Avec une rigueur et une honnêteté qui l’honorent, Michel Faure raconte la vie ordinaire d’un type ordinaire, un militaire besogneux mais suffisamment madré pour accéder à la tête de l’armée chilienne. Ce que l’on sait moins, c’est que Pinochet n’est pas à l’origine du coup d’Etat qui a conduit à l’assassinat d’Allende et à sa prise du pouvoir ; il n’a fait que prendre le train en route. Comme le définit l’auteur, le « pinochétisme » est un mélange de dictature (2 328 disparus, 38 254 personnes détenues arbitrairement et à peu près 200 000 poussées à l’exil) et de libéralisme économique. Curieusement, Pinochet ne faisait pas de l’autoritarisme un absolu, il disait croire en la démocratie, mais une démocratie selon son désir, détestant le pluralisme et donnant libre cours aux joies du marché. Derrière l’image du parfait mari, chef d’une famille modèle on n’a pas tardé à découvrir un prévaricateur opportuniste et corrompu. L’indéniable réussite économique des années Pinochet ne suffit pas, selon M. Faure, à grandir un personnage d’une grande médiocrité.
Michel Faure, Augusto Pinochet, Perrin, 2020, 380 pages, 24€
L’extrait : « Le « pinochétisme », si une telle chose existe, s’avère donc la laborieuse synthèse d’une pratique dictatoriale et d’une ambition démocratique, c’est-à-dire l’horreur et les bons sentiments » (p. 275)