Gouverner au nom d’Allah
Bien souvent, ce sont les intellectuels occidentaux qui écrivent sur l’islam. Le premier intérêt de Gouverner au nom d’Allah vient de ce que l’auteur est un écrivain algérien vivant en Algérie. Si on le sent très méfiant à l’égard de l’islamisme, il tâche d’en décrire la montée le pus objectivement possible. Avant cela, il donne une vue d’ensemble de l’islam, avec ses courants, ses schismes, ses chapelles… Il s’interroge ensuite sur la nature de l’expansionnisme musulman aisi que sur les vecteurs sur lesquels il s’appuie : courants religieux radicaux, médias, universités, émigration… Religion jeune, dynamique, en expansion, l’islam est de plus en plus travaillé par l’islamisme, sa version rigoriste dont une partie des membres – les salafistes – souhaite le retour à la communauté primitive, celle qui entourait Mahomet. Pour l’auteur, le monde musulman se trouve à la croisée des chemins, tiraillé de tous côtés par des aspirations contraires : modernité contre rigorisme, liberté de conscience et contre coercition, liberté de religion contre conformisme, désir de copier l’Occident tout en maintenant ses particularismes, etc. Si nombreux sont les musulmans à réprouver la violence islamiste, il n’est pas certain qu’ils en rejettent le programme. Boualem Sansal insiste sur le fait que, bien que soumis à la publicité déplorable qu’en fait l’islamisme, l’islam demeure en ascension constante. S’il en cherche les cases au sein du monde musulman, peut-être minore-t-il excessivement la perméabilité du monde occidental qui, après avoir largué ses croyances ancestrales, submergé par le consumérisme, n’a plus guère d’anticorps. Une religion aussi assise que l’islam donne sens à sa vie ; c’est autre chose que l’épuisement contemporain pris entre consommation et illusion technologique. Tant est si bien que l’auteur a raison, à la fin, de se poser la question : pour qui l’islamisme est-il un problème, pour l’Occident ou le monde musulman ? Au total, un petit livre instructif et facile à lire.
Boualem Sansal, Gouverner au nom d’Allah, Gallimard, 2013, 156 pages, 12.50€