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Littérature Recensions

Russies

Broché: 203 pages
Editeur : Philippe Rey (7 octobre 2010)
Collection : DOCUMENT
Langue : Français
ISBN-10: 2848761709
ISBN-13: 978-2848761701
Dimensions : 15 x 12,8 x 1,8 cm

  Russies

Dominique Fernandez, académicien français de grande renommée, ne cesse d’arpenter la Russie, de Moscou à Vladivostok et de Saint-Pétersbourg à Irkoutsk. Il le fait en amoureux fou de cet immense espace, trente fois grand comme la France. Il sillonne donc la Russie en tous sens, à la recherche de l’âme russe. Elle se niche partout, dans le paysage, dans la religion, les comportements et les mentalités. Un de ses traits saillants est par exemple cette étrange capacité à la résignation, au fatalisme, le fatum des Anciens. A quoi est-elle due ? se demande l’auteur : « A l’influence de l’esprit oriental », au « fait d’habiter un pays sujet à des différences si énormes entre le chaud et le froid, à des sautes de températures si brusques qu’elle réduisent à néant tout essai de résistance, à l’habitude ancestrale […] d’être soumis à un pouvoir écrasant. » (p. 111)

L’auteur n’oublie pas de raconter la Russie de Vladimir Poutine. Elle n’a pas, sous sa plume, les traits mauvais que lui prête un Bernard-Henri Lévy. Même s’il reconnaît volontiers à Vladimir Poutine ses traits d’autorité, Dominique Fernandez ne lui en tient pas rancune : Poutine n’incarne-t-il pas une autre face de l’âme russe à travers la recherche de la puissance et l’aspiration à l’énergie, que l’on trouve depuis longtemps chez les héros et les artistes ?

Le livre de Dominique Fernandez est magnifiquement écrit. On ne le referme pas sans le désir d’en savoir plus, de chercher, à notre tour, ce qu’a de merveilleux et de tragique cette âme russe, une âme faite de fatalisme, espérant sans cesse en des lendemains meilleurs. « Ce n’est pas la misère qui caractérise la Russie ou qui l’a jamais caractérisée. C’est le sentiment tragique de la vie. La tragédie peut provenir de la misère. Mais la misère n’a été qu’une composante parmi d’autres plus graves, plus constantes : la violence historique, la violence climatique. » (p. 186).

Elles sont belles les Russies de Dominique Fernandez, avec ses paysages monotones, ses villages perdus aux maisons déglinguées et aux jardinets minables, ces ciels plombés. Un très beau livre d’amour !

 

Dominique Fernandez, Russies, Philippe Rey, 2014, 204 pages, 18 €

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Littérature Recensions

Napoléon et la campagne de France – 1814

Broché: 368 pages
Editeur : Armand Colin (22 janvier 2014)
Collection : Hors collection
Langue : Français
ISBN-10: 2200287402
ISBN-13: 978-2200287405
Dimensions : 23,2 x 15,2 x 2 cm

 Napoléon et la campagne de France – 1814

Le centenaire de la Grande Guerre a malheureusement tendance à occulter un événement important de l’histoire de France : la campagne de France de 1814, prélude à la première abdication de l’Empereur Napoléon.

Successeur de Jean Tulard à la tête de l’Institut Napoléon, déjà auteur d’une trentaine d’ouvrages, Jacques-Olivier Boudon était bien placé pour donner, en un petit livre, une bonne synthèse de cette campagne. Il faut convenir que l’auteur réussit son pari avec maestria : style limpide, maîtrise de l’information, visée pédagogique… Bien sûr, on pourrait faire la fine bouche en se demandant ce que cet ouvrage apporte de neuf à une histoire bien connue et maintes fois racontée. Mais face à l’hémiplégie mémorielle contemporaine, l’argument est de peu de poids : il est bon de chanter, à temps et à contretemps, les belles pages de l’histoire de France. Et, quoique essentiellement militaire, celles écrites par Napoléon et sa petite armée font partie de ces dernières. Assailli par des forces infiniment supérieures, Napoléon multiplie les victoires (Vauchamps, Montereau, Montmirail…) grâce au mot d’ordre qu’on lui connaît depuis ses plus jeunes années : « Vitesse et activité », tactique qui lui permet de tenir tête à une coalition dont les armées réunies sont plusieurs fois supérieures au total des hommes qu’il a pu réunir et équiper. Le brio avec lequel Napoléon retarde l’échéance n’a qu’un temps, la disproportion des forces étant trop importante. Faisant fi de l’attitude de Napoléon et de son armée, les souverains coalisés mettent un terme à la guerre en prenant Paris. La France étant un pays extrêmement centralisé, la perte de la capitale signifie la fin de l’Empire. On sait la suite : l’abdication de Fontainebleau, le départ pour l’Ile d’Elbe, puis les Cent-Jours et enfin Waterloo.

Jacques-Olivier Boudon livre une synthèse accomplie de cet hiver 1814, n’oubliant pas les fronts périphériques comme l’Italie ou la difficulté de mobiliser un peuple en guerre constante depuis plus de vingt ans. Bref, un beau livre pour une belle page d’histoire.

 

Jacques-Olivier Boudon, Napoléon et la campagne de France – 1814, Armand Colin, 2014, 365 pages, 20 €

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Histoire Recensions

Histoire du terrorisme

Broché: 488 pages
Editeur : PERRIN (20 mars 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033463
ISBN-13: 978-2262033460
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 Histoire du terrorisme

Gilles Ferragu a pris l’heureuse initiative de s’attaquer à un sujet qui, s’il est on ne peut plus actuel, n’a que rarement fait l’objet d’une étude historique. Cette Histoire du terrorisme ne commence pas avec les tyrannicides propres au XVI° siècle (assassinat des rois Henri III et Henri IV par Jacques Clément et Ravaillac), mais trois siècles plus tard. Pourquoi ? Parce que, comme le précise l’auteur, « le XIX° siècle invente le terrorisme dans son acception la plus courante, à savoir la violence dirigée contre l’Etat à travers l’un de ses représentants » (p. 17) La terreur d’Etat propre aux excès révolutionnaires étant passée sous silence, ce n’est véritablement qu’avec l’assassinat du duc de Berry par Louvel en 1820 que débute la narration. L’histoire du terrorisme en cette époque est intimement liée à celle de l’Europe. Sociétés secrètes comme les carbonari en Italie, anarchistes à la Ravachol et révolutionnaires russes (voir le portrait qu’en fait Dostoïevski dans Les Démons), dressent un inquiétant panorama d’une civilisation en transformation profonde. Problème sociaux, territoriaux, économiques et ethniques augurent mal du XX° siècle : le signal de la Grande Guerre est tiré par un affidé de la Main noire, organisation terroriste serbe refusant la souveraineté de l’Autriche-Hongrie sur une partie des Balkans. Avec les totalitarismes brun et rouge des années 1920-1950 naît une autre forme de terrorisme, celui d’Etat.

On ne sera pas surpris d’apprendre que l’essentiel de l’ouvrage est consacré au terrorisme de la fin du siècle dernier. L’auteur en dresse le vaste panorama, qui va du terrorisme islamiste à l’ETA basque, à l’IRA irlandaise en passant par Action Direct en France ou les Brigades rouges en Italie. Assassinats ciblés, extorsions de fonds, kidnappings… se basent sur des revendications qui tournent vite à la paranoïa. A travers de nombreux exemples, Gilles Ferragu dresse le portrait en creux du terroriste : un asocial, homme d’un seul combat, érigeant en absolu le détournement des lois communes.

Cette Histoire du terrorisme constitue une bonne approche des conflits contemporains, asymétriques quant aux moyens confrontés, irrationnels quant aux motivations de leurs principaux acteurs.

 

Gilles Ferragu, Histoire du terrorisme, Perrin, 2014, 488 pages, 23.50 €

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Recensions Témoignages

L’Oural en plein cœur : Des steppes à la taïga sibérienne

Broché: 250 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (30 avril 2014)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226256814
ISBN-13: 978-2226256812
Dimensions : 20,4 x 13,8 x 2,2 cm

 L’Oural en plein cœur

En septembre, chacun se fait plaisir en racontant à ses collègues de travail le ou les voyages qu’il a effectués durant la période estivale : « J’ai fait l’Italie », dit l’un ; « moi le Maroc » répond son voisin, et ainsi de suite. Ce genre d’activités de masse, planifié et encadré, ces soi-disant voyages sont-ils encore du voyage ? Ils en ont l’apparence, mais ne sont au final que des ersatz mal fagotés. Astrid Wendlandt fait partie des vrais voyageurs, aventuriers prêts à plaquer le confort quotidien pour se risquer à l’imprévu et au dépaysement total et soudain. Journaliste « globe-trotteuse », amoureuse d’un Russe qui l’avait jadis éconduite, elle a décidé de risquer le tout pour le tout et de le rejoindre. Problème : ce Russe n’habite pas à Moscou ou Saint-Péterbourg, villes cosmopolites qui font maintenant partie des lieux habituels de visite, mais dans l’Oural, à quelques encablures de la capitale, ce qui, à l’échelle de ce pays-continent, représente tout de même un bon millier de kilomètres. L’Oural, le dernier balcon avant l’immensité sibérienne, un des derniers refuges vierges où des milliers de kilomètres carrés n’ont jamais vu présence humaine. Avec L’Oural en plein cœur, on est certes loin du dépaysement décrit par le marquis de Custine avec sa Russie en 1839 ou de la truculence de Sylvain Tesson, auteur d’un superbe récit : Dans les forêts de Sibérie. Il n’empêche ! Avec une sorte de fausse candeur, Astrid Wendlandt nous gratifie d’un beau carnet de voyage dans une région aussi sauvage qu’attachante, à mi-chemin entre la modernité moscovite et le dénuement des immensités désolées de la Sibérie. Dans ces vastes contrées aux contours improbables, l’auteur raconte de bien étonnantes rencontres, comme celle d’une communauté ayant rompu avec la civilisation. A Alexandrovka se sont réunis celles et ceux qui « ont fait un pied de nez à la civilisation pour s’en créer une nouvelle. » Comment, à travers les rencontres et les liens noués, dans la description des paysages, le lecteur ne se sentirait-il pas happé par ce sentiment propre à la Russie : la démesure… ? Démesure des habitants et des lieux, c’est cela l’Oural et la Russie en plein cœur !

 

Astrid Wendlandt, L’Oural en plein cœur, Albin Michel, 2014, 216 pages, 19.50 €

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Histoire Recensions

L’Algérie de Pétain

Broché: 456 pages
Editeur : PERRIN (17 avril 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033374
ISBN-13: 978-2262033378
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 L’Algérie de Pétain

La fameuse Grande Histoire des Français sous l’Occupation, œuvre colossale de Henri Amouroux, a désormais un prolongement de qualité avec L’Algérie de Pétain. Les Algériens ont la parole (1939-1942). Il faut remercier Pierre Darmon, déjà auteur d’une histoire de l’Algérie coloniale, d’avoir osé s’atteler à un sujet aussi peu étudié. Evacuons d’emblée la petite insuffisance dont souffre l’ouvrage, à savoir le peu de place accordé à la vie quotidienne dans l’Algérie de cette époque. S’étant focalisé sur la vie politique dans l’Algérie de Pétain, Pierre Darmon minimise cet aspect crucial : on s’arrange d’autant mieux d’un pouvoir politique qu’il pourvoit à votre alimentation et à votre habillement, ce qui était loin d’être le cas dans l’Algérie des années 1939 – 1942. A l’aide de témoignages et d’articles de presse, fort d’avoir ingurgité une grosse quantité d’ouvrages relatifs à la période et au Maghreb, Pierre Darmon parvient à donner un tableau saisissant de la façon dont les diverses communautés (française, juive, musulmane, espagnole…) appréhendent le conflit mondial. Il est frappant de voir par exemple combien les populations musulmanes sont ébranlées dans leur confiance à la France devant la force déployée par les armées allemandes. Autre thème dont on ne peut faire l’économie : nombre de Français d’Algérie et de musulmans se retrouvent sur le thème de l’antisémitisme. Enfin, l’armistice de 1940 donne des idées à une élite musulmane éduquée désireuse d’émancipation : après tout, la puissance occupante ne vient-elle pas de montrer sa fragilité lors de l’éclatante défaite du printemps 40 ? L’auteur consacre de nombreux chapitres au pétainisme dont font preuve beaucoup d’Algériens, Français et musulmans. Le prestige de Pétain ressemble au roc pendant la tempête. Cependant, dès les premières fêlures les abandons vont se précipiter. Les défaites allemandes (Stalingrad, El-Alamein) rebattent les cartes. Si beaucoup de Français se découvrent résistants, nombreux sont les musulmans à céder aux sirènes anti-coloniales. Le débarquement des Américains en Algérie fin 42 (Opération Torch) constitue un signe fort des prochains abandons vécus par ces puissances aux prestigieux passé colonial que sont la France et l’Angleterre. Ils sont nombreux, en Afrique et en Asie, à faire de Roosevelt un des champions de la cause anti-coloniale.

L’Algérie de Pétain traite de façon solide un sujet rarement étudié. Sachons en savoir gré à son auteur.

 

Pierre Darmon, L’Algérie de Pétain, Perrin, 2014, 522 pages, 25 €

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Histoire Recensions

La guerre au XX° siècle

Broché: 453 pages
Editeur : Perrin (30 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2-262-03656-0
Dimensions : 14,2 × 21,2 x 3,2 cm

  La guerre au XX° siècle

Auteur de nombreux livres relatifs à l’histoire militaire au XX° siècle, Pierre Vallaud nous entraîne cette fois dans l’histoire de la guerre au XX° siècle. Ou plutôt faudrait-il écrire : L’histoire des guerres au XX° siècle. En effet, le titre suggère une étude de l’évolution des doctrines et des pratiques de la guerre au siècle dernier et non pas, comme c’est le cas, une histoire des conflits, de la Première guerre mondiale à la chute du Mur de Berlin. Cette précision faite, on retiendra que ce livre, plaisant et facile à lire, constitue une bonne introduction à l’histoire du XX° siècle à travers les multiples guerres qui l’ont scandé. L’auteur a réussi son pari qui était de donner l’essentiel en peu de pages. Par contre, s’il paraît utile au néophyte, le lecteur averti courra la crainte d’être déçu par un panorama dont la vastitude nuit à la précision. Sans entrer dans le détail, disons par exemple que la guerre à l’Est, au cours de la Seconde guerre mondiale, est traitée de façon très cavalière. D’emblée, des erreurs factuelles empêchent de comprendre la singularité du conflit. Il n’est pas vrai, par exemple, de dire que « l’Allemagne affiche une insolente supériorité matérielle » (p. 210). Au contraire, le III° Reich prend des risques fous en envahissant l’Union Soviétique le 22 juin 1941. Cette attaque du fort au fort est mal pensée au plan stratégique. Hitler aurait-il osé attaquer l’ours russe s’il avait su que l’attendaient pas moins de 200 divisions, 10 000 chars et 15 000 avions… bref une armée à la doctrine archaïque mais pléthorique et offrant d’énormes capacités de résilience ? Autre exemple : l’Opération Bagration (fin juin 1944), qui constitue la plus gigantesque défaite militaire allemande au cours du siècle, est traitée en quelques paragraphes au contenu approximatif… moins de place que n’en prend par exemple la campagne des Alliés en Italie de 1943 et 1944. Au regard du titre, l’essentiel aurait été, nous semble-t-il, de dire la spécificité des conflits parcourant le siècle : une guerre totale, s’en prenant aussi bien aux civils qu’aux soldats, une guerre de doctrine dans laquelle le nombre et la qualité technique des armes prévalent sur le courage des combattants.

Le lecteur intéressé par le sujet aura intérêt à compléter sa lecture par d’autres études. Sans être exhaustif, citons des auteurs comme Antony Beevor, Alistair Horne, David Glantz, côté anglo-saxon, Jean Lopez côté francophone.

 

Pierre Vallaud, La guerre au XX° siècle, Perrin, 2014, 453 pages, 24 €

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Recensions Religion

L’Eglise catholique. Son être, sa réalisation, sa mission

Broché: 528 pages
Editeur : Cerf (10 avril 2014)
Collection : COGITATIO FIDEI
Langue : Français
ISBN-10: 2204100676
ISBN-13: 978-2204100670
Dimensions : 21,4 x 13,6 x 3,2 cm

 L’Eglise catholique. Son être, sa réalisation, sa mission

Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, le cardinal Walter Kasper n’hésite pas, de temps à autre, à reprendre du service dans ce domaine de la théologie dont il est un des meilleurs spécialistes : l’ecclésiologie, c’est-à-dire l’étude de l’Eglise. Comme il a l’occasion de l’écrire, l’Eglise prend ici diverses acceptions, de l’Eglise en tant que mystère à l’Eglise considérée comme institution. Comme l’affirme l’auteur, l’ecclésiologie « est en tant que théologie ecclésiale une réflexion de l’Eglise sur elle-même et sur sa mission dans le monde » (p. 78). Dans la mesure où l’ouvrage est publié au sein d’une collection consacrée à la théologie (Cogitatio Fidei), il ne faut pas s’attendre à une œuvre facile. L’Eglise catholique requiert un véritable effort d’attention et de compréhension car la réflexion touche de nombreux domaines hélas peu familiers à l’immense majorité des chrétiens. L’histoire universelle du salut ou la détermination de l’être de l’Eglise risquent d’apparaître obscures à beaucoup. C’est que Walter Kasper, en grand théologien surplombant son sujet, manie force sources et concepts. Avec une maîtrise insurpassable, il décline la matière de façon à considérer l’ensemble des champs d’action et de pensée touchés de près ou de loin par l’ecclésiologie. Peuple de Dieu, ministère de Pierre, responsabilité des laïcs, monachisme, avenir de la paroisse, rien de ce qui constitue l’être profond de l’Eglise n’est oublié. L’Eglise considérée comme institution, comme structure ! Voilà qui pourrait effrayer les plus rétifs à l’idée d’une Eglise vue comme une société, mais qu’ils se rassurent. En effet, l’auteur, n’oubliant jamais qu’il est d’abord théologien, enracine continûment sa pensée dans l’Ecriture.

Il y a plusieurs façons de lire semblable livre. Pour les plus entreprenants ou les plus courageux, on peut le travailler classiquement, de son ouverture à sa conclusion. On peut également picorer de ci de là des éléments de culture ou d’apprentissage de la foi catholique. Au total, L’Eglise catholique constitue un ouvrage quasi définitif sur le sujet, un outil important pour faire accroire que l’Eglise est toujours « mieux le peuple de Dieu, porteur de la Bonne Nouvelle du salut. »

 

Walter Kasper, L’Eglise catholique. Son être, sa réalisation, sa mission, Cerf, 2014, 583 pages, 49 €

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Recensions Religion

Chrétiens d’Orient : ombres et lumières

Broché: 327 pages
Editeur : Editions Thaddée (1 octobre 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2919131125
ISBN-13: 978-2919131129
Dimensions : 19,8 x 13,8 x 3 cm

 Chrétiens d’Orient. Ombres et lumières

Durant trois ans, en gros de 2010 à 2013, Pascal Maguesyan, journaliste et photographe, a sillonné le Proche et le Moyen-Orient, de l’Arménie à l’Egypte, en passant par la Turquie, l’Iran et la Syrie. De ses voyages il en a tiré de multiples rencontres, des portraits, des descriptions. Lui, dont les grands-parents étaient des rescapés du génocide perpétré en 1915 par le gouvernement jeune-turc d’Ankara, ne peut que se sentir étroitement solidaire de ce qu’il nomme les « peuples racines », des peuples qui étaient là bien avant l’arrivée de l’islam. Par touches subtiles, Pascal Maguesyan nous fait entrer dans l’univers des chrétiens orientaux, un monde attachant, défenseur coûte que coûte de son identité et de ses traditions, mais menacé de maints côtés. Dans cet Orient, à la fois proche et lointain, mu par une religiosité dont nous n’avons plus idée, règnent ombres et lumières. Beaucoup de ces lumières sont – pour reprendre le titre du dernier essai de Jean-Marc Ferry – celles de la religion dans la mesure où celle-ci est l’élément constitutif fondamental de l’identité de ces populations. Ce sont les particularités et singularités de ces « peuples racines » qui les rendent tellement attachants, si nécessaires à une région que les minorités ethniques et religieuses ont tendance à déserter. Les ombres, très nombreuses, expliquent l’exode de nombreux chrétiens d’Orient qui fuient leur patrie pour les « eldorados » européen, américain ou australien. La montée de l’extrémisme musulman, la crise économique et l’absence de toute perspective constituent les premiers facteurs de leur départ. Quant à ceux qui restent, ou ils rasent les murs ou ils se réfugient dans un communautarisme très identitaire, à l’image de nombreux coptes orthodoxes en Egypte. Pascal Maguesyan dépeint des personnages attachants, mortifiés devant la cruauté et la lâcheté dont ils sont victimes. Sans doute font-ils leur l’opinion du journaliste : « J’ai vu la même incompréhension face au déferlement de haine xénophobe et islamiste, le même sentiment d’abandon d’un Occident moraliste et cupide. » (p. 302)

Revenu dans la terre de ces ancêtres, l’auteur offre le récit poignant d’une civilisation jadis prospère, aujourd’hui à l’abandon. Les cimetières de pierre qu’il découvre en pays kurde, en Turquie ou en Iran, montrent à quel point cette histoire précieuse est menacée. Mais, en dépit de toutes les difficultés observées, Pascal Maguesyan veut croire, pour ces populations, en un avenir possible. Des signes positifs l’y incitent comme l’intérêt des expatriés pour leurs racines ainsi que quelques ouvertures provenant de régimes musulmans. Un livre nécessaire.

 

Pascal Maguesyan, Chrétiens d’Orient. Ombres et lumières, 2014, Editions Thaddée, 328 pages, 25 €

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Mémoires Recensions

Georges Clemenceau – Correspondance (1858-1929)

Broché: 1120 pages
Editeur : ROBERT LAFFONT (16 octobre 2008)
Langue : Français
ISBN-10: 222111051X
ISBN-13: 978-2221110515
Dimensions : 19,6 x 13,4 x 2 cm

 Correspondance (1858-1929)

La collection Bouquins n’en finit pas de nous étonner. Elle s’adresse à de gros lecteurs, à des gens capables et désireux de prendre leur temps pour mieux savourer une œuvre. Voici qu’après la correspondance de François Mauriac elle s’intéresse à celle de Georges Clemenceau. Devant une telle masse, l’exercice de lecture paraît périlleux, hasardeux. Toutes les lettres ne sont pas d’un intérêt égal. Malgré cette difficulté, il vaut le coup de s’accrocher car il n’y a rien de mieux qu’une correspondance pour découvrir une personnalité, ses goûts et ses dégoûts. Celle de Clemenceau est riche, à l’image de son parcours, lui qui tour à tour a été médecin, journaliste, député, ministre, Président du Conseil et, pour finir, simple retraité retiré dans sa Vendée natale. Que nous apprennent ces centaines de lettres ? Il y a bien sûr ce que l’on sait, son anglomanie, sa vaste culture, sa méfiance viscérale à l’égard de l’Allemagne, etc. Il y a plus ! Rien de telle qu’une correspondance pour cerner une personnalité, jusqu’au plus secret de son intimité. On est surpris par les attachements de Clemenceau, son sentimentalisme, son souci des autres… pas évidents à première vue de la part d’un homme politique qui savait ne pas faire dans la dentelle. Le même qui n’hésite pas, en tant que Ministre de l’Intérieur, à faire donner l’Armée pour réprimer une manifestation prend le soin le plus extrême de ses compagnons. On croit entendre le conseil d’un ami à un proche lorsque l’ancien Président du Conseil objurgue son vieil ami Claude Monnet, quasi-aveugle, de se faire opérer. Oui, si l’on veut entrer dans l’intimité d’un personnage aussi considérable que Clemenceau, cela demande du temps et de la persévérance. Au fil des pages, l’homme politique, parfois roué et vindicatif qu’il pouvait être, cède le pas à un homme délicat et cultivé. Comment, puisqu’il s’agit là de culture, ne pas faire la comparaison avec les politiques actuels, dont la connaissance des dossiers n’a d’égale que la nullité culturelle ? Clemenceau, comme à peu près tout le personnel politique du début du siècle dernier, révèle une culture puisée chez les classiques, à commencer par les grands auteurs grecs et latins.

Mille grâces soient rendues à la collection « Bouquins » qui, pour un prix raisonnable, donne à lire des inédits. Du bel ouvrage !

 

Georges Clemenceau, Correspondance (1858-1929), Bouquins, Robert Laffont, 2008, 1 120 pages, 31 €

 

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Littérature Recensions

Réenchanter la science

Broché: 450 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (28 août 2013)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226245456
ISBN-13: 978-2226245458
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,4 cm

 Réenchanter la science

En conclusion de son livre Notre existence a-t-elle un sens ?, l’historien des sciences Jean Staune écrivait que désormais les matérialistes avaient du souci à se faire. En effet, beaucoup de leurs positions, à force d’être rabotées depuis quelques décennies, deviennent intenables. En dix chapitres fort lisibles par les néophytes, Rupert Sheldrake démonte la majorité des éléments sur lesquels s’établit la science mécaniste. L’établissement de celle-ci, au XIX° siècle, n’est plus qu’un lointain souvenir. L’avènement de la physique quantique et l’idée qu’il existe un autre niveau de réalité, non perceptible à nos sens, fait de plus en plus de chemin, au grand dam des matérialistes qui, pour s’y opposer, n’ont d’autre choix que la dénégation. Entre ces deux conceptions de la science, le débat est devenu difficile tant les tenants du matérialisme sont dogmatiques. Si vous leur dites : « prodige », « inexpliqué » ou « télépathie », ils répondent aussi sec : « charlatanisme », « illusion » et « tromperie ». Pour R. Sheldrake, un tel comportement, fermé à tout ce qui n’est pas rationnellement expliqué ressort du dogmatisme le plus obtus.

En dix points, l’auteur, scientifique de son état, met à mal les croyances les plus fermes des matérialistes. Il tente de prendre ces derniers au mot en leur mettant les yeux devant dix défis. S’ils le peuvent, qu’ils démontrent par exemple l’immuabilité des lois de la nature ! Qu’ils donnent la preuve que la mémoire est stockée dans une partie précise du cerveau ou que la médecine mécanique contemporaine est la seule efficace ! Il faut lire Sheldrake pour se rendre compte à quel point de tels arguments ont du poids. Ses demandes insistantes pour l’émergence d’un débat fécond entre scientifiques sont plus que jamais à prendre en considération. Cette discussion doit être ouverte aux familles philosophiques et religieuses.

Alors que les découvertes scientifiques connaissent une stagnation, l’auteur s’interroge. Pour lui, pas de doute, il faut s’aventurer « hors des sentiers battus de la recherche conventionnelle », se poser enfin les questions interdites depuis trop longtemps. Passionnant de bout en bout, Réenchanter la science y incite fortement.

 

Rupert Sheldrake, Réenchanter la science, Albin Michel, 2013, 424 pages, 24 €