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Histoire Recensions

Lettres de la Wehrmacht

Broché: 340 pages
Editeur : PERRIN (18 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262043396
ISBN-13: 978-2262043391
Dimensions : 21,1 x 2,7 x 14 cm

 Lettres de la Wehrmacht

Le soldat en guerre écrit beaucoup. Ce fut le cas des soldats allemands durant la Seconde Guerre Mondiale. Il n’est pas inutile ici de rappeler que, dans ce domaine, les Allemands en ont remontré aux autres nations belligérantes. En effet, malgré les défaites et la débâcle des derniers mois de la guerre, le service postal s’est toujours poursuivi : il en allait du maintien moral du soldat, élément capital dans tout conflit.

C’est à Berlin qu’une jeune chercheuse française, Marie Moutier, a exhumé, parmi 16 000 lettres, la centaine de lettres présentée dans ce volume.

Contrairement aux Lettres de Stalingrad écrites par les condamnés à mort qu’étaient les landser pris au piège par l’Armée Rouge – et qui ne peuvent se lire sans une certaine émotion -, celles qui nous sont données à lire ici reflètent les situations les plus diverses. Beaucoup, par exemple, sont écrites par des soldats heureux d’être, dans les premières années du conflit, membres d’une armée ayant acquis une telle puissance. Présentées chronologiquement, des années heureuses (1939-1942) à l’effondrement final (1943-1945), ces lettres racontent la plupart des situations dans lesquelles se trouvait le soldat allemand : au repos à Paris, dans l’attente d’une offensive russe, à l’arrivée en Cyrénaïque avec Rommel, etc. Une fois l’ouvrage refermé, deux impressions dominent. D’une part, comme l’écrit l’historien britannique Timothy Snyder en préface, « ce recueil nous incite à penser cette guerre en des termes plus universels qu’il ne nous plairait ». De fait, le soldat allemand, qu’il soit vainqueur ou défait, ressemble à la plupart des soldats des autres nations engagées dans ce titanesque conflit. Mais, sans fard, cet ouvrage montre également la morgue et l’orgueil de soldats plus souvent contaminés qu’on ne le pense par le virus nazi. Les lettres écrites dans la France de juin et juillet 1940 sont l’occasion pour le feldgrau de traiter les Français de pleutres, membres d’une nation dégénérée. Polonais et Soviétiques sont traités de sous-hommes, peuples bons pour l’esclavage. Beaucoup de lettres donnent à penser que, loin de se désolidariser des crimes commis par la SS ou la Gestapo, beaucoup d’anonymes ne voyaient aucun mal à traiter les peuples conquis de l’Est par le fer et le feu. Ces Lettres de la Wehrmacht éclairent le conflit sous un angle original.

 

Présentées par Marie Moutier, Lettres de la Wehrmacht, Perrin, 2014, 338 pages, 22 €

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Recensions Témoignages

Une affaire de famille

Broché: 136 pages
Editeur : Cerf (10 avril 2014)
Collection : HISTOIRE A VIF
Langue : Français
ISBN-10: 2204102091
ISBN-13: 978-2204102094
Dimensions : 21 x 1 x 13,5 cm

 Une affaire de famille

Qui des relations entre juifs et chrétiens au XX° siècle ? Le dernier livre d’Alexandre Adler s’y intéresse de près.

 

            Nous avons eu l’occasion de souligner dans nos colonnes tout le bien qu’il fallait penser du dernier livre d’Alexandre Adler. Intellectuel juif, spécialistes des relations internationales, il y montre un talent qu’on ne lui connaissait pas. Non content de montrer beaucoup d’empathie à l’égard de l’Eglise, il démontre avec brio que les ressorts des institutions chrétiennes ne lui sont pas inconnus. Par exemple la rencontre qui, en 1964, réunit le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras n’a pour lui aucun secret. De même il se meut avec aisance dans les arcanes de l’Eglise anglicane, distinguant bien ce qui sépare la High Church (Haute Eglise) de la Low Church (Basse Eglise). Sa proximité de filiation avec le monde juif ne l’empêche donc pas de connaître à la perfection des religions éloignées de son appartenance confessionnelle. La sympathie qu’il éprouve à l’égard du pape Jean XXIII l’égare-t-elle lorsque, contrairement à certains historiens, il semble exonérer ses prédécesseurs de toute inclination envers les totalitarismes bruns. Alexandre Adler juge par exemple « insoutenable » la thèse de Rolf Hochhuth reprochant au pape Pie XII ses silences. Pour lui, « Pacelli devenu Pie XII est un adversaire aussi déterminé de Hitler que l’était Pie XI » (p. 81). Il va même plus loin dans la défense de Pie XII : « Pie XI ne mérite pas tant d’éloges et Pie XII ne mérite pas tant d’opprobre. » Il entrevoit même un grand dessein chez Pie XII, qui n’est rien moins que le renversement du nazisme « au profit d’une dictature conservatrice » (p. 85).

Tout entier à la louange du « bon pape Jean » – « Je n’avais que huit ans lorsque Angelo Roncalli, le futur Jean XXIII, entra dans ma vie et que j’appris à le connaître selon un mouvement d’affection qui ne devait plus se démentir » (p. 9) – l’auteur évoque la figure de celui qui va être porté ce week-end sur les autels. Non content de mettre en avant « la sainteté de l’homme, avérée, indiscutable », Alexandre Adler évoque sa théologie et sa foi, acte d’abandon et non de volonté. Cette précision permet de souligner, s’il en était encore besoin, la remarquable connaissance de l’auteur pour la « sœur cadette » qu’est l’Eglise catholique.

 

Alexandre Adler, Une affaire de famille, Le Cerf, 2014, 144 pages, 15 €

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Biographies Recensions

Lawrence d’Arabie

Broché: 492 pages
Editeur : PERRIN (27 mars 2014)
Collection : Biographies
Langue : Français
ISBN-10: 2262040486
ISBN-13: 978-2262040482
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,8 cm

 Lawrence d’Arabie

Il est assez normal qu’un personnage de légende comme Thomas Lawrence – alias Lawrence d’Arabie – soit régulièrement un objet d’étude. Celle que lui consacre Christian Destremau vaut la peine qu’on s’y arrête car elle constitue, à coup sûr, une référence en matière de biographie.

Ce qui frappe à travers la vie de ce paladin des temps modernes, c’est moins ses hauts faits d’armes sur un front somme toute secondaire qu’une vie pleine et vite consumée. Ce qui surprend, c’est moins l’aide qu’apporte Lawrence aux tribus arabes désireuses de s’affranchir de l’occupation turque que sa personnalité hors normes. Voyageur impénitent attiré par l’Orient et la civilisation arabe, c’est presque par hasard que Lawrence se retrouve à la tête de la rébellion arabe. Alors qu’il n’a pas encore trente ans, il se lance à corps perdu dans cette lutte colossale. Guerre aux effectifs modestes et qui n’aura qu’un impact limité sur le cours général du conflit, mais conflit titanesque pour ce jeune Irlandais devant, au milieu de guerriers arabes tantôt inconstants tantôt irascibles, faire preuve d’un réel talent de diplomate. C’est là, au milieu de guerriers pour qui il éprouve de l’admiration mais vis-à-vis desquels il conserve une certaine distance, que se forge la légende du grand Lawrence d’Arabie. Christian Destremau ne cache pas les coups de blues de Lawrence, la besogne à toujours recommencer, la difficulté d’entretenir des relations avec des bédouins jaloux et rancuniers, la chaleur accablante du désert, les voyages à dos de dromadaire… Et puis, comme tous les grands hommes, Lawrence a ses faiblesses et ses petitesses, mais elles n’affectent en rien l’admiration que le lecteur peut avoir à l’égard du météore qu’il fut.

Lawrence a mal vécu la fin de la guerre, estimant les Arabes trahis par les traités de paix des années 1919 et 1920. Il tente de sauver les meubles, de sauvegarder la libre fierté de ceux qui ont répondu à son appel. Après l’écriture de ses monumentales mémoires, Les sept piliers de la sagesse, un des sommets de la littérature mondiale, Lawrence s’engage dans la RAF. Souvent déprimé, il voulait vivre dans l’anonymat et échapper aux feux de la rampe.

L’auteur de ce beau Lawrence ne cache rien de la part d’ombre qui habite la vie d’un homme qui n’a pas eu toujours les mains propres. Ce souci d’honnêteté n’entrave en rien le sentiment d’admiration que l’on éprouve à l’égard d’une trajectoire aussi brillante que fulgurante.

 

Christian Destremau, Lawrence d’Arabie, Perrin, 2014, 492 pages, 24.50 €

 

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Biographies Recensions

Montgomery, l’artiste des batailles

Broché: 395 pages
Editeur : PERRIN (7 mai 2014)
Collection : Maîtres de Guerre
Langue : Français
ISBN-10: 2262040842
ISBN-13: 978-2262040840
Dimensions du produit: 21 x 15,8 x 3,4 cm

 Montgomery, l’artiste des batailles

Une très belle collection vient de voir le jour chez Perrin. Evidemment, pour l’apprécier à sa juste valeur, mieux vaut être entiché de l’histoire militaire. Après des volumes consacrés à Hitler, Staline, Patton et Von Manstein, la collection « Les maîtres de guerre » a confié à Antoine Capet, professeur de civilisation britannique à l’université de Rouen, la tâche de rédiger un ouvrage sur Montgomery, le célèbre maréchal britannique qui battit Rommel en Afrique du Nord et contribua à délivrer l’Europe de l’Ouest des griffes nazies. Autant dire que l’auteur réussit pleinement son pari. Il y est aidé par une superbe mise en page accompagnée de photos souvent inédites. Le texte d’Antoine Capet, toujours très vivant, introduit le lecteur au cœur de la stratégie mise en place pour mettre l’armée allemande à genou. L’auteur réussit à éviter l’écueil de la technicité pour mieux mettre en avant le talent et les fautes du maréchal britannique. Au rang de ses talents, la maîtrise de l’événement, la minutie, le souci des pertes humaines et la patience : « Il prépare minutieusement ses batailles, ne connaît pas la panique et ne perd jamais de vue sa stratégie d’ensemble […] ; il s’adapte facilement aux initiatives de l’ennemi et peut changer de tactique avec une rapidité déconcertante… » (p.271) Le talent de Monty ne l’empêche pas de connaître déconvenues et échecs, le plus notoire étant Arnhem, « le pont trop loin », en septembre 1944. Emporté par les succès précédents, Montgomery avait mal apprécié la surprenante capacité de l’armée allemande à se remettre de la défaite de Normandie. Comme beaucoup de grands hommes de cette époque, les défauts de Monty sont au moins aussi égaux que ses capacités : beaucoup d’orgueil, le sentiment d’avoir raison contre tout le monde, la difficulté à reconnaître ses torts… Les grands hommes ont souvent un caractère malcommode : Montgomery ne fait pas exception.

Ce Montgomery est donc un livre passionnant, un petit joyau au sein d’une collection prometteuse.

 

Antoine Capet, Montgomery, l’artiste des batailles, Perrin, 2014, 395 pages, 23 €

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Littérature Recensions

Russies

Broché: 203 pages
Editeur : Philippe Rey (7 octobre 2010)
Collection : DOCUMENT
Langue : Français
ISBN-10: 2848761709
ISBN-13: 978-2848761701
Dimensions : 15 x 12,8 x 1,8 cm

  Russies

Dominique Fernandez, académicien français de grande renommée, ne cesse d’arpenter la Russie, de Moscou à Vladivostok et de Saint-Pétersbourg à Irkoutsk. Il le fait en amoureux fou de cet immense espace, trente fois grand comme la France. Il sillonne donc la Russie en tous sens, à la recherche de l’âme russe. Elle se niche partout, dans le paysage, dans la religion, les comportements et les mentalités. Un de ses traits saillants est par exemple cette étrange capacité à la résignation, au fatalisme, le fatum des Anciens. A quoi est-elle due ? se demande l’auteur : « A l’influence de l’esprit oriental », au « fait d’habiter un pays sujet à des différences si énormes entre le chaud et le froid, à des sautes de températures si brusques qu’elle réduisent à néant tout essai de résistance, à l’habitude ancestrale […] d’être soumis à un pouvoir écrasant. » (p. 111)

L’auteur n’oublie pas de raconter la Russie de Vladimir Poutine. Elle n’a pas, sous sa plume, les traits mauvais que lui prête un Bernard-Henri Lévy. Même s’il reconnaît volontiers à Vladimir Poutine ses traits d’autorité, Dominique Fernandez ne lui en tient pas rancune : Poutine n’incarne-t-il pas une autre face de l’âme russe à travers la recherche de la puissance et l’aspiration à l’énergie, que l’on trouve depuis longtemps chez les héros et les artistes ?

Le livre de Dominique Fernandez est magnifiquement écrit. On ne le referme pas sans le désir d’en savoir plus, de chercher, à notre tour, ce qu’a de merveilleux et de tragique cette âme russe, une âme faite de fatalisme, espérant sans cesse en des lendemains meilleurs. « Ce n’est pas la misère qui caractérise la Russie ou qui l’a jamais caractérisée. C’est le sentiment tragique de la vie. La tragédie peut provenir de la misère. Mais la misère n’a été qu’une composante parmi d’autres plus graves, plus constantes : la violence historique, la violence climatique. » (p. 186).

Elles sont belles les Russies de Dominique Fernandez, avec ses paysages monotones, ses villages perdus aux maisons déglinguées et aux jardinets minables, ces ciels plombés. Un très beau livre d’amour !

 

Dominique Fernandez, Russies, Philippe Rey, 2014, 204 pages, 18 €

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Littérature Recensions

Napoléon et la campagne de France – 1814

Broché: 368 pages
Editeur : Armand Colin (22 janvier 2014)
Collection : Hors collection
Langue : Français
ISBN-10: 2200287402
ISBN-13: 978-2200287405
Dimensions : 23,2 x 15,2 x 2 cm

 Napoléon et la campagne de France – 1814

Le centenaire de la Grande Guerre a malheureusement tendance à occulter un événement important de l’histoire de France : la campagne de France de 1814, prélude à la première abdication de l’Empereur Napoléon.

Successeur de Jean Tulard à la tête de l’Institut Napoléon, déjà auteur d’une trentaine d’ouvrages, Jacques-Olivier Boudon était bien placé pour donner, en un petit livre, une bonne synthèse de cette campagne. Il faut convenir que l’auteur réussit son pari avec maestria : style limpide, maîtrise de l’information, visée pédagogique… Bien sûr, on pourrait faire la fine bouche en se demandant ce que cet ouvrage apporte de neuf à une histoire bien connue et maintes fois racontée. Mais face à l’hémiplégie mémorielle contemporaine, l’argument est de peu de poids : il est bon de chanter, à temps et à contretemps, les belles pages de l’histoire de France. Et, quoique essentiellement militaire, celles écrites par Napoléon et sa petite armée font partie de ces dernières. Assailli par des forces infiniment supérieures, Napoléon multiplie les victoires (Vauchamps, Montereau, Montmirail…) grâce au mot d’ordre qu’on lui connaît depuis ses plus jeunes années : « Vitesse et activité », tactique qui lui permet de tenir tête à une coalition dont les armées réunies sont plusieurs fois supérieures au total des hommes qu’il a pu réunir et équiper. Le brio avec lequel Napoléon retarde l’échéance n’a qu’un temps, la disproportion des forces étant trop importante. Faisant fi de l’attitude de Napoléon et de son armée, les souverains coalisés mettent un terme à la guerre en prenant Paris. La France étant un pays extrêmement centralisé, la perte de la capitale signifie la fin de l’Empire. On sait la suite : l’abdication de Fontainebleau, le départ pour l’Ile d’Elbe, puis les Cent-Jours et enfin Waterloo.

Jacques-Olivier Boudon livre une synthèse accomplie de cet hiver 1814, n’oubliant pas les fronts périphériques comme l’Italie ou la difficulté de mobiliser un peuple en guerre constante depuis plus de vingt ans. Bref, un beau livre pour une belle page d’histoire.

 

Jacques-Olivier Boudon, Napoléon et la campagne de France – 1814, Armand Colin, 2014, 365 pages, 20 €

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Histoire Recensions

Histoire du terrorisme

Broché: 488 pages
Editeur : PERRIN (20 mars 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033463
ISBN-13: 978-2262033460
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 Histoire du terrorisme

Gilles Ferragu a pris l’heureuse initiative de s’attaquer à un sujet qui, s’il est on ne peut plus actuel, n’a que rarement fait l’objet d’une étude historique. Cette Histoire du terrorisme ne commence pas avec les tyrannicides propres au XVI° siècle (assassinat des rois Henri III et Henri IV par Jacques Clément et Ravaillac), mais trois siècles plus tard. Pourquoi ? Parce que, comme le précise l’auteur, « le XIX° siècle invente le terrorisme dans son acception la plus courante, à savoir la violence dirigée contre l’Etat à travers l’un de ses représentants » (p. 17) La terreur d’Etat propre aux excès révolutionnaires étant passée sous silence, ce n’est véritablement qu’avec l’assassinat du duc de Berry par Louvel en 1820 que débute la narration. L’histoire du terrorisme en cette époque est intimement liée à celle de l’Europe. Sociétés secrètes comme les carbonari en Italie, anarchistes à la Ravachol et révolutionnaires russes (voir le portrait qu’en fait Dostoïevski dans Les Démons), dressent un inquiétant panorama d’une civilisation en transformation profonde. Problème sociaux, territoriaux, économiques et ethniques augurent mal du XX° siècle : le signal de la Grande Guerre est tiré par un affidé de la Main noire, organisation terroriste serbe refusant la souveraineté de l’Autriche-Hongrie sur une partie des Balkans. Avec les totalitarismes brun et rouge des années 1920-1950 naît une autre forme de terrorisme, celui d’Etat.

On ne sera pas surpris d’apprendre que l’essentiel de l’ouvrage est consacré au terrorisme de la fin du siècle dernier. L’auteur en dresse le vaste panorama, qui va du terrorisme islamiste à l’ETA basque, à l’IRA irlandaise en passant par Action Direct en France ou les Brigades rouges en Italie. Assassinats ciblés, extorsions de fonds, kidnappings… se basent sur des revendications qui tournent vite à la paranoïa. A travers de nombreux exemples, Gilles Ferragu dresse le portrait en creux du terroriste : un asocial, homme d’un seul combat, érigeant en absolu le détournement des lois communes.

Cette Histoire du terrorisme constitue une bonne approche des conflits contemporains, asymétriques quant aux moyens confrontés, irrationnels quant aux motivations de leurs principaux acteurs.

 

Gilles Ferragu, Histoire du terrorisme, Perrin, 2014, 488 pages, 23.50 €

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Recensions Témoignages

L’Oural en plein cœur : Des steppes à la taïga sibérienne

Broché: 250 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (30 avril 2014)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226256814
ISBN-13: 978-2226256812
Dimensions : 20,4 x 13,8 x 2,2 cm

 L’Oural en plein cœur

En septembre, chacun se fait plaisir en racontant à ses collègues de travail le ou les voyages qu’il a effectués durant la période estivale : « J’ai fait l’Italie », dit l’un ; « moi le Maroc » répond son voisin, et ainsi de suite. Ce genre d’activités de masse, planifié et encadré, ces soi-disant voyages sont-ils encore du voyage ? Ils en ont l’apparence, mais ne sont au final que des ersatz mal fagotés. Astrid Wendlandt fait partie des vrais voyageurs, aventuriers prêts à plaquer le confort quotidien pour se risquer à l’imprévu et au dépaysement total et soudain. Journaliste « globe-trotteuse », amoureuse d’un Russe qui l’avait jadis éconduite, elle a décidé de risquer le tout pour le tout et de le rejoindre. Problème : ce Russe n’habite pas à Moscou ou Saint-Péterbourg, villes cosmopolites qui font maintenant partie des lieux habituels de visite, mais dans l’Oural, à quelques encablures de la capitale, ce qui, à l’échelle de ce pays-continent, représente tout de même un bon millier de kilomètres. L’Oural, le dernier balcon avant l’immensité sibérienne, un des derniers refuges vierges où des milliers de kilomètres carrés n’ont jamais vu présence humaine. Avec L’Oural en plein cœur, on est certes loin du dépaysement décrit par le marquis de Custine avec sa Russie en 1839 ou de la truculence de Sylvain Tesson, auteur d’un superbe récit : Dans les forêts de Sibérie. Il n’empêche ! Avec une sorte de fausse candeur, Astrid Wendlandt nous gratifie d’un beau carnet de voyage dans une région aussi sauvage qu’attachante, à mi-chemin entre la modernité moscovite et le dénuement des immensités désolées de la Sibérie. Dans ces vastes contrées aux contours improbables, l’auteur raconte de bien étonnantes rencontres, comme celle d’une communauté ayant rompu avec la civilisation. A Alexandrovka se sont réunis celles et ceux qui « ont fait un pied de nez à la civilisation pour s’en créer une nouvelle. » Comment, à travers les rencontres et les liens noués, dans la description des paysages, le lecteur ne se sentirait-il pas happé par ce sentiment propre à la Russie : la démesure… ? Démesure des habitants et des lieux, c’est cela l’Oural et la Russie en plein cœur !

 

Astrid Wendlandt, L’Oural en plein cœur, Albin Michel, 2014, 216 pages, 19.50 €

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Histoire Recensions

L’Algérie de Pétain

Broché: 456 pages
Editeur : PERRIN (17 avril 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033374
ISBN-13: 978-2262033378
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 L’Algérie de Pétain

La fameuse Grande Histoire des Français sous l’Occupation, œuvre colossale de Henri Amouroux, a désormais un prolongement de qualité avec L’Algérie de Pétain. Les Algériens ont la parole (1939-1942). Il faut remercier Pierre Darmon, déjà auteur d’une histoire de l’Algérie coloniale, d’avoir osé s’atteler à un sujet aussi peu étudié. Evacuons d’emblée la petite insuffisance dont souffre l’ouvrage, à savoir le peu de place accordé à la vie quotidienne dans l’Algérie de cette époque. S’étant focalisé sur la vie politique dans l’Algérie de Pétain, Pierre Darmon minimise cet aspect crucial : on s’arrange d’autant mieux d’un pouvoir politique qu’il pourvoit à votre alimentation et à votre habillement, ce qui était loin d’être le cas dans l’Algérie des années 1939 – 1942. A l’aide de témoignages et d’articles de presse, fort d’avoir ingurgité une grosse quantité d’ouvrages relatifs à la période et au Maghreb, Pierre Darmon parvient à donner un tableau saisissant de la façon dont les diverses communautés (française, juive, musulmane, espagnole…) appréhendent le conflit mondial. Il est frappant de voir par exemple combien les populations musulmanes sont ébranlées dans leur confiance à la France devant la force déployée par les armées allemandes. Autre thème dont on ne peut faire l’économie : nombre de Français d’Algérie et de musulmans se retrouvent sur le thème de l’antisémitisme. Enfin, l’armistice de 1940 donne des idées à une élite musulmane éduquée désireuse d’émancipation : après tout, la puissance occupante ne vient-elle pas de montrer sa fragilité lors de l’éclatante défaite du printemps 40 ? L’auteur consacre de nombreux chapitres au pétainisme dont font preuve beaucoup d’Algériens, Français et musulmans. Le prestige de Pétain ressemble au roc pendant la tempête. Cependant, dès les premières fêlures les abandons vont se précipiter. Les défaites allemandes (Stalingrad, El-Alamein) rebattent les cartes. Si beaucoup de Français se découvrent résistants, nombreux sont les musulmans à céder aux sirènes anti-coloniales. Le débarquement des Américains en Algérie fin 42 (Opération Torch) constitue un signe fort des prochains abandons vécus par ces puissances aux prestigieux passé colonial que sont la France et l’Angleterre. Ils sont nombreux, en Afrique et en Asie, à faire de Roosevelt un des champions de la cause anti-coloniale.

L’Algérie de Pétain traite de façon solide un sujet rarement étudié. Sachons en savoir gré à son auteur.

 

Pierre Darmon, L’Algérie de Pétain, Perrin, 2014, 522 pages, 25 €

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Histoire Recensions

La guerre au XX° siècle

Broché: 453 pages
Editeur : Perrin (30 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2-262-03656-0
Dimensions : 14,2 × 21,2 x 3,2 cm

  La guerre au XX° siècle

Auteur de nombreux livres relatifs à l’histoire militaire au XX° siècle, Pierre Vallaud nous entraîne cette fois dans l’histoire de la guerre au XX° siècle. Ou plutôt faudrait-il écrire : L’histoire des guerres au XX° siècle. En effet, le titre suggère une étude de l’évolution des doctrines et des pratiques de la guerre au siècle dernier et non pas, comme c’est le cas, une histoire des conflits, de la Première guerre mondiale à la chute du Mur de Berlin. Cette précision faite, on retiendra que ce livre, plaisant et facile à lire, constitue une bonne introduction à l’histoire du XX° siècle à travers les multiples guerres qui l’ont scandé. L’auteur a réussi son pari qui était de donner l’essentiel en peu de pages. Par contre, s’il paraît utile au néophyte, le lecteur averti courra la crainte d’être déçu par un panorama dont la vastitude nuit à la précision. Sans entrer dans le détail, disons par exemple que la guerre à l’Est, au cours de la Seconde guerre mondiale, est traitée de façon très cavalière. D’emblée, des erreurs factuelles empêchent de comprendre la singularité du conflit. Il n’est pas vrai, par exemple, de dire que « l’Allemagne affiche une insolente supériorité matérielle » (p. 210). Au contraire, le III° Reich prend des risques fous en envahissant l’Union Soviétique le 22 juin 1941. Cette attaque du fort au fort est mal pensée au plan stratégique. Hitler aurait-il osé attaquer l’ours russe s’il avait su que l’attendaient pas moins de 200 divisions, 10 000 chars et 15 000 avions… bref une armée à la doctrine archaïque mais pléthorique et offrant d’énormes capacités de résilience ? Autre exemple : l’Opération Bagration (fin juin 1944), qui constitue la plus gigantesque défaite militaire allemande au cours du siècle, est traitée en quelques paragraphes au contenu approximatif… moins de place que n’en prend par exemple la campagne des Alliés en Italie de 1943 et 1944. Au regard du titre, l’essentiel aurait été, nous semble-t-il, de dire la spécificité des conflits parcourant le siècle : une guerre totale, s’en prenant aussi bien aux civils qu’aux soldats, une guerre de doctrine dans laquelle le nombre et la qualité technique des armes prévalent sur le courage des combattants.

Le lecteur intéressé par le sujet aura intérêt à compléter sa lecture par d’autres études. Sans être exhaustif, citons des auteurs comme Antony Beevor, Alistair Horne, David Glantz, côté anglo-saxon, Jean Lopez côté francophone.

 

Pierre Vallaud, La guerre au XX° siècle, Perrin, 2014, 453 pages, 24 €