L’Eglise et l’Etat : La grande histoire de la laïcité
En écrivant cette « grande histoire de la laïcité », Jean Etèvenaux a souhaité réaliser un instrument de travail accessible. Trois cents pages pour décrire la complexité des relations qui a toujours existé entre le politique et le religieux, pour n’en rester qu’à l’Occident, c’est raisonnable. S’appuyant sur une vaste érudition, l’auteur n’a aucun mal à démêler l’écheveau de siècles d’antagonismes et de conflits. Il est nécessaire de savoir d’où l’on vient pour mieux comprendre le présent. En ce sens cette histoire des relations enchevêtrées entre l’Eglise et l’Etat fait œuvre utile. L’auteur retrace avec maestria vingt siècles d’histoire, une histoire dont la source est proprement chrétienne. N’est-ce pas, en effet, le « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » prononcé par le Christ qui annonce la première idée de la séparation – « distinction » dirait Alain de Benoist – du spirituel et du temporel ?
C’est cette singularité que Jean Etèvenaux est arrivé à mettre en relief, en faisant jaillir ce qu’il nomme le « nouvel équilibre français ». A côté de ces évidentes qualités, l’ouvrage encourt des reproches, dus pour l’essentiel à une vision trop historisante du phénomène laïque. Une histoire davantage tournée vers l’évolution d’un droit positif aurait peut-être permis à l’auteur de ne pas évacuer certains événements capitaux pour la compréhension des faits. Pratiquement ne rien dire du Parti des Politiques qui, durant les Guerres de Religions, fédère catholiques et protestants modérés en vue de dissocier le politique et le religieux, c’est ne pas voir que la laïcité tire sa source du refus de voir la religion instrumentalisée. L’auteur passe également avec une incroyable rapidité sur la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, débats préparatoires et textes législatifs inclus. De cette époque mouvementée il ne donne à voir que des aspects périphériques comme la naissance de la Fédération protestante. Au contraire, certains chapitres, comme celui ayant trait à l’Inquistion, pour intéressant qu’il soit, n’apportent qu’un intérêt médiocre à ce qui intéresse ici, à savoir « la grande histoire de la laïcité ». Tout en considérant avec attention l’ouvrage de J. Etèvenaux, le lecteur prendra soin de le compléter par d’autres lectures, à commencer par de plus juridiques, ce en quoi Emile Poulat excelle depuis plusieurs décennies.
Jean Etèvenaux, L’Eglise et l’Etat : La grande histoire de la laïcité, Saint-Léger Editions, 2012, 305 pages, 22 €