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Histoire Recensions

1941-1942 : Et si la France avait continué la guerre…

Broché: 720 pages
Editeur : Editions Tallandier (26 avril 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2847347747
ISBN-13: 978-2847347746
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 4,2 cm

 1941-1942 : Et si la France avait continué la guerre…

Après 1940. Et si la France avait continué la guerre…, Jacques Sapir, Franck Stora et Loïc Mahé poursuivent leur narration de la Seconde Guerre Mondiale telle qu’elle aurait pu se passer si la prise du pouvoir par Pétain en juin 1940 avait échoué. Le gouvernement de la République continue la lutte depuis Alger. Y participent les grandes figures de la III° République finissante comme Reynaud, Mandel et Daladier, plus ceux, comme De Gaulle, qui n’ont jamais accepté la défaite. A Paris, les collabos ont pris langue avec l’occupant, mais ils ne sont qu’une poignée. De la sorte, appuyé sur son Empire, ayant rallié une grande partie de la France combattante, le gouvernement continue la guerre aux côtés de la Grande-Bretagne. La coalition sera rejointe par les Etats-Unis après Pearl Harbor en décembre 1941. La guerre fait rage sur deux fronts majeurs : en Méditerranée et en Asie du Sud-Est. En Méditerranée, les flottes française et anglaise ne tardent pas à mater la Regia Marina. Grâce aux fournitures américaines, les aviations alliées mènent la vie dure à la Luftwaffe. De ce fait, les Allemands peinent à conquérir la Corse et la Grèce. Ils essuient même de cuisants revers dans les îles grecques. Devant le relatif marasme de ses armes, Hitler a repoussé son grand dessein : l’invasion de l’Union Soviétique, laquelle ne commencera qu’en 1942. En Asie, les Japonais lorgnent du côté de l’Indonésie et de l’Indochine. Après quelques succès initiaux, eux aussi doivent déchanter devant l’opiniâtreté des Alliés. Comme dans la réalité le conflit devient vite planétaire.

Comment ne pas applaudir un récit aussi bien mené, de bout en bout très réaliste ? Les auteurs, spécialistes en histoire militaire, donnent du conflit une image saisissante : on dirait du Raymond Cartier au meilleur de sa forme. Et si la France avait continué la guerre… s’avère de ce point de vue une réussite accomplie. Un petit regret toutefois : il nous semble que cette histoire est trop favorable aux armes alliées. Or, tant en 1914-1918 qu’en 1939-1945 les Allemands ont fait preuve d’une maîtrise et d’une intelligence tactique supérieures. Les chiffres l’attestent : ils ont toujours causé plus de pertes et de dommages à leurs adversaires qu’eux-mêmes en ont subis… Cela dit, le mérite du livre est de faire rêver car, après tout, le récit comporte une forte dose de réalisme et il aurait très bien pu arriver que Pétain ne prenne pas le pouvoir en juin 1940. Parfois, l’histoire ne tient pas à grand-chose ; c’est ce que cet ouvrage permet de vérifier avec intelligence.

Jacques Sapir, Franck Stora, Loïc Mahé, 1941-1942. Et si la France avait continué la guerre… , Tallandier, 2012, 721 pages, 26.90 €

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Actualités Recensions

L’emprise sportive

Broché: 192 pages
Editeur : François Bourin Editeur (23 mai 2012)
Collection : SOCIETE
Langue : Français
ISBN-10: 2849413232
ISBN-13: 978-2849413234
Dimensions : 20,8 x 13 x 2 cm

 L’emprise sportive

C’est une vague qui n’en finit pas, une invasion qui ne dit pas son nom ; sa présence est partout et, pauvres quidams que nous sommes, nous ne pouvons y échapper. Le sport et l’information sportive ont envahi nos écrans et nos imaginaires. Ils nous cernent. Pour échapper à leur emprise, il faudrait fermer tous nos postes, radio, télés et autres. Même dans les quotidiens régionaux, six à huit pages sont quotidiennement dévolues au sport, divinité tutélaire d’un monde qui a rejeté les anciens cultes. Le matin, à la radio, sur certaines chaînes généralistes, le sport occupe une place de choix ; il est au moins aussi important que l’actualité internationale. Ses vedettes occupent une telle place qu’on les trouve par paquets dans le classement des personnalités préférées des Français. Comme si cela ne suffisait pas, on demande à telle star du rugby ou de la natation de commenter l’actualité, de donner son avis sur tel fait de société. C’est ainsi qu’on a eu le triste privilège d’assister, par micros interposés, à un débat sur l’immigration entre le footballeur Lilian Thuram et Alain Finkielkraut, professeur au Collège de France. Ce qui logiquement aurait dû se terminer par la déroute du premier s’acheva par un match nul. C’est que pour beaucoup, notamment dans le monde médiatique, les propos d’un sportif ont autant sinon plus de poids que ceux d’un intellectuel qui a réfléchi durant trente ans à telle ou telle question. Ajoutons que le sport a généré, durant ces dernières décennies, un conformisme incroyable et des montagnes de sottises : n’a-t-on pas dit par exemple, après la victoire de l’équipe de France dans le Coupe du Monde de 1998, que ce succès signait la victoire définitive d’une France multiculturelle apaisée ? Sept ans après, les banlieues flambaient dans un climat quasi insurrectionnel. L’invasion du sport n’a pas manqué de faire des dégâts collatéraux. La place survalorisée du sport n’a pas manqué d’entraîner la chute de la culture classique, emportée comme fétu de paille et remplacée par une nouvelle doxa ayant le sport comme colonne vertébrale.

Ayant été sportif amateur durant sa jeunesse, Robert Redeker ne livre pas ici un combat contre le sport, et Dieu sait s’il l’a aimé ! Combien de fois n’a-t-il pas vibré, dans sa jeunesse, aux exploits de Gachassin ou des frères Spanghero ? Ce qu’il déplore, ce qui le fâche, c’est de voir ce que le sport est devenu : un monde gangrené par l’argent où des mercenaires body-buildés se vendent au plus offrant, où le panache et l’honneur ont cédé la place aux cultes du résultat et de la performance. L’idéologie sportive secrète une démesure qui ne laisse aucune place au faible, au poète, au philosophe, au rêveur. Parmi les méfaits qu’entraîne la survalorisation de la place du sport, l’auteur met en avant l’incroyable renversement des valeurs auquel nous assistons depuis peu : « Des mercenaires  immatures et cupides tapant dans un ballon sont élus au rang de divinités  quand les véritables créateurs de civilisation, dont l’avenir retiendra les noms – poètes, penseurs, peintres, sculpteurs, savants – sont rejetés dans l’ombre. » (p. 17)  Il y a quatre ans, dans un ouvrage de la même veine, R. Redeker se demandait si le sport était inhumain. La réponse qu’il donne aujourd’hui n’est pas définitive mais, ce qu’il y a de certain, c’est qu’entretemps le sport n’a certainement pas gagné en humanité.

Robert Redeker, L’emprise sportive, François Bourin Editeur, 2012, 184 pages, 19 €

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Les musulmans, une menace pour la République ?

Poche: 213 pages
Editeur : Desclée de Brouwer (21 juin 2012)
Collection : RELIGION POLITI
Langue : Français
ISBN-10: 222006431X
ISBN-13: 978-2220064314
Dimensions : 17,4 x 7,6 x 1,6 cm

 Les musulmans, une menace pour la République ?

Il ne faut pas se payer de mots : la France a un problème avec l’islam. Pas avec les musulmans dont beaucoup  apprécient de vivre dans un pays de liberté  qui est devenu le leur à part entière. Le problème se situe au niveau des rapports assurant la coexistence du fait laïque et d’une religion totalisante, méconnaissant la séparation des pouvoirs. Ce heurt de deux mondes que beaucoup oppose, l’Etat le gère de façon curieuse. C’est vrai qu’il marche sur des œufs, mais mettre comme il le fait toutes les religions dans le même panier et faire accroire que, vis-à-vis de la laïcité, toutes partent du même pied, n’est pas exact. Pour ne pas donner l’impression de stigmatiser une population en particulier, on en vient à jeter la suspicion sur des réalités différentes. Il n’est qu’à voir les conférences départementales sur la laïcité : elles donnent une fâcheuse idée de cet égalitarisme de commande. Comme si toutes les religions présentes sur le territoire national connaissaient, vis-à-vis de leur présence dans l’espace public, les mêmes problématiques. Or, du fait de leur histoire, de leur structure et de leur théologie, on ne peut mettre sur un même plan le catholicisme et l’islam, encore moins le protestantisme et l’islam. La gestion des horaires de piscine dans certaines villes ou des repas halal dans les cantines scolaires constitue par exemple une manifestation aiguë de ces difficultés nouvelles. Et c’est justement parce que l’islam de France connaît un vrai problème de représentativité et de présence dans l’espace public que Stéphane Lathion et Olivier Bobineau ont écrit ce petit livre. Fragmenté et divisé, l’islam de France a de plus en plus de mal à se reconnaître dans cette réalité institutionnelle qu’est le Conseil National du Culte Musulman (CNCM), cet islam d’en-haut n’étant plus jugé crédible par la plupart de ses coreligionnaires. L’islam de France, dont Nicolas Sarkozy s’était voulu le plus ardent défenseur, est en train d’échouer, miné par ses divisions.

Les auteurs reviennent ensuite sur la laïcité, exception bien française. Après un regard porté sur la gestion des rapports entre religions et Etats dans certains pays francophones (Belgique, Suisse…), S. Lathion et O. Bobineau se demandent comment les musulmans peuvent mieux s’intégrer dans la société française. Les auteurs se veulent ici résolument optimistes. Trop peut-être… Une meilleure intégration des populations musulmanes peut difficilement passer par un affranchissement « aux références littérales du passé ». Pour l’immense majorité des musulmans, ce sont précisément ces références qui constituent l’armature de leur foi. Les abandonner, voire les minorer, pour mieux intégrer le cadre laïque correspond à un fantasme d’occidental. En d’autres termes  – c’est une des impressions qui sourd de ce livre -, le problème est moins l’islam en tant que tel que notre surprise de voir des populations manifester aussi fortement un sentiment religieux. Dans son dernier livre, Considérations inactuelles, Denis Tillinac met le doigt sur le nœud du problème : « Ce n’est pas l’Islam qui menace l’Occident mais l’apathie de son scepticisme face à des minorités qui croient au paradis  et à l’enfer comme nos ancêtres aux plus hautes époques de la foi. »

Olivier Bobineau, Stéphane Lathion, Les musulmans, une menace pour la République ?, Desclée de Brouwer, 2012, 213 pages, 14 €

 

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Recensions Religion

L’islam

Broché: 180 pages
Editeur : Parole et Silence Editions (2 février 2012)
Collection : Collège des Bernardins
Langue : Français
ISBN-10: 2889180328
ISBN-13: 978-2889180325
Dimensions : 20,8 x 14 x 1,6 cm

L’islam

Depuis septembre 2001 en gros, il se dit tellement d’absurdités sur l’islam qu’il est salutaire que, régulièrement, des spécialistes nous disent ce que l’islam est et n’est pas. Des prêtres – par exemple hier Jacques Jommier, aujourd’hui Christophe Roucou – interviennent dans le débat pour expliquer l’islam, religion et civilisation. Frédéric-Marc Balde, responsable des relations avec l’islam pour le diocèse de Paris, s’empare à son tour de ce sujet, immense et complexe. Grâce à ses talents de pédagogue, il parvient avec maestria à donner l’essentiel sans se perdre dans les détails. Ce que fait un Hans Küng en 900 pages, F.-M. Balde le fait en seulement 180. Des pages denses mais qui ont le mérite de donner une juste perspective. Pas de condamnation ni d’approche irénique, juste une entrée essentialiste et cognitive. Avec une science sûre, l’auteur revient sur les principaux fondements de la religion de Mahomet (ou Muhammad) : la révélation, le credo, le culte… Un lecteur attentif pourra être surpris par un plan qui attaque sur la vie du Prophète, puis les schismes… attendant la toute fin de l’ouvrage pour parler du Coran et de son importance pour les musulmans. L’arrivée tardive du Coran dans le livre interroge dans la mesure où l’islam est, par essence, la religion du Livre, ce que n’est pas le christianisme, religion de la Parole. Pour un musulman lire le Coran est en soi faire un acte de foi. Cela dit, ce que l’on pense être une singularité ne choque pas une fois la lecture entreprise. Le lecteur veillera à attribuer une attention particulière au dernier chapitre intitulé « Islam et islamisme ». L’islam, religion universelle et missionnaire, est pluriel… tellement pluriel que l’on se demande si parfois l’on ne devrait pas dire : « Les islams ». La notion de fondamentalisme, c’est-à-dire de purification par un retour aux sources, recouvre une acception un peu différente de ce que les Occidentaux entendent ordinairement. Un musulman fondamentaliste est loin d’être automatiquement un islamiste ; quant aux islamistes, on le sait, tous ont adopté une attitude fondamentaliste.

Petit par la taille, L’islam de Frédéric-Marc Balde trouvera sans peine sa place au rayon des livres dont on aurait tort de faire l’économie.

Frédéric-Marc Balde, L’islam, Parole et Silence, 2012, 180 pages, 15 €

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Recensions Religion

Prier 15 jours avec Yves Congar : Acteur majeur du concile Vatican II

Broché: 126 pages
Editeur : Nouvelle Cité (16 février 2012)
Collection : Prier 15 jours
Langue : Français
ISBN-10: 2853136647
ISBN-13: 978-2853136648
Dimensions : 19 x 11,4 x 1,2 cm

  Prier 15 jours avec Yves Congar

Alors que l’Eglise catholique est en train de fêter le 50ème anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II, les Editions Nouvelle Cité ont eu l’excellente idée de faire du P. Yves Congar un des guides de la collection Prier 15 jours. Avec ce nouvel opus, Prier 15 jours avec Yves Congar, acteur majeur du concile Vatican II, il est proposé au lecteur chrétien de prendre un peu de hauteur par rapport à l’événement, de ne pas l’absolutiser au point de perdre l’essentiel de vue, à savoir la vie spirituelle.

Il est tout à fait opportun que les Editions Nouvelle Cité enrichissent leur célèbre collection avec le P. Congar. Sa personnalité de théologien éminent lui ayant valu une réputation internationale, sa présence est ici amplement méritée. L’image que l’on garde du P. Congar est celle d’un immense intellectuel à la personnalité difficile (d’aucuns le surnommaient lui, le natif de Sedan, le « sanglier des Ardennes »). Son rôle à Vatican II, à côté de théologiens de la carrure de Josef Ratzinger ou de Karl Rahner, ses nombreux ouvrages et articles, sa haute idée de la Tradition de l’Eglise ont peut-être fait perdre l’essentiel de vue. Le P. Congar était d’abord un prêtre, un homme de Dieu, un homme pécheur. Dans son célèbre Journal d’un théologien, il fait preuve d’une belle humilité : « Je dois prendre beaucoup plus au sérieux ce à quoi je crois, ce que j’ai moi-même si souvent prêché : la foi d’Abraham et de Moïse, la foi absolue au Dieu vivant. »

Dans ce petit livre d’une centaine de pages, l’auteur, le P. Daniel Blaj, prêtre du diocèse de Lyon, insiste sur la dimension priante et confessante de l’auteur de Chrétiens désunis et de Jalons pour une théologie du laïcat. Dans de courts chapitres consacrés à des thèmes aussi divers que l’Esprit Saint ou Martin Luther, le P. Blaj fait percevoir combien le P. Congar était attaché à l’Eglise, une Eglise qu’il voyait missionnaire, mais pas au sens où on l’entend communément : « Pour mon compte, écrit le P. Congar dans un ouvrage paru en 1962, j’ai été extrêmement étonné de constater que le motif proprement missionnaire apparaît très peu dans le texte ancien. L’Eglise apostolique a été apostolique par le rayonnement de cellules d’amour que composaient les chrétiens. » Décidément, la pensée du P. Congar est toujours actuelle.

 

Daniel Blaj, Prier 15 jours avec Yves Congar, Nouvelle Cité, 2012, 120 pages, 12.50 €

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Actualités Recensions

La régression intellectuelle de la France

Broché: 100 pages
Editeur : Texquis; Édition : 2e (1 juin 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 2960047397
ISBN-13: 978-2960047394
Dimensions : 22,6 x 15 x 1,2 cm

 La régression intellectuelle de la France

En juin dernier, dans un établissement scolaire de Rennes, le jeune Kylian (13 ans) mourait, étranglé par un élève un peu plus âgé, un certain Vladimir. Telle était l’information donnée par Le Monde. L’essentiel était vrai mais, ce que cachait le célèbre quotidien du soir, c’était que le meurtrier ne s’appelait pas Vladimir, mais Souleymane, qu’il était d’origine tchétchène et de religion musulmane. Cela ne signifie évidemment pas que tous les Tchétchènes sont des assassins en puissance mais, en mentant de la sorte, Le Monde entendait minimiser le fait que les populations d’origine caucasienne étaient surreprésentées dans les prisons françaises. Tel est le premier aspect de la manipulation dont beaucoup de nos concitoyens sont les victimes consentantes. Le second aspect de la propagande officielle – ce que Philippe Nemo appelle la « régression intellectuelle » -, provient d’un arsenal législatif qui ne cesse d’étendre ses rets, de la loi Pleven de 1972 à la loi Taubira de 2001 en passant par la loi Gayssot de 1990. Désormais, les propos de chacun sont sévèrement encadrés par une doxa officielle ; gare à celui qui voudrait y déroger ! Sous prétexte de protéger les minorités de toute diffamation et discrimination, les politiques ont concocté un arsenal législatif qui dissuade de s’intéresser à certains sujets sensibles. Mieux vaut ne pas imiter Olivier Pétré-Grenouilleau qui, dans son ouvrage consacré aux traites négrières, avait affirmé que l’esclavage était un phénomène pluriséculaire qui avait touché la plupart des civilisations, et pas seulement l’européenne. Cela lui avait valu les foudres de la nouvelle censure pour qui l’esclavagiste était forcément blanc, européen et chrétien.

Par leur imprécision, les nouvelles lois de censure interdisent désormais tout débat public sur nombre de sujets. Dans toute discussion, à un moment ou à un autre, il y aura toujours un propos jugé malséant à l’égard de telle minorité, de tel groupe, de telle association. Mieux vaut donc se taire afin de ne pas tomber sous le coup de la loi. Des pans entiers de la vie publique se trouvent désormais placés sous surveillance. Tout propos public, voire privé, contraire à la doxa officielle, peut être incriminé. Pour l’instant, on est encore loin des régimes totalitaires qui, autrefois, imposaient une vérité unique, celle du Parti, celle du régime, mais on a tendance à s’y rapprocher peu à peu. En serons-nous un jour à adopter l’attitude de ces prêtres qui, il y a un siècle, au moment de la crise moderniste, préféraient ne pas penser de peur de mal penser ? 1984 serait-il plus proche qu’on ne le croit ? A ce titre, le livre de P. Nemo est un rappel nécessaire.

Philippe Nemo, La régression intellectuelle de la France, Texquis, 2011, 94 pages, 16 €

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La grande stratégie de l’Empire byzantin

Broché: 512 pages
Editeur : Editions Odile Jacob (30 septembre 2010)
Collection : HISTOIRE ET DOCUMENT
Langue : Français
ISBN-10: 2738125212
ISBN-13: 978-2738125217
Dimensions : 23,4 x 15,4 x 3,8 cm

 La grande stratégie de l’Empire byzantin

S’il y a une réalité historique dont ne parle pratiquement jamais, c’est bien l’Empire byzantin, construction politique et religieuse qui dura tout de même plus de mille ans et engloba, à un moment ou à un autre, des territoire aussi divers que l’Afrique du Nord, l’Asie Mineure et la majeure partie des Balkans. Si Byzance réussit à tenir la dragée haute à tant d’ennemis divers (Huns, Arabes musulmans, Hongrois, Bulgares…), ce fut moins par la force de ses armées que par l’intelligence de sa stratégie. La puissance brute n’aurait pas suffit à contenir à elle seule la multiplicité de ses ennemis. En dépit d’une armée régulière de qualité et de la position défensive excellente de la ville fondée par l’empereur Constantin, Byzance ne fut jamais assez forte pour mettre l’ensemble de ses ennemis à genoux. Les temps de la conquête romaine étant définitivement révolus, Byzance fut en conséquence adepte d’une stratégie indirecte de premier ordre. Pour ce faire, elle n’hésitait pas à acheter la paix, à embaucher des mercenaires, à passer des alliances, à détourner les migrations de nations entières pour les éloigner. Mais elle sut faire mieux et on reconnaît la spécificité de la stratégie byzantine à ce qu’elle évitait généralement d’anéantir la force militaire d’une nation hostile. Une fois la paix conclue, celle-ci pouvait devenir un allié précieux, un tampon permettant d’amortir le choc d’un ennemi venant de plus loin. La stratégie byzantine relève moins de coups audacieux que d’une recherche patiente du meilleur compromis. Enfin, comme le dit Edward Luttwak, « les Byzantins avaient à leur disposition davantage d’instruments de persuasion efficaces que leurs prédécesseurs ou rivaux, parmi lesquels la religion chrétienne de la ‘vraie foi orthodoxe’ ».

Une fois encore l’école historique états-unienne montre tout son dynamisme. L’originalité de la démarche et celle du sujet participent à l’explicitation de l’histoire tant à la mode dans un pays qui en a très peu. Malgré ces atouts, le récit peine à tenir le lecteur en haleine. Sans doute ce dernier aurait-il aimé plus d’histoires et moins de commentaires. L’essentiel de l’ouvrage résulte de la glose d’ouvrages de littérature militaire byzantine. S’ils mettent bien en perspective la grande stratégie de l’Empire byzantin, ils ressemblent trop à une explication de texte et, de la sorte, empêchent le récit de décoller.
Edward Luttwak, La grande stratégie de l’Empire byzantin, Odile Jacob, 2010, 512 pages, 29.90 €

 

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De l’inégalité parmi les sociétés

Broché: 492 pages
Editeur : Gallimard (22 novembre 2000)
Collection : NRF Essais
Langue : Français
ISBN-10: 2070753514
ISBN-13: 978-2070753512
Dimensions : 21,8 x 14,2 x 3 cm

 De l’inégalité parmi les sociétés

Il y a des livres qui font date : De l’inégalité parmi les sociétés en fait partie. Publié il y a douze ans, il n’a pas été dépassé. Par l’ampleur des questions qu’il soulève et des réponses qu’il apporte, De l’inégalité… est un livre majeur. Le travail grandiose de Jared Diamond s’inscrit dans le cadre d’une réflexion où sont tour à tour convoquées l’histoire, la géographie, la biologie, la climatologie, la linguistique, la génétique et bien d’autres disciplines. Sa thèse s’articule autour de la question suivante : Qu’est-ce qui a permis aux Européens de renverser les empires inca et aztèque et d’asservir les Indiens du continent américain ? Pourquoi, a contrario, ce ne sont pas les indigènes d’Amérique qui ont traversé l’Atlantique pour envahir l’Europe et y décimer les populations ? Pour Jared Diamond, la réponse tient en trois mots : les fusils, les germes et l’acier. « Pourquoi est-ce les Européens, plutôt que les Africains ou les indigènes américains, demande l’auteur, qui se sont retrouvés avec les fusils, les germes les plus nocifs et l’acier ? » L’auteur entend démontrer que les inégalités partageant les sociétés ne sont pas de nature raciale ; c’est dans l’environnement qu’elles trouvent leurs racines. Le passage des tribus de chasseurs cueilleurs aux premières sociétés sédentaires constitue une étape cruciale dans l’histoire de l’humanité : la domestication des animaux et des plantes nourricières ont permis un développement spectaculaire des récoltes. En dégageant des surplus, les sociétés se dotent d’experts exonérés du souci de produire, par exemple les scribes et les soldats. Avec les scribes naissaient l’écriture et la conservation de l’expérience acquise.

Malgré certaines longueurs et répétitions, comment ne pas être impressionné par la qualité et l’ampleur du travail réalisé par J. Diamond ? Il semble toutefois manquer, parmi les facteurs explicatifs des inégalités dont il est question, deux causes importantes. La première est d’ordre militaire. Rien n’est dit des deux grandes innovations qui ont contribué à l’avènement et au déclin de certaines sociétés humaines : l’archer monté turco-mongol et l’infanterie lourde occidentale. Autre réserve : la place mineure accordée aux causalités d’ordre religieux. En liquidant le temps cyclique des sociétés archaïques, le christianisme a imposé une conception linéaire du temps avec, en ligne de mire, l’exaltation du progrès continu.

Un travail remarquable.

Jared Diamond, De l’inégalité parmi les sociétés, Gallimard, 2000, 482 pages, 35.50 €

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Histoire Recensions

Henri VIII et le schisme anglican

Broché: 190 pages
Editeur : Cerf (15 mars 2012)
Collection : Histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2204096911
ISBN-13: 978-2204096911
Dimensions : 23,4 x 14,4 x 1,6 cm

 Henri VIII et le schisme anglican

La communion anglicane regroupe des dizaines d’Eglises de par le monde ; toutes sont issues du conflit qui opposa le roi Henri VIII à la papauté. Ici deux thèses s’affrontent. Le schisme anglican est-il la suite, le corollaire de l’expansion de la Réforme née avec Luther dans l’Allemagne du début du XVI° siècle  ou, plus simplement, la conséquence des péripéties d’ordre sentimental liée à la vie du souverain anglais ? A défaut de privilégier l’une au détriment de l’autre, Aimé Richardt unit les deux dans un subtil mélange. Les débuts de cette affaire relèvent uniquement de la vie sentimentale du roi Henri qui, en épousant Catherine d’Aragon, sa première épouse, a fait un mariage politique. Mais c’est par amour qu’il épouse Anne Boleyn et trois de ses quatre autres épouses. Quand un roi divorçait d’une princesse étrangère, cas de Catherine d’Aragon, il n’était guère pensable de lui couper la tête en cas de difficulté : c’eut été un cas de casus belli. Faire exécuter les épouses anglaises s’avérait par contre plus facile, d’autant que cela avait pour avantage de faire savoir aux puissants du royaume que le roi était bien le maître. La volonté d’Henri de faire annuler le mariage qu’il avait contracté avec Catherine d’Aragon engendra la rupture fatale. Malgré un lobbying entreprenant, Henri VIII ne parvint pas à faire plier le pape Clément VII lequel, pour sa part, persistait à considérer ce mariage comme étant canoniquement valide. Ce qu’Henri prenait pour un refus obstiné n’était en fait, chez le pape, que la volonté d’appliquer la loi de l’Eglise. Quoiqu’il en soit, face à la résistance qu’on lui opposait, le roi prit en son royaume une liste impressionnante de mesures destinées  à briser le catholicisme. La disparition de la vie monastique en Angleterre date de cette époque. Ces mesures coercitives devaient immanquablement amener le roi à prendre la tête de l’Eglise d’Angleterre. En dépit d’un retour bref du catholicisme avec la reine Marie Tudor, la reine Elisabeth I° (la « Grande Elizabeth ») parvint à asseoir définitivement l’indépendance de l’Eglise d’Angleterre. La doctrine du juste milieu chère à Henri triomphait.

En moins de deux cents pages, Aimé Richardt parvient à dresser un tableau aussi complet que précis des conséquences politiques et religieuses nées de l’entêtement et de la fougue d’Henri VIII. Très éclairant.

Aimé Richardt, Henri VIII et le schisme anglican, Le Cerf, 2012, 192 pages, 19 €

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Recensions Religion

La belle mort de l’athéisme moderne

Broché: 168 pages
Editeur : PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE – PUF; Édition : 1 (11 janvier 2012)
Collection : Quadrige Essais Débats
Langue : Français
ISBN-10: 2130591655
ISBN-13: 978-2130591658
Dimensions : 18,8 x 12,4 x 1,4 cm

 La belle mort de l’athéisme moderne

C’est un livre remarquable que vient de publier le philosophe Philippe Nemo, auteur de La belle mort de l’athéisme moderne. Un petit livre qui, en sept courts chapitres, s’avère d’une extraordinaire densité. Cet ouvrage est à lire avec la plus grande attention car toutes les pages sont importantes, à commencer par la première page de la préface dans laquelle P. Nemo explique sa méthode de travail. Il postule en effet que le christianisme est vrai. Attention, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de vérité ailleurs que dans le christianisme, mais pour l’auteur « c’est le seul à receler la vérité qui importe le plus à la vie humaine. » (p. 10) L’ouvrage reprend des conférences et articles parus en France et en Italie. D’habitude ce mélange produit davantage de patchworks que de chefs-d’œuvre, or, ici – heureuse surprise ! – l’assemblage ne souffre pas de manque d’unité. Dans un premier chapitre, P. Nemo postule la fin de l’athéisme post-moderne, mort de sa belle mort, mort parce que, « finalement il n’a rien de bon à offrir à l’humanité » (p. 11). Suivant René Girard, l’auteur estime que la Bible et l’Evangile « seuls tiennent, dans le monde d’aujourd’hui, un discours sensé sur le bien et le mal, sur la vie et la mort. » (p. 26) L’analyse du Livre de Job permet d’entrevoir la puissante originalité du judéo-christianisme, révolution éthique et révolution eschatologique. Dans les chapitres suivants l’auteur montre à quel point la Bible a changé le monde « en mettant en relief la responsabilité individuelle, en donnant comme mot d’ordre l’amour du prochain… ». Ce faisant, la Bible dit bien plus que ce qu’affirme la « raison sécularisée » qui, elle, ne dit rien de la vie et de la mort, du bien et du mal.

Enfin c’est le christianisme qui a promu le libéralisme. L’affirmation ne se réduit pas au seul libéralisme économique ; elle met l’accent sur la liberté que possède l’homme de prendre son destin en main, d’assumer son avenir. Seule la liberté peut traduire de façon significative la charité en acte. Revenant sur l’histoire des racines chrétiennes de l’Europe et leur dénégation, l’auteur déplore le manque de courage des responsables politiques européens qui, à force de vouloir tout niveler, oublient ce que l’Europe, en tant que construction politique et économique, doit au christianisme. Ignorance ou lâcheté ? Les deux sans doute.

Un livre de conviction et de raison, en tous points passionnant !

Philippe Nemo, La belle mort de l’athéisme moderne, Puf, 2012, 149 pages, 15 €