La langue des médias
Nous autres, lecteurs, auditeurs, consommateurs compulsifs aux écrans, sommes des éponges. Nous absorbons, souvent sans broncher, les propos torrentiels venus du monde médiatique. Or, il faut s’en méfier. Non pas que les journalistes poussent la fourberie à nous mentir sous des propos riants ou anodins, mais plus simplement parce que, du fait de leur formation et du conformisme qui règne dans la profession, ils sont portés, contrairement au souhait formulé jadis par Péguy, à ne pas voir ce qu’ils voient. Le Journaliste n’est pas là pour donner des informations brutes. Commentateur de l’actualité, son image est de moins en moins neutre et il est devenu un prescripteur d’opinion chargé de dire le bien et le mal. Le pire, c’est que le système médiatique, dans sa toute-puissance, n’a pas érigé de contre-pouvoir. Au contraire, il est devenu une sorte de « fabrique du consentement », de sorte que le conformisme de la pensée semble des plus naturels. Puisque le consommateur consent, il n’a pas à réfléchir. Le livre d’Ingrid Riocreux est une charge puissante contre le moule uniforme dans lequel veut nous enfermer les journalistes et ceux qui les paient.
Ingrid Riocreux, La langue des médias : Destruction du langage et fabrication du consentement, 2017, L’Artilleur, 333 pages, 20 €
L’extrait : « La capacité à se défendre en utilisant au mieux les techniques du discours, la possibilité de prendre la parole dans les assemblées pour faire valoir son point de vue et essayer de rallier les autres à sa cause étaient, par la rhétorique, rendues accessibles à tous. Et la République française qui se flattait de permettre à tous les citoyens de bénéficier de la scolarité se hâta de les priver de la maîtrise des moyens de s’exprimer. » (p. 288)