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Biographies Recensions

Staline

Broché: 732 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (29 août 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262034559
ISBN-13: 978-2262034559
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 2,8 cm

 Staline

Après s’être attaqué aux biographies de Trotski et de Lénine, l’historien britannique clôt sa trilogie par un autre copieux ouvrage, consacré cette fois à Staline. Comme toujours, la rigueur est de mise. Les sources, nombreuses et diverses, attestent la connaissance quasi-parfaite de l’auteur sur cette période qui couvre en gros la première partie du XX° siècle russe et soviétique. Evidemment, il a déjà été tellement écrit sur Joseph Djougachvili (vrai nom de Staline) que l’on se demande ce que R. Service peut bien apporter de nouveau. A cela on pourrait rétorquer que, si ce n’est pas la biographie la plus enlevée et la plus plaisante, il s’agit en tout cas d’une des mieux documentée, équivalente, dans un genre à peine différent, aux productions d’un Simon Sebag Montafiore, autre spécialiste britannique de la même période.

Presque tout à été dit de la mégalomanie de Staline, de son cynisme et de sa cruauté. Il occupe une place de choix dans le musée des monstres du XX° siècle. Personne, que ce soit dans son  entourage ou parmi ses amis n’est épargné par la paranoïa du dictateur. A partir du début des années 30, il tient tous les rênes d’un pouvoir absolu qui a rarement été atteint dans l’histoire. Ce n’est pas pour rien que certains ont vu en lui un tsar rouge ; son modèle n’est-il pas Yvan le Terrible ? Despote sanguinaire, Staline était également un être plus ambivalent qu’il n’y paraît. Grand lecteur, avide de savoir, écrivain et théoricien, c’était aussi un bourreau de travail qui ne se ménageait pas. Ce qui le passionnait c’était le pouvoir, un pouvoir total sur les hommes et les choses. Son caractère implacable va faire de lui l’adversaire victorieux de l’Allemagne nazie. Sur des monceaux de cadavres Staline sera pour beaucoup dans l’édification de la puissance soviétique.

Dans les rapports d’homme à homme, jusque dans les relations diplomatiques, Staline, Hitler et consorts adoptent des attitudes de truands. Le sort a voulu que ces gangsters aient joui d’un pouvoir sans limites. L’étude de Robert Service éclaire de façon convaincante la psychologie d’un guide (Vojd) qui, en même temps qu’il électrifiait le pays, apportait la famine, la désolation et la mort. Le livre de R. Service est à l’image de son sujet : saisissant !

Robert Service, Staline, Perrin, 2013, 730 pages, 29 €

 

 

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Actualités Recensions

C’est la culture qu’on assassine

Broché: 284 pages
Editeur : Balland (13 janvier 2011)
Collection : DOCUMENT
Langue : Français
ISBN-10: 2353150985
ISBN-13: 978-2353150984
Dimensions : 20,2 x 13,4 x 2,2 cm

 C’est la culture qu’on assassine

Avec un titre aussi alléchant  on aurait pu s’attendre à une œuvre qui fasse date. L’auteur est facile à lire, cultivé en diable et n’a pas la langue dans sa poche. Quand il pense qu’une œuvre ne vaut pas un clou, il le dit. Bien sûr, ce petit livre rondement mené ne se lit pas sans plaisir. Il n’en reste pas moins qu’on en attendait davantage. Pour partie, la faute incombe à la conception même de l’ouvrage ; il n’est pas évident, en effet, de réunir des articles déjà publiés sur un blog personnel. La mayonnaise a du mal à prendre. A une certaine hétérogénéité se conjugue les goûts de Pierre Jourde pour des auteurs qu’il est à peu près le seul à connaître. On peut concevoir l’élitisme en culture, à condition toutefois de ne pas décourager les bonnes volontés, les préférences de l’auteur allant à des écrivains qu’une bonne partie du public cultivé n’est pas certaine de connaître. Manque d’unité, choix discutables… Mais, pour le reste, les coups de griffe que lance Pierre Jourde à la culture contemporaine – ou, pour être plus précis, à ce qui en tient lieu – sont réjouissants. Comment ne pas l’approuver lorsqu’il demande ce qu’est devenue la culture : « Ce qui est dramatique, c’est la disparition de la culture populaire au profit du divertissement de masse » (p. 143) ? De même suivrons-nous l’auteur quand il s’inquiète de ce que, au nom du politiquement correct, il devient quasiment impossible aux critiques de faire correctement leur travail, dans la mesure « où le soupçon pèse systématiquement sur toute critique non positive » (p. 213). Entre happy few des mêmes expositions et mêmes rentrées littéraires, il convient de se décerner les brevets de respectabilité qui permettront d’assurer des ventes correctes.

Dans un monde où tout est jaugé à l’aune de l’utilitarisme, a-t-on besoin de la culture ? La question vaut d’être posée tant la culture est devenue un objet de consommation comme un autre. Or, dit l’auteur, être homme consiste à se passionner pour l’inutile. La culture ouvre à la beauté et à l’intelligence, et peu importe qu’elle soit considérée comme inutile. Comme l’écrivait Théophile Gautier dans la préface de Mademoiselle de Maupin : « L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines ».

Pierre Jourde, C’est la culture qu’on assassine, 2011, Balland, 285 pages, 18.90 €

 

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Recensions Religion

Vladimir Ghika : Professeur d’espérance

Broché: 494 pages
Editeur : Cerf (22 août 2013)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204100838
ISBN-13: 978-2204100830
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 3 cm

 Vladimir Ghika : Professeur d’espérance

Le P. Vladimir Ghika est une des plus belles figures chrétiennes du XX° siècle. Sa nationalité roumaine, sa conversion au catholicisme – lui, le prince roumain de confession orthodoxe ! – et la fin de sa vie passée dans les geôles de la Roumanie communiste donnent un reflet particulier à cette belle biographie. Comment ne pas penser, lorsqu’on lit cette biographie, à la vie de ces évêques, prêtres, moines et moniales qui tentèrent de survivre aux grands totalitarismes du siècle passé : prêtres orthodoxes envoyés au Goulag, prêtres et pasteurs allemands tués pour leur foi, et tant d’autres ? Toujours rigoureuses, pleines d’empathie pour leur sujet, les deux biographes donnent à voir la vie pleine d’un baptisé laïc, puis d’un prêtre catholique confronté aux grands défis du monde de cette époque. Ami d’intellectuels catholiques comme Claudel et Maritain, il se montra soucieux du sort des pauvres, allant jusqu’à partager leur sort à Villejuif. Lorsque survint l’apocalypse, lui, qui est resté roumain de cœur gagna son pays natal afin d’aider les réfugiés et les personnes qui subissaient les violences de la dictature. A la fin de la guerre, inquiet devant la progression du communisme athée, il décida de rester. C’est là qu’il va livrer son plus beau combat en faveur de la vérité. Arrêté, torturé, exemplaire et toujours fort dans la foi, Mgr Ghika décède en 1954 dans une geôle roumaine. Il a été déclaré bienheureux et martyr en 2013. Merci à Francisca Baltaceanu et Monica Brosteanu d’avoir consacré temps et énergie à ressusciter par la plume cette magnifique figure d’homme et de prêtre.

Francisca Baltaceanu, Monica Brosteanu, Vladimir Ghika, professeur d’espérance, Le Cerf, 2013, 483 pages, 34 €

 

 

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Littérature Recensions

François Mauriac : Biographie intime (1885-1940)

Broché: 676 pages
Editeur : Fayard (4 mars 2009)
Collection : Documents
Langue : Français
ISBN-10: 2213626367
ISBN-13: 978-2213626369
Dimensions : 23,4 x 14,8 x 5,4 cm

 François Mauriac – Biographie intime (1885-1940)

Après la superbe biographie de l’écrivain bordelais par Jean Lacouture, on pensait qu’il était impossible d’aller plus loin. Tout semblait avoir été dit de l’auteur du Nœud de vipères. Le livre de Jean-Luc Barré prouve que l’appréciation était pour le moins aventureuse. Jean-Luc Barré réussit en effet à relever un défi qui était loin d’être une gageure : donner une biographie de François Mauriac prenant appui sur la vie intime de l’auteur, avec ce qu’elle recèle de non-dits et de complexité. Toujours précis, jamais vulgaire, Jean-Luc Barré réussit le tour de force de montrer les multiples facettes d’un homme, catholique de surcroît, porteur d’un lourd secret. Celui qui, dans ses romans, s’était tant intéressé aux relations familiales compliquées de la bourgeoisie, était-il l’homosexuel refoulé décrit par J.-L. Barré ? Au vu des « amitiés particulières » nouées par l’auteur du Mystère Frontenac, l’analyse ne laisse guère de place au doute. Mais là n’est pas la question, insiste l’auteur de la biographie. Il s’agit pour lui de montrer la façon dont l’homosexualité inaccomplie de Mauriac influença son travail de romancier. L’ambition de cette biographie est donc d’ordre purement littéraire ; elle vise à montrer comment le disséqueur des âmes qu’était Mauriac était lui-même une âme tourmentée, ceci expliquant certainement cela. Pudique et mystérieux, François Mauriac a enveloppé de mystère son être profond. Contrairement à Gide par exemple, l’envie de se mettre à nu ne lui est jamais venue. Comme l’écrit Jean-Luc Barré en préface, « mémoires et journaux intimes ne sont jamais pour Mauriac que leurre et mise en scène permettant à l’auteur de préserver ses masques. » (p. 12)

Reste la question religieuse, donnée essentielle de l’œuvre mauriacienne. Mauriac lutta une bonne partie de sa vie à mettre en adéquation ses penchants secrets et son orthodoxie catholique. En a-t-il souffert ? Pour Jean-Luc Barré, incontestablement. Face à cette souffrance, Mauriac supplie le ciel de lui accorder la grâce de la conversion. Ce n’est pas un hasard si le présent livre se clôt sur l’année 1940. A cette date, Mauriac avait déjà la ferme volonté de devenir un écrivain engagé. La guerre accéléra sa prise de conscience.

Ce Mauriac est une référence en matière de biographie.

Jean-Luc Barré, François Mauriac – Biographie intime (1885-1940), Fayard, 2009, 642 pages, 28 €

 

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Actualités Recensions

Dictionnaire amoureux du vin

Broché: 476 pages
Editeur : Plon (22 septembre 2006)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10: 2259197337
ISBN-13: 978-2259197335
Dimensions : 20 x 13,2 x 3,8 cm

  Dictionnaire amoureux du vin

Un bon livre ressemble à un bon vin : il s’améliore en vieillissant. Publié en 2006, ce Dictionnaire amoureux est semblable à ces bordeaux, bourgognes ou côtes-du-jura qui se font attendre pour se faire mieux apprécier. S’il arrive à beaucoup de livres de se démoder, ce ne sera certainement pas le cas de celui-ci. Livre de passion plus que de raison, ce Dictionnaire amoureux bénéficie de l’effet Pivot, ce mélange de vitesse et de bonne humeur que l’on trouve dans ses autres ouvrages. Avec son style gouleyant, mélangeant subtilement les arômes de la grande et de la petite histoire, ajoutant quand il le faut une pincée d’anecdotes et d’humour, Bernard Pivot se fait l’échanson d’une part grandiose de notre histoire. Car le vin, selon Pivot, est autre chose qu’un simple liquide, aussi merveilleux fût-il. Le vin, c’est de l’histoire dans une bouteille (merci aux moines bénédictins et cisterciens, missionnaires du bon goût, fondateurs de premier ordre et immenses pionniers), c’est aussi le travail de générations de viticulteurs, la finesse et la variété d’arômes divers… bref, une part notable du génie de l’Occident dans un contenant de 75 centilitres. Comment, par le truchement de ces bouteilles issues de nos meilleurs crus, ne pas y voir le résumé de siècles de labeur et d’expérience mis au service d’une certaine idée de l’humanité ? A condition bien sûr de ne pas en abuser – sacrifions au politiquement correct ! – , le vin exprime une certaine idée de l’homme : celui qui, après une journée de labeur, aime à perdre son temps avec des amis autour d’une bonne bouteille. Le vin, obscur objet du désir ? Certes, mais bien plus encore… N’a-t-il pas un rôle social. Combien de fois les Français ne se retrouvent-ils pas autour d’un vin d’honneur ? « Demande-t-on de l’honneur à l’eau, au whisky, au pastis, à la Kronenbourg, au bloody mary ? » écrit B. Pivot (p. 12).

La singularité de la collection des Dictionnaires amoureux est, par nature, sa subjectivité. L’auteur dit ses goûts et ses dégoûts. Si les goûts de l’auteur sont sûrs, ses dégoûts le sont moins. Pourrait-il en être autrement ? Bernard Pivot aime le vin, le rouge en général, les bordeaux et bourgognes en particulier et même les autres, ceux dont les lettres de noblesse doivent encore se faire attendre. Quasi monument de notre histoire nationale, le vin dit beaucoup d’une société. Dans l’introduction, l’auteur explique que ce Dictionnaire amoureux voudrait être un joyeux vin d’honneur. Qu’il se rassure, il l’est !

Bernard Pivot, Dictionnaire amoureux du vin, Plon, 2006, 476 pages, 23.50 €

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Actualités Recensions

La tyrannie médiatique

Broché: 380 pages
Editeur : Via Romana (14 février 2013)
Langue : Français
ISBN-13: 979-1090029408
ASIN: B009LGEANM
Dimensions : 20,4 x 13,6 x 3,4 cm

 La tyrannie médiatique

Jamais les médias n’ont eu autant de pouvoir et d’influence. Ils sont partout, faisant la loi, disant le bien et le mal, posant ici des interdits, autorisant là des libertés… Mais, au juste, sont-ils aussi libres et indépendants qu’ils le proclament et quelle est leur vraie nature ? Jean-Yves Le Gallou a son avis sur la question et c’est d’une manière tranchée qu’il l’annonce dans ce livre passionnant. Voilà des années qu’il s’interroge sur le robinet d’eau tiède que sont devenus les grands médias. Comment se fait-il que tous tiennent le même discours à peu de choses près ?

Est-ce un hasard si beaucoup donnent l’impression de promouvoir un monde « d’individus sans racines et de sociétés sans frontières » (p. 10) ? Des plaies dont souffrent les médias il faut en retenir trois. Réduisant leur emploi à de la simple communication, ils ont trahi leur fonction première qui est d’informer honnêtement. Or, la communication ressemble plus à de la propagande qu’à l’exposé d’une situation avec ce qu’il suppose de prudence et de mesure. Assujettis à la présence quasi-obsédante de la publicité, les grands médias sont tombés sous la coupe des financiers. Pour ces derniers, seule compte la rentabilité ; en conséquence, l’information n’est plus que l’habillage d’une manipulation visant à faire de l’usager un consommateur lobotomisé. Enfin, le conformisme des journalistes est tel que le discours politiquement correct est un passage obligé, toute attitude non conformiste étant de nature à être payée comptant.
Pour donner du poids à son propos, Jean-Yves Le Gallou multiplie les exemples… consternants pour des médias qui se flattent, le cœur sur la main, de donner une information de qualité. Manipulations et bobards sont légion, tout un vocabulaire – une novlangue – est fabriqué pour maintenir le citoyen en état d’hébétude et la « bien-pensance » coule à flots dans un monde en noir et blanc. Pour l’auteur, un tel état des lieux dit beaucoup des dangers qui planent sur l’exercice de la démocratie. En effet, écrit-il, pour être pleinement en démocratie, « encore faut-il que le peuple soit loyalement informé, que sa capacité de réflexion soit cultivée, qu’une pluralité de choix politiques lui soit offerte et équitablement présentée. Aucune de ces quatre conditions n’est aujourd’hui remplie en France » (p. 196). Que faire pour préserver le corps social de ce déluge de désinformations ? Pragmatique, Jean-Yves Le Gallou livre à la fin de son ouvrage les outils utiles à une nécessaire ré-information.

Jean-Yves Le Gallou, La tyrannie médiatique, Via Romana, 2013, 379 pages, 23 €

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Histoire Recensions

La montagne refuge : Accueil et sauvetage des juifs autour du Chambon-sur Lignon

Broché: 400 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (17 avril 2013)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226245472
ISBN-13: 978-2226245472
Dimensions : 24,2 x 17,4 x 3,2 cm

 La montagne refuge : Accueil et sauvetage des juifs autour du Chambon-sur Lignon

L’accueil et le sauvetage des juifs autour de la commune du Chambon-du-Lignon constituent une aventure de mieux en mieux connue. Cet ouvrage se montre digne de l’intérêt suscité par cette petite communauté rurale qui n’a pas voulu se rendre à l’inacceptable, à savoir ne rien faire pour protéger des juifs persécutés. La Montagne refuge met une sourdine aux propos tendant à faire des Français de cette époque des collabos en puissance. Cet ouvrage collectif montre les risques pris par certaines communautés pour accueillir et défendre des juifs de France. Donnant tour à tour la parole à des historiens locaux et professionnels, La Montagne refuge se situe toujours à hauteur d’hommes, ce qui lui donne un reflet particulier. Ne risquent-ils pas de finir dans un camp de la mort ces enfants que l’on voit courir et jouer dans des photos couleur sépia, ces femmes et ces hommes qui connaissent le prix à payer en cas de capture ? La région du Chambon-sur-Lignon était-elle prédestinée à un tel sauvetage ? C’est très probable quand on connaît son histoire, elle qui fut un laboratoire du christianisme social dans sa version protestante. Les élus, pasteurs et instituteurs de la région étaient d’emblée qualifier pour devenir de superbes figures de la résistance civile et spirituelle. Les auteurs ont eu raison de mettre l’accent sur le christianisme social, lequel n’a pas été pour rien dans la préparation des esprits à l’accueil et au sauvetage des juifs.

Tout se passe comme si cette résistance non-violente gagnait tous les cœurs. Dans le concours apporté vaille que vaille aux autorités d’Occupation la gendarmerie se montre d’une inefficacité redoutable. Les Allemands eux-mêmes semblent gagnés par l’atmosphère de paix qui règne en ces lieux. Le major Schmähling, commandant de la Feldkommandantur au Puy, n’est pas un nazi virulent, loin de là. Il fait partie de ces Allemands contraints à la guerre et qui n’attendent rien d’autre que sa fin.

La qualité du travail de l’éditeur, les photographies nombreuses et la qualité des articles constituent un superbe témoignage en faveur des sauveteurs et de leurs protégés. Un livre qui rend honneur à l’homme.

Collectif, La Montagne refuge, Albin Michel, 2013, 379 pages, 25 €

 

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Histoire Recensions

Le Siècle de 1914

Broché: 408 pages
Editeur : Pygmalion Editions (21 avril 2006)
Collection : HISTOIRE
Langue : Français
ISBN-10: 2857048327
ISBN-13: 978-2857048329
Dimensions : 24 x 15,4 x 3 cm

 Le Siècle de 1914

En même temps que Le Siècle de 1914 offre une synthèse accomplie du XX° siècle, siècle des totalitarismes et des utopies révolutionnaires, ce livre de Dominique Venner se veut une réflexion sur l’histoire de l’Europe, de sa grandeur passée à son effacement actuel. Ce siècle dernier, si important car fondateur des temps qui s’ouvrent, est né avec la Grande Guerre. C’est le siècle des utopies, des guerres et des révolutions, le siècle qui vit s’affronter les grandes idéologies : capitalisme, fascisme, nazisme et communisme. L’essentiel du livre se veut la narration d’une époque qui s’ouvre en août 1914 et s’achève en 1989.

L’érudition de l’auteur, son style limpide et sa capacité à saisir l’essentiel offrent une démonstration de ce qui se fait de mieux dans le genre, la synthèse accomplie d’un siècle qui vit se cumuler les idéologies mortifères. Mais D. Venner fait mieux que raconter l’histoire de l’Europe. La pointe de son propos porte sur le destin de la civilisation européenne. La Première Guerre Mondiale, « matrice du siècle », est fondatrice car elle a permis « l’intrusion des Etats-Unis dans les affaires européennes, la brutalisation des mentalités qui sévira au moins jusqu’en 1945, la révolution bolchevique de 1917, la révolution fasciste en Italie […] » (p. 10) Comment ne pas voir qu’en quelques décennies c’est une civilisation millénaire qui s’est effondrée ? Longtemps centre du monde, l’Europe s’aperçoit brusquement qu’elle n’est plus qu’un acteur parmi d’autres. Le traumatisme qu’ont vécu les Européens n’est pas qu’économique : le mal est plus profond. Les ancrages anciens ont explosé. « L’effondrement des références nationales, idéologiques et religieuses, l’explosion des égoïsmes individuels, l’implosion des couples et des familles, la disparition des finalités collectives… » (p.11) offrent l’image d’un paradigme nouveau dans lequel l’Europe ne possède plus les clés de son destin. Le suicide collectif de deux conflits mondiaux l’a épuisé, saigné à blanc. Désenchanté, livré au diktat du divertissement et de la consommation à tout prix, l’Européen n’est plus maître de sa vie. Centré sur la recherche exclusive du bonheur individuel, hébété par le discours ambiant, le voilà livré, pieds et mains liés, au triomphe de l’universalisme. Après la fin des terroirs d’Eugen Weber, voici la fin des ambitions collectives.

Le pessimisme angoissé de D. Venner n’est pas désespéré. Son souhait : que les Européens redeviennent les acteurs de leur propre vie, comme ils le furent depuis des siècles ; qu’ils redécouvrent le génial patrimoine qui leur a été légué par une civilisation qui trouve son origine à Athènes, Rome et Jérusalem.
Une superbe leçon d’histoire !

Dominique Venner, Le Siècle de 1914, Pygmalion, 2006, 409 pages, 22.90€

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Recensions Religion

Une Europe sans religion dans un monde religieux

Broché: 224 pages
Editeur : Cerf (14 février 2013)
Collection : Parole présente
Langue : Français
ISBN-10: 2204098736
ISBN-13: 978-2204098731
Dimensions : 19,4 x 13,4 x 1,4 cm

 Une Europe sans religion dans un monde religieux

Sans prétention, ce petit ouvrage de sociologie religieuse, facile à lire, fait le point sur la situation des religions dans le monde et particulièrement en Europe. Sur notre continent, l’auteur ne se prive pas de dire que la situation est cataclysmique pour les religions historiques, protestantisme et catholicisme en tête. Chiffres à l’appui, l’auteur montre l’effondrement institutionnel des grandes religions, un effacement que rien ne semble devoir contrarier. L’état du clergé est particulièrement préoccupant, au point qu’il deviendra bientôt possible de parler d’Eglises sans prêtres et sans pasteurs. L’auteur estime que l’advenue d’une Eglise comptant très peu de prêtres n’est qu’une question de temps. Les petites communautés chrétiennes, isolées dans un océan d’indifférence, arriveront-elles à faire communion sans l’aide du professionnel qu’est le prêtre ou le pasteur ? En France, il est significatif de constater que le taux de pratique est très bas pour l’ensemble des religions, y compris l’islam qui, même s’il résiste bien, n’est pas à l’abri du courant dissolvant de la modernité. Les Eglises évangéliques sont les seules qui semblent devoir contrecarrer la grisaille ambiante, mais elles sont condamnées à demeurer minoritaires.

A l’échelle mondiale le christianisme résiste très bien, notamment sous sa forme évangélique. Quant au catholicisme, il y a longtemps que son centre de gravité ne se trouve plus en Europe. L’avenir des grandes religions se dessinera en Amérique du Sud, en Asie, en Afrique, certainement pas en Europe, continent de plus en plus gagnée à une indifférence qui s’apparente à l’athéisme pratique. L’analyse de Jean-Pierre Bacot montre combien la modernité est dissolvante pour les religions : même les Etats-Unis, longtemps considérés comme un bastion très religieux, commencent à dissocier appartenance religieuse et citoyenneté. A entendre l’auteur, si les religions défendent leurs positions dans l’hémisphère sud ou dans l’Europe slave, elles sont d’ores et déjà balayées dans les pays riches, terres promises à l’athéisme. Un défi angoissant, mais passionnant à relever, pour les Eglises d’Europe !

Jean-Pierre Bacot, Une Europe sans religion dans un monde religieux, Le Cerf, 2013, 224 pages, 16 €

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Recensions Religion

Au cœur des objections antichrétiennes

Broché: 221 pages
Editeur : Cerf (12 avril 2013)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204099333
ISBN-13: 978-2204099332
Dimensions : 19,4 x 12,4 x 2 cm

 Au cœur des objections antichrétiennes

A côté d’une indifférence massive, la voix de l’athéisme a tendance à se faire toujours plus entendre. Autrefois il y avait les maîtres du soupçon, Marx, Freud et consorts. Aujourd’hui les penseurs athées ont pour nom Comte-Sponville, Onfray, Hitchens ou Dawkins. Leurs approches sont radicalement différentes. Pour un « athée fidèle », respectueux, comme l’est André Comte-Sponville, un Michel Onfray sert un athéisme dégrossi au burin. Cela dit, le croyant ne peut faire fi des objections qui lui sont adressées. Au contraire, il doit les prendre au sérieux, y répondre avec mesure et intelligence. La publication du livre du P. Denis Lecompte aurait pu être une opportunité : répondre point par point aux critiques faites à la foi chrétienne. Hélas, cet ouvrage répond insuffisamment – malgré le titre – aux arguments philosophiques et historiques répandus par l’athéisme le plus virulent. Partant du matérialiste Epicure et du païen Celse, l’auteur consacre une bonne moitié de son livre à l’époque des Lumières, là où s’ébauche, avec Voltaire, Diderot et d’Holbach, l’athéisme contemporain. Denis Lecompte a raison de s’attarder sur cette époque (XVIII° et XIX° siècles) car c’est là que l’athéisme contemporain y puise ses racines les plus drues. Malheureusement, l’époque contemporaine est traitée à la vitesse de l’éclair : pratiquement rien sur Camus et Sartre, pour en rester à la France, très peu de choses sur les philosophes qui, aujourd’hui, s’acharnent à pilonner la foi chrétienne. Le nom de Michel Onfray n’apparaît qu’une fois, ce qui est ridiculement peu quand on connaît sa popularité. Il aurait fallu, croyons-nous, davantage traiter les objections antichrétiennes actuelles. Beaucoup reprennent celles émises lors des Lumières, mais d’autres apportent un sang neuf à la critique athée. Le britannique Richard Dawkins, par exemple, réfute la foi religieuse à partir de la biologie. Au début du siècle dernier, c’était la physique qui donnait du grain à moudre à l’athéisme. Faire l’impasse sur ces nouveaux considérants, c’est ne pas voir que l’athéisme, tout comme la foi religieuse, n’est pas réductible à un seul modèle.

Denis Lecompte, Au cœur des objections antichrétiennes, Le Cerf, 2013, 221 pages, 19 €