. Le texte paraît haché par tous ces « Lc 13, 18-21 » ou « Si 44, 16-19 » qui, en eux-mêmes, demandent une connaissance minimale des références bibliques. Le plaisir de la lecture s’en trouve considérablement amoindri car la présence aussi proche et cadencée de toutes ces références pousse à l’usage systématique de la Bible. C’est la raison pour laquelle cette Odyssée semble plus faite pour les chercheurs et les étudiants que pour le grand public. Paradoxalement, en voulant jouer la praticité Etienne Nodet a tellement alourdi l’usage du texte qu’est bannie la lecture

 

Etienne Nodet, L’Odyssée de la Bible : Etudes et thèmes, Cerf, 2014, 977 pages, 29 €