L’essor du christianisme
Connu pour son retentissant Triomphe de la raison (sous-titre : Pourquoi la réussite du modèle occidentale est le fruit du christianisme), paru en 2007, le sociologue des religions Rodney Stark récidive dans sa défense et son apologie du christianisme. Agnostique, l’auteur réfléchit sur un mode uniquement scientifique : comment expliquer la propagation du christianisme au cours des premiers siècles de notre ère ? Mettant au service de sa thèse ses connaissances en sociologie et en histoire, Rodney Stark livre un ouvrage passionnant et convaincant. Il commence à expliquer de façon mathématique la croissance démographique des premières communautés chrétiennes ainsi que l’attraction du christianisme auprès de nombreuses communautés juives. Mais, a-t-on envie de dire, là n’est pas l’essentiel. Pourquoi, en dépit des persécutions (moins nombreuses qu’on le croit), le christianisme a-t-il supplanté le paganisme de façon aussi définitive ? Il y a, remarque Rodney Stark, deux sortes d’explications. Les premières ont trait à l’épuisement du paganisme, devenu aux I° et II° siècles un ensemble de superstitions en voie d’épuisement auquel plus personne ne croyait. Reste la question : qu’est-ce qui, dans la religion nouvelle, attirait païens et juifs ? Pourquoi de nombreux païens ont-ils cessé de croire en leur improbable panthéon pour rejoindre la foi véhiculée par les premiers disciples de Jésus de Nazareth. La réponse, déjà prononcée par un antiquisant comme Lucien Jerphagnon, est évidente : beaucoup de gens ont décidé de se convertir au christianisme parce qu’ils jugeaient cette religion supérieure aux autres. Cette supériorité s’était par exemple manifestée avec éclat durant la peste qui avait touché l’Empire romain au III° siècle : la solidarité et la compassion vécues entre chrétiens avaient montré que l’amour et la miséricorde n’étaient pas des mots creux. Comme l’écrit l’auteur en conclusion, « le christianisme a apporté une nouvelle conception de l’humanité à un monde accablé par une cruauté capricieuse et par un amour de la mort par procuration. » (p. 266). Le christianisme et ses organisations sociales étaient jugés attirants, libérateurs et efficaces. Un livre éloquent et nécessaire.
Rodney Stark, L’essor du christianisme, Excelsis, 2013, 303 pages, 23 €