Les amis d’Alain de Benoist ont offert à ce dernier un ouvrage copieux, ensemble de « textes offerts à Alain de Benoist à l’occasion de son 80ème anniversaire ». Ce témoignage d’amitié est très beau mais, question, qui connaît Alain de Benoist, en dehors du cercle restreint de celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire et au mouvement des idées ? Certains, incapable d’éviter la caricature, répondront : Alain de Benoist est le fondateur de la Nouvelle Droite. Sans plus se poser de questions, ils le rangeront à droite, très à droite même, ce qui n’est rien comprendre de la personnalité et de l’œuvre d’un intellectuel de très haut vol, auteur prolixe ayant derrière lui une centaine de livres, monument d’érudition, sorte de Pic de la Mirandole égaré dans une époque ignorante de la culture. La peste soit du monde médiatique, lequel s’obstine à faire silence sur un homme qui donne l’impression d’avoir tout lu sur quantité de sujets.
Collectif, Un chemin de pensée, édité par les Amis d’Alain de Benoist, 2023, 706 pages, 32 €
Si l’auteur affiche de la compréhension à l’égard du libéralisme tel que l’entendait Tocqueville, c’est-à-dire un système qui associe liberté, sens de la mesure, intervention de l’Etat si nécessaire, il est en revanche d’une implacable sévérité à l’encontre de l’espèce de caricature qu’il est devenu : un instrument au service du marché et de l’argent-roi ! A côté de chapitres assez difficiles, il en est d’autres d’une confondante limpidité, des articles taillés au cordeau qui synthétisent les données et les enjeux d’un problème tout en permettant à l’auteur d’afficher son point de vue. L’auteur dresse l’histoire du capitalisme, la façon dont il a substitué l’intérêt personnel et égoïste à la notion de bien commun. La caractéristique majeure du capitalisme financier contemporain réside dans l’illimité. Pas de limites, pas de frontières, faisons tout ce qui est possible, l’estimation comptable devenant une sorte de figure imposée. Tout cela, regrette l’auteur, loin du sens de la mesure qui était celui des anciens.
Alain de Benoist, Contre le libéralisme, Editions du Rocher, 2019, 344 pages, 19.90 €
L’extrait : « Le règne du libéralisme induit une obsession économiste qui empêche l’immense majorité de nos contemporains de s’interroger sur la finalité de leurs entreprises et le sens même de leur présence au monde. » (p. 38)
Les dégâts infligés à notre planète sont si graves qu’il est plus urgent que jamais de réfléchir à l’avenir de notre espèce. Qu’en donc se débarrassera-t-on une bonne fois pour toutes de ce court-termisme mortifère ? Les hommes sont tellement gavés de croissance qu’ils n’arrivent pas à imaginer une autre suite à leur histoire que celle consistant à vouloir toujours plus. Pour éviter d’avoir à utiliser le mot de décroissance, un mot qui fait peur ou qui chagrine, on a inventé un oxymore : la croissance verte ou la croissance durable. Le gros problème de cette fameuse croissance verte, que l’on tait à longueur de journée, c’est que pour faire du propre il faut souvent faire du sale, l’exemple le plus visible étant les éoliennes. Halte au feu, la planète n’en peut plus ! C’est la raison pour laquelle Alain de Benoist privilégie la piste de la décroissance, la seule, face au massacre de la nature et à l’épuisement des ressources naturelles, est en mesure de nous tirer de l’ornière. Et, poursuit-il, « de répondre à la crise du sens que traversent des sociétés industrialisés ayant perdu tout repère. » (p. 33)
Alain de Benoist, Décroissance ou toujours plus ?, Pierre-Guillaume de Roux, 2018, 205 pages, 23.90€
L’extrait : « La cause fondamentale des problèmes écologiques n’est ni économique ni technique, mais fondamentalement politique et surtout idéologique. » (p. 22)
Dans ses domaines, l’histoire des idées et la philosophie politique, Alain de Benoist est ce que l’on pourrait appeler un monstre. Pensez ! Détenteur de quelque 200 000 livres, il a déjà écrit plus d’une cinquantaine de livres, sans compter une myriade d’articles dispensés à plusieurs revues. Avec lui, pas de risque de s’égarer dans de petites histoires ou dans une philosophie à deux sous : les sommets, en matière d’érudition notamment, ne sont jamais très loin. Dans un ouvrage qui se prétend volontiers généraliste, Alain de Benoist revisite les idées politiques et philosophiques d’une trentaine de penseurs de l’époque contemporaine, de Jean-Jacques Rousseau à Jean-Claude Michéa. Par des articles de dix à quinze pages, il donne l’essentiel de ce qu’il faut savoir au sujet de grands esprits dont la vocation était de donner à penser. Si le résultat peut sembler inégal – de pures biographies succédant à des réflexions poussées sur tel ou tel -, Ce que penser veut dire possède l’énorme avantage de dire beaucoup en peu de mots. Cela vaut particulièrement pour des philosophes dont la pensée n’est pas facile à saisir à la première lecture, loin de là, ce qui est par exemple le cas de Martin Heiddeger ou de Jean Baudrillard. Quoiqu’il en soit, ce livre prouve que l’auteur difficile que peut être Alain de Benoist sait également être pédagogue. Lorsque simplicité, pédagogie et culture maîtrisée se rejoignent à ce point, le résultat est forcément à la hauteur. Une surprise enfin, mise en avant de la proximité intellectuelle qui rapprochait les romantiques allemands de Karl Marx. Ce dernier livre d’Alain de Benoist constituent, en tout cas, une tentative magistrale de présenter des penseurs dont l’influence demeure grande pour la marche de notre temps.
Alain de Benoist, Ce que penser veut dire, Editions du Rocher, 2017, 377 pages, 19.90€
Agitateur d’idées, Alain de Benoist s’est affirmé, en une quarantaine d’années, comme la tête pensante du mouvement appelé la Nouvelle Droite. Cette autobiographie, née d’entretiens avec François Bousquet, éclaire plus l’idéologue, féru d’histoire, de philosophie, d’économie, de littérature, de sciences sociales, etc. que la personne. Homme de bureau, travailleur de l’ombre, Alain de Benoist n’aime guère parler de lui. En revanche, les idées, c’est sa vie. Bourreau de travail, s’astreignant à une discipline rigoureuse, curieux de tout, possesseur d’une bibliothèque de quelque 200 000 livres, Alain de Benoist est sur tous les fronts intellectuels. Mais, à son regret, il est davantage connu comme figure de proue du mouvement appelé la Nouvelle Droite que pour ses publications, toutes de haut niveau. L’appellation « Nouvelle Droite », lancée par des revues comme Eléments ou Nouvelle Ecole, n’a absolument rien à voir avec les catégories politiques en vigueur. Il y a longtemps que l’idéologie de la Nouvelle Droite a fait sauter les clivages et il n’est pas rare de trouver sous la plume d’Alain de Benoist des références à des auteurs classés à gauche comme Georges Sorel et Claude Lévi-Strauss.
Si vous n’avez aucun penchant pour le débat d’idées, passez votre chemin. Si, en revanche, vous avez quelque inclination pour la controverse et la culture de haut niveau, alors il faut lire cette Mémoire vive. Si l’on met de côté le côté anti-chrétien de son œuvre – mais qui est, reconnaissons-le, autrement mieux charpenté et intelligent que celui d’Onfray -, difficile de ne pas être subjugué par une œuvre d’une telle ampleur, une œuvre qui couvre maints champs de savoir et qui donne l’impression d’un auteur monstre d’érudition. Un savoir véritablement encyclopédique mis au service d’une redoutable intelligence.
Comme il fallait s’y attendre, la conclusion ne pousse pas à l’optimisme. A l’instar de nombreux penseurs contemporains, A. de Benoist ne se reconnaît pas dans une époque qui porte au pinacle tant de fausses valeurs : « On est passé du culte des héros au culte des victimes, de l’honneur au consumérisme : la victimologie ambiante et en parfaite consonance avec le narcissisme et l’exhibitionnisme actuels. » (p. 308). Réservé à des lecteurs avertis, cette Mémoire vive constitue au final une excellente synthèse de la vie intellectuelle en France durant ces quarante dernières années.
Alain de Benoist, Mémoire vive, Editions de Fallois, 2012, 330 pages, 22 €
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