Les yeux grands fermés
Pas la peine de se raconter des histoires ! En France, la machine à intégrer ne fonctionne plus très bien. Le pays a un véritable problème vis-à-vis de son immigration. Pourtant, ils sont nombreux, dans le monde politique, médiatique et économique, à souligner que l’immigration est une chance pour la France et que, dans le monde globalisé qui s’ouvre, la notion de frontière devient caduque. Il y a, chez ces belles âmes, à la fois généreuses et naïves, l’idée que le multiculturalisme est l’horizon indépassable de l’humanité future. Pour Michèle Tribalat, sociologue et démographe, la force de la vigilance antiraciste est devenue si puissante qu’elle agit comme un anesthésiant : « L’immigration est sacralisée au point que le désaccord ne peut exister et être raisonnablement débattu » (p. 10). L’enjeu est grave. Si l’auteur prend la peine d’écrire ce livre, c’est pour livrer au grand public des informations qui ont généralement peu d’écho dans les médias. Il suffit à l’auteur de cinq chapitres pour démonter la doxa officielle. Contrairement à beaucoup d’autres pays, il règne ici, s’agissant des chiffres, un flou artistique qui s’apparente à de la manipulation ; le nombre d’immigrés qui entre en France, légalement ou clandestinement, est systématiquement minoré. Cela tient au fait, selon Michèle Tribalat, que notre pays manque d’un outil statistique fiable. Ce laxisme est aggravé par l’incohérence des politiques successives et la primauté des lois communautaires européennes de plus en plus adaptées à notre univers mondialisé. En tout cas, insiste l’auteur, il n’est pas vrai que l’immigration s’avère un facteur décisif dans le développement de l’économie nationale. Au contraire l’impact économique de l’immigration demeure négatif parce que l’immense majorité des immigrants est peu ou pas formée. L’effet démographique de l’immigration sur les territoires accentue le déséquilibre entre des banlieues massivement peuplées d’immigrés et des territoires ruraux dans lesquels le Français de souche est hégémonique. Bien sûr, il serait possible de lutter contre certains effets délétères d’une immigration mal contrôlée. Le problème, c’est que le contexte idéologique dominant empêche toute réflexion sereine sur les politiques d’immigration, laquelle est nécessairement considérée comme positive. En ce sens, la contribution de Michèle Tribalat au débat est vraiment nécessaire.
Michèle Tribalat, Les yeux grands fermés, Denoël, 2012, 222 pages, 19 €