Les hommes de Vichy
En spécialiste de la France des années 40, Jean-Paul Cointet a eu l’heureuse idée de synthétiser en un volume l’essentiel des informations essentielles à la connaissance des hommes qui ont entouré Pétain de 1940 à 1944, date de l’exil forcé à Sigmaringen. Bien qu’étant courts, la bonne vingtaine de portraits ici présentés donne l’essentiel des biographies d’hommes qui, tous, à des degrés divers, ont eu des comptes à rendre à la Libération. A côté des figures connues qu’étaient Laval ou de Brinon, l’auteur a tenu à présenter des hommes qui, bien qu’ayant davantage agi dans l’ombre, ont pu influencer la politique de l’Etat français. Jean Bichelonne ou Paul Marion n’étaient pas les seconds couteaux qu’on imagine : eux aussi ont eu leur part d’influence. Ces « hommes de Vichy » apparaissent dans un ordre qui a sa logique propre. Il y avait les fondateurs comme Weygand et Darlan, puis les conseillers du Prince, à l’image de Du Moulin de Labarthète. A côté des doctrinaires à la façon de Vallat et de Massis il fallait compter sur les épurateurs comme Darnand. Néanmoins, ce qui frappe le plus dans cette galerie, c’est l’hétérogénéité des parcours et des profils, ce que l’auteur explique en préface (p. 13) : « Etudier les hommes de Vichy est une manière de mettre fin à une approche voyant dans ce régime un bloc, dans l’espace comme dans le temps. » En effet, il est rigoureusement impossible de dresser le portrait-type du collaborateur du maréchal Pétain. Ce dernier est comme l’icône qui unifie tout ce petit monde qui n’échappait pas, dans l’atmosphère étroite et confiné de la ville-préfecture de l’Allier, aux mesquineries et jalousies propres à tous les paniers de crabes. Beaucoup viennent de vieilles familles catholiques et n’ont d’autre souci que de régénérer un pays qu’ils estiment décadent. Il y a aussi les arrivistes, puis ceux qui se persuadent de la victoire de l’Allemagne et veulent arrimer le char de l’Etat au Reich. Si ces portraits laissent apparaître de temps à autre un peu de brillance, on ne peut qu’être frappé, au final, par la médiocrité d’un personnel politique qui, somme toute, avait les toutes les apparences de celui de la défunte III° République.
Jean-Paul Cointet, Les hommes de Vichy, Perrin, 2017, 375 pages, 23.90€