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Histoire de la Russie des tsars

Broché: 456 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (28 mars 2013)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2262039925
ISBN-13: 978-2262039929
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

  Histoire de la Russie des tsars

Attention, ce livre de Richard Pipes est l’archétype du livre universitaire. Il suppose la connaissance préalable de l’histoire russe, savoir s’appuyant sur une chronologie solide. Car les événements et l’histoire commentée des grandes dates qui ont fait la Russie n’intéressent que médiocrement l’universitaire américain.
L’Histoire de la Russie des tsars de Richard Pipes analyse un système, rend compte de phénomènes de grande durée sans grand souci chronologique. Il faut le souligner d’emblée : le livre de Richard Pipes est un livre à thèse. A travers une lecture qu’il faut bien qualifier d’aride, l’auteur s’emploie à disséquer la nature de l’état patrimonial russe, une terre et un peuple qui étaient la propriété exclusive du tsar. En effet, contrairement à l’Occident médiéval, il n’y eut jamais en Russie de noblesse capable de défendre une quelconque autonomie face à l’Etat. L’administration, le fisc, la propriété, l’armée… tout était concentré entre les mains d’un seul, successeur des empereurs byzantins ayant élu pouvoir à Moscou – avant la création de Saint-Pétersbourg -, la troisième Rome. Alors qu’en France et dans l’Empire germanique, l’Eglise entend défendre ses privilèges face au pouvoir royal (gallicanisme), en Russie l’Eglise orthodoxe se met, pieds et mains liés, au service de l’Etat. Par excellence la Russie était la terre de l’autocratie, c’est-à-dire un Etat dans lequel un seul individu détenait la totalité du pouvoir. Le problème, c’est qu’au XIX° siècle, face à la menace que constituent le marxisme et le nihilisme, les serviteurs fidèles et désintéressés de l’Etat son peu nombreux. Cela expliquera en partie la facilité avec laquelle l’Etat des Romanov, puissance séculaire, tomba et se disloqua. La force du fatalisme slave, la faiblesse de la classe moyenne, l’étendue du pays, la médiocrité des administrations militaire et civile et la nature même d’un pouvoir qui était devenu policier – afin de lutter contre les forces montantes – facilitèrent la prise du pouvoir par les bolcheviks. Résultat : l’héritage historique a rendu la rupture avec le despotisme très difficile. Cela explique, encore aujourd’hui, certains traits d’un pouvoir peu à l’aise, c’est le moins qu’on puisse dire, avec les conquêtes démocratiques.
Un livre difficile mais essentiel pour qui veut comprendre la nature profonde de la nation russe.

Richard Pipes, Histoire de la Russie des tsars, Perrin, 2013, 460 pages, 24.50 €

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Histoire Recensions

L’Europe barbare 1945-1950

Broché: 488 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (28 février 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262037760
ISBN-13: 978-2262037765
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 L’Europe barbare (1945-1950)

Passionnant et original ! Voici les deux mots qui viennent lorsqu’on referme le livre du chercheur britannique Keith Lowe.
Dans l’esprit de la plupart des Européens, l’année 1945 ferme une parenthèse tragique, ouverte en août 1914 avec le premier suicide de l’Europe. Ce n’est pas aussi simple. En effet, les cicatrices de la guerre civile européenne ont mis du temps à se refermer. Par souci de simplification l’auteur s’en tient aux cinq années qui suivent la fin de la Seconde Guerre, mais il aurait pu tout aussi bien choisir un temps plus long. Qui sait qu’en Ukraine et dans les pays baltes, jusque dans les années 1950, des partisans nationalistes combattaient le pouvoir soviétique ? Sur un plus large, cette période ouvrait sur la Guerre Froide, appelée à durer jusqu’à la chute du Mur de Berlin (1989) et l’implosion du communisme.

L’Europe barbare est un condensé, une sorte de bréviaire de la haine dans l’Europe de ce milieu de XX° siècle, un temps où la vie d’un homme ne vaut pas un clou, une époque durant laquelle un peuple peut s’estimer heureux d’être déporté (cas des Tatars de Crimée) alors que d’autres risquent l’élimination pure et simple (juifs, tsiganes). La violence des peuples et des individus est à fleur de peau et il suffit d’un rien pour la libérer. Nazis et communistes sont bien sûr les premiers et les plus forts dans ce genre d’exercices. Nombre d’études et de livres ont fait le bilan terrible de l’un et de l’autre. Cette barbarie, souvent exercée à l’encontre d’innocents, ouvre la porte à d’implacables vengeances. La violence exercée en Russie par l’Armée allemande sera vengée lorsque les Soviétiques envahiront le Reich : des centaines de milliers d’Allemandes furent violées et onze millions de personnes déplacées. Les Alliés occidentaux, chantre de la démocratie, ne sont pas épargnés par K. Lowe : comment expliquer le bombardement sauvage, en 1944-1945, de villes historiques n’ayant aucun caractère stratégique ?

Au-delà des prodromes dus au conflit mondial, l’auteur parcourt toute l’Europe à la recherche de cette brutalisation, laquelle trouve parfois sa source dans des antagonismes anciens indépendants de la montée des totalitarismes. Si les violences entre Ukrainiens et Polonais, entre Croates et Serbes ont été libérées par la guerre, elles prennent racine dans des oppositions séculaires. Il faudrait ajouter à ce terrible bilan les conflits périphériques que précipita la guerre, comme la guerre civile en Grèce (1944-1949), la liquidation des démocrates dans les futures démocraties populaires, etc. Ce sombre et terrible bilan s’achève sur une note positive. Si l’Europe, en tant que construction politique, n’est guère populaire ces temps-ci, il ne faudrait pas oublier qu’elle revient de loin car elle s’est assénée des coups dont elle aurait très bien pu ne pas se remettre. La déshumanisation fut telle que la situation paisible d’aujourd’hui ressemble à un retournement quasi-miraculeux.

Keith Lowe, L’Europe barbare (1945-1950), Perrin, 2012, 488 pages, 25 €