La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères
Il arrive que la petite histoire pollue la grande. Il en va ainsi pour la mort de Napoléon à Sainte-Hélène, laquelle a été l’objet de tellement de spéculations que, pour un peu, on en viendrait à douter de tout. Il est donc heureux que, dans une première partie, les auteurs, tous deux éminents spécialistes de la période, reviennent sur ce que l’on sait de l’agonie et du décès de l’Empereur le 5 mai 1821. Pour que le tableau soit complet, ils analysent l’état général de l’illustre prisonnier. Comme la plupart des hommes de son temps et d’abord des soldats en campagne, « toute la vie de Napoléon est marquée par la maladie » (p. 48) : dermatose, coups de froid, hémorroïdes, indigestions fréquentes… A cinquante ans, un homme de ce temps, qui a parcouru à pieds ou à cheval l’Europe dans tous les sens, par tous les temps, est un homme usé. En plus de ses maux divers, l’Empereur Napoléon souffre de façon chronique d’une douleur abdominale. Le mauvais temps et l’état dépressif qui accompagnèrent le séjour de Napoléon à Longwood, là où il résida de 1816 jusqu’à sa mort, ne firent qu’empirer un état général très médiocre. Il ne fait donc aucun doute, selon les médecins qui ont été convoqués par les historiens, que c’est un cancer gastrique qui a emporté Napoléon. Chacun connaît la suite : l’inhumation au Val du Géranium puis, en 1840, le transfert des cendres conduit par une délégation emmenée par le prince de Joinville. Après l’arrivée triomphale du corps de l’Empereur à Paris, le corps reste déposé à l’église des Invalides jusqu’en 1861, date à laquelle le tombeau creusé à la verticale du dôme des Invalides est enfin prêt à recevoir la dépouille d’un des plus grands capitaines de tous les temps. Nous aurions pu en rester là sans toutes les spéculations qui se sont ensuite grevées sur la mort de Napoléon – A-t-il été empoisonné et par qui ? – ainsi que sur la substitution du corps – A la suite d’une manigance anglaise, le corps de Napoléon reposerait à Londres, non à Paris -. A en croire un cercle d’historiens amateurs, la Belle-Poule aurait rapatrié en France le corps de Cipriani, valet de Napoléon décédé en 1818. Grâce à une démonstration impeccable, les auteurs font justice de ces calembredaines. Leur conclusion est sans appel : « Napoléon n’a pas été assassiné et c’est bien lui qui repose aux Invalides. » Comme le prouvent J. Macé et T. Lentz, les montages habiles, les suppositions invérifiables et autres convictions non maîtrisées n’ont rien à faire dans l’étude sérieuse de l’Histoire.
Thierry Lentz & Jacques Macé, La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères, Tempus, 2012, 215 pages, 8.50 €