Catégories
Histoire Recensions

La Seconde Guerre mondiale

Broché : 571 pages
Editeur : Perrin (29 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262034508
ISBN-13 : 978-2262034504
Dimensions : 24,2 x 3,6 x 15,6 cm

 La Seconde Guerre mondiale

Ecrire une histoire du second conflit mondial, très accessible, pas trop volumineuse et intégrant les données les plus récentes de l’historiographie, tel est le pari tenté et réussi par Claude Quétel. « Jusqu’à ce jour, indique la présentation de l’ouvrage, seuls trois grands historiens anglo-saxons ont relevé le défi avec succès : John Keegan, Liddel Hart et plus récemment Anthony Beevor. Trop partisans ou fragmentaires, les Français ont échoué en dépit de plusieurs tentatives. » Bien sûr, vu la taille de l’ouvrage, l’amateur n’apprendra rien de nouveau ; il s’apercevra toutefois que les données mises en œuvre par l’auteur sont remarquables de fiabilité. Quant au néophyte, il n’aura rien à reprocher à un ouvrage qui n’omet aucun des aspects du conflit. Si les événements militaires tiennent naturellement le haut du pavé, tout ce qui concerne les aspects économiques, politiques et démographiques n’est pas oublié. Avec un style efficace et délié, Claude Quétel mène son récit tambour battant. Dès le prologue de la vingtaine de pages passé, le voilà qui attaque en fanfare la campagne de Pologne (1939), puis celle de France (1940), la bataille d’Angleterre, etc.

En auteur averti et passionné, Claude Quétel n’omet pratiquement rien des dernières découvertes réalisées par d’éminents spécialistes de cette période comme David Glantz ou Thomas Weber. Des passages cinglants permettent de remettre certaines pendules à l’heure. Par exemple, contrairement à la thèse véhiculée par Karl Heinz Freizer, la Blitzkrieg associant le tandem char – avion qui va conduire à la déroute des armées alliées en mai-juin 1940 n’est pas l’aboutissement fortuit d’une rencontre de hasard. Autre exemple : l’insistance mise par les Allemands à fabriquer des armes de pointe, les meilleurs dans leur catégorie comme le char Tigre. Cette obstination constitua une erreur dans la mesure où les armes alliés, moins sophistiquées mais plus robustes, étaient plus faciles à fabriquer. L’auteur revient également à plusieurs reprises sur l’importance de la personnalité d’Hitler, absolument décisive. Sans le dictateur nazi, la guerre aurait-elle été aussi longue et implacable ? Enfin, des cartes simples et claires permettent de se faire une idée exacte des principales opérations militaires. Du beau travail !

 

Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2015, 571 pages, 23.90€

Catégories
Mémoires Recensions

Mémoires

Broché : 576 pages
Editeur : Perrin (14 mai 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262050775
ISBN-13 : 978-2262050771
Dimensions : 24,1 x 4,2 x 15,4 cm

 Mémoires

Après la Seconde Guerre mondiale, nombre de généraux allemands ont consigné leurs souvenirs. Le maréchal Erich Von Manstein, l’un des meilleurs cerveaux opérationnels de la Wehrmacht, est l’un d’eux. Paru dès les années 1950 sous le titre Victoires perdues, ses mémoires viennent d’être publiées pour la première fois en français. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Von Manstein, il suffira de dire qu’il est l’inspirateur du plan qui amena l’écrasante défaite de la France en mai-juin 1940, le vainqueur de Sébastopol (1942) et celui qui a bloqué l’avance des armées soviétiques après Stalingrad. Les stratèges anglo-saxons et soviétiques l’ont consacré comme la plus grande intelligence de l’Armée allemande.

Dans la préface qu’il lui consacre, Pierre Servent dit de Von Manstein qu’il est « un remarquable joueur d’échecs » ainsi qu’ « un hobereau prussien à œillères ». La critique avait déjà été formulée dans la biographie consacrée par Benoît Lemay au célèbre maréchal. Erich Von Manstein est effectivement le type même du général prussien, fidèle à sa patrie, discipliné à l’extrême et se gardant de toute sensiblerie. Comme beaucoup de généraux allemands lors du conflit, Von Manstein a été peu regardant quant aux crimes commis sur la population civile, juive et non-juive, par les SS et l’armée. Comme d’autres responsables militaires allemands, Manstein, par ses silences, a couvert les crimes commis en Ukraine, Russie et Biélorussie. Il était le type même du cerveau froid ; seul lui importait le résultat obtenu sur le champ de bataille. Et c’est, nous semble-t-il, faire preuve d’anachronisme que de regretter que Von Manstein ne fût pas philosophe. C’était un militaire, forgé dans le plus pur style germanique. Cela dit, s’il était discipliné et méconnaissait les scrupules de type humanitaire, Manstein n’avait rien du nazi fanatique. Au contraire, s’il reconnaissait à Hitler des qualités qui ont pu contribuer aux victoires des années 1939-1942, il a vite pris en compte les limites d’un être irrationnel, soumis aux sautes d’humeur, colérique, prenant ses désirs pour des réalités.

Le style du maréchal est purement descriptif, direct, sans fioritures. On regrettera toutefois que les opérations militaires décrites dans ce volume ne soient pas accompagnées par davantage de cartes.

Erich Von Manstein, Mémoires, Perrin, 2015, 573 pages, 25 €

Catégories
Actualités Recensions

La révolution arabe

Broché : 392 pages
Editeur : Perrin (26 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043337
ISBN-13 : 978-2262043339
Dimensions : 24 x 3 x 15,5 cm

 La révolution arabe

Bien avant l’espoir de changement suscité par les printemps arabes de ces dernières années, le monde arabo-musulman n’en finit pas de réfléchir à sa propre réforme. Encore faut-il savoir ce que l’on met sous ce mot. En effet, il y a un gouffre entre les musulmans qui espèrent une société pluraliste, où religion et politique ne seraient pas mêlés, et ceux qui, au contraire, veulent revenir à l’islam des origines. D’aucuns, dans le mouvement appelé Nahda, ont cherché à assimiler ces deux éléments contraires. « Les réformateurs, écrit Zakya Daoud dans son dernier ouvrage, ont voulu restituer l’islam originel dans sa pureté doctrinale, mais ils n’ont pas, parallèlement, mené la réflexion sur l’islam en tant que civilisation ayant évolué dans un contexte multiple. » Réformer des sociétés cumulant les retards en cherchant à revenir à l’islam des origines ressort de la quadrature du cercle. Comment des sociétés aussi imprégnées de religieux pourraient-elles faire leur aggiornamento sans assigner à la religion une place plus réduite ? Diminuer les inégalités, mettre fin aux frustrations, se débarrasser des tyrannies… Le but ne manquait pas de grandeur. Tel était celui des Nasser et autres Bourguiba, chefs d’Etat qui ne pouvaient pas admettre qu’en dépit de tous ses atouts le monde arabe ne puisse combler l’écart le séparant de l’Occident et des dragons asiatiques. Sans doute manquait-il une théorie de l’Etat susceptible de laisser davantage de liberté aux forces libérales et centrifuges. La seule volonté de quelques hommes politiques ne suffit pas à décréter l’existence d’une société de confiance. Les bons sentiments sont loin de faire une bonne politique. La preuve en a été administrée dans maints pays. A travers les exemples historiques qu’elle donne, l’auteure donne la preuve de la difficulté des sociétés arabo-musulmanes de se choisir un destin digne de leur passé. On a pu croire que l’échec du réformisme avait été fatal aux musulmans libéraux, dépassés et marginalisés par les fondamentalistes. Or, ce qui vient par exemple de se passer en Egypte donne de l’espoir à ceux qui espèrent des sociétés dont l’homogénéité ne passerait pas entièrement par la religion. Encore faudrait-il que l’Etat retrouve l’autorité qui lui fait souvent défaut et qui permet aux extrémistes de s’engouffrer dans la brèche créée par la misère et la frustration.

Zakya Daoud, La révolution arabe, Perrin, 2015, 392 pages, 24€

 

Catégories
Biographies Recensions

Raymond Barre

Broché : 585 pages
Editeur : Perrin (2 avril 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262037752
ISBN-13 : 978-2262037758
Dimensions : 24 x 4,1 x 15,4 cm

 Raymond Barre

La belle biographie que Christiane Rimbaud vient de consacrer à l’ancien Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing nous rappelle l’époque heureuse des années 1970, temps où l’on croyait le progrès inéluctable et le chômage un accident. En ce temps, finalement pas si lointain, le Premier ministre s’inquiétait d’un déficit de quelques centaines de millions de francs. Que dirait Raymond Barre s’il revenait parmi nous, apprenant que les caisses de l’Etat sont vides et que le déficit du pays avoisine les deux mille milliards d’euros ? Elève surdoué, professeur reconnu, c’est dans les années 1960, à Bruxelles, que Raymond Barre fait ses premiers pas dans le bain politique. Il se murmure, dans les couloirs des institutions européennes, qu’il est l’œil du général de Gaulle. Plus tard, alors que le pouvoir giscardien est en proie à ses premières difficultés, il est appelé pour conduire la politique du gouvernement. Pragmatique, adepte du maintien des grands équilibres, ennemi de l’idéologie et de la politique politicienne (le fameux « microcosme »), il se fait remarquer par son grand sens de l’Etat. Comme il le déclare en 1978 dans une émission de télévision, « il est aisé de gouverner un monde imaginaire, habité par des certitudes, mais quand le monde réel surgit, patratas… », une leçon qui, bien sûr, vaut pour aujourd’hui. Finalement, c’est lui, le professeur, le quasi-inconnu issu de la société civile, qui en remontre aux professionnels de la politique, lesquels, par leur politique de gribouille, ont abîmé l’Etat en le vendant sur l’autel de l’arrivisme et de l’ambition. Raymond Barre n’a cure de sa carrière, lui qui aurait tant aimé disposer de temps libre pour écouter davantage de musique classique et voir de bons westerns. Il est vrai que la politique l’ennuie. S’il se présente aux élections présidentielles de 1988 et se lance à la conquête de la mairie de Lyon au début des années 1990, c’est presque à contre-cœur. Comme le racontera un de ses proches : « Il lui manquait l’acharnement. Il avait trop de centres d’intérêt dans sa vie pour avoir la volonté farouche de gagner et de ne penser qu’à ça. » Au fond, ce qu’il faut d’abord retenir du travail de Christiane Rimbaud, c’est que la politique est une chose trop sérieuse pour n’être confiée qu’à des professionnels.

Christiane Rimbaud, Raymond Barre, Perrin, 2015, 585 pages, 25€

 

Catégories
Histoire Recensions

La Grande Guerre oubliée

Broché : 527 pages
Editeur : Perrin (2 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262040451
ISBN-13 : 978-2262040451
Dimensions : 24 x 3,8 x 15,5 cm

 La Grande Guerre oubliée

Trop souvent la Première Guerre mondiale se confond avec la guerre des tranchées, celle qui a ensanglanté le nord-est de la France. C’est oublier que cette guerre était mondiale et que d’autres théâtres d’opérations ont vu, eux aussi, couler des torrents de sang. Les Alliés auraient-ils gagné la guerre si l’armée russe n’avait pas retenu un bon tiers de l’armée allemande ainsi que le plus gros des forces de la Double Monarchie ? Le livre d’Alexandre Sumpf n’est en rien une histoire de la Grande Guerre à l’Est. Ici, la guerre ne fait que s’inscrire en toile de fond d’un récit plus large. Ce qui compte davantage aux yeux de l’auteur, c’est le climat qui saisit un pays dans l’ensemble de ses strates économiques, sociales et culturelles. Si l’on excepte le chapitre réservé aux combattants, La Grande Guerre oubliée vise davantage à retracer la vie des habitants au contact du front ou à l’arrière. Alexandre Sumpf passe l’ensemble des secteurs de la société russe d’avant la Révolution de 1917, une société en guerre, certes bien mobilisée mais cependant moins, en raison de l’étendue du pays et de l’hétérogénité de ses populations, que les principales nations occidentales en guerre : le moral de la troupe et des habitants, les conditions de la survie dans un pays en guerre, les revendications ouvrières, la propagande, etc… Le théâtre, les coulisses et les épreuves de la guerre achèveront la dissolution de la nation impériale. La guerre allait en effet mettre à nu et accélérer les maux d’une société dont Dieu, le tsar et la patrie n’assuraient plus le ciment. La Grande Guerre oubliée révèle les nombreuses contradictions d’une société à bout de souffle, laminée par ses contradictions internes. Pour Lénine et ses affidés, la vieille Russie n’allait pas tarder à tomber comme un fruit blet ; il suffirait juste de mettre à jour les éléments les plus pourris de l’entité russe.

Grâce à ce travail novateur, Alexandre Sumpf dévoile un pan caché de l’historiographie contemporaine, réalisant un ouvrage que les historiens russes et soviétiques n’avaient pas entrepris avec toute la conviction nécessaire. Si la Grande Guerre a permis l’éclosion de la république des soviets, elle

 

Alexandre Sumpf, La Grande Guerre oubliée, Perrin, 2014, 527 pages, 25 €

Catégories
Histoire Recensions

La guerre de Sept Ans (1756-1763)

Broché : 670 pages
Editeur : Perrin (22 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262035296
ISBN-13 : 978-2262035297
Dimensions : 24 x 4,2 x 15,4 cm

 La guerre de Sept Ans (1756-1763)

La toute première guerre mondiale a duré sept ans, elle a concerné les principales puissances européennes, s’est déroulée sur trois continents et a eu des conséquences qui ont persisté pendant plus d’un siècle. Cette guerre, c’est la guerre de Sept Ans, ouverte en Amérique du Nord, entre Anglais et Français alors que les Etats-Unis n’existent pas encore. Il s’agit au départ, selon les mots de l’auteur d’ « une guerre essentiellement européenne dont l’enjeu fondamental consiste en une énième mise à jour de l’équilibre des puissances » (p. 11) Cette guerre, racontée dans le détail et avec maestria par Edmond Dziembowski, eut des conséquences qui, quelque deux cent cinquante après, comptent encore dans l’ordre du monde. En effet, c’est de ce conflit que datent l’émergence de la prépondérance britannique qui verra son triomphe au XIX° siècle, la naissance du patriotisme chez les grandes puissances, l’importance des guerres périphériques, etc. Récit total et complet, c’est comme cela que se présente un livre que les créateurs des grandes collections d’autrefois – par exemple Halphen et Sagnac – auraient très certainement apprécié. A l’image de la vastitude de ce conflit, le livre d’E. Dziembowski est remarquable par la diversité des sources utilisées. Non seulement aucun aspect de cette guerre n’est évacué mais, de surcroît, l’auteur renouvelle les vues traditionnelles que l’on pouvait avoir sur cet événement majeur. Par exemple, contrairement à l’image généralement véhiculée, les batailles qui se sont déroulées en Europe, et qui impliquaient Prussiens, Autrichiens, Français et Russes ont été particulièrement sanglantes, que ce soit Prague, Kolin ou Zorndorf. On est loin du charme suranné prêté souvent à la guerre en dentelles. Enfin, l’auteur s’attache à placer le conflit dans le cadre immense qui a été le sien, d’où le nombre de pages assez considérable qu’il accorde à la guerre en Amérique du Nord et en Inde. En ce sens, par bien des aspects, la guerre de Sept ans préfigure notre temps, celui de la mondialisation.

 

Edmond Dziembowski, La guerre de Sept Ans (1756-1763), Perrin, 2015, 670 pages, 27 €

Catégories
Histoire Recensions

Les cent derniers jours d’Hitler

Broché : 277 pages
Editeur : Perrin (12 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262050236
ISBN-13 : 978-2262050238
Dimensions : 29,5 x 2,5 x 23,5 cm

 Les cent derniers jours d’Hitler

Une fois de plus, en spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale, Jean Lopez vient de frapper un grand coup. Dans ce livre grand format, illustré de photographies pour la plupart inédites, il raconte jour après jour l’agonie du III° Reich, celui qui, dans l’esprit fumeux et hystérique de son inventeur, devait durer mille ans. Cette « chronique de l’apocalypse » s’attache principalement à relater les « derniers jours de la vie du Führer […], ses déplacements, ses proclamations, ses actes de gouvernement et de commandement militaire, sa vie quotidienne et ses humeurs… » Dans un Reich dont le territoire se réduit comme une peau de chagrin, pilonné jour et nuit par l’aviation alliée, menacé par une Armée rouge surpuissante, se vit le dernier acte du gigantesque drame qui avait commencé six ans plus tôt. Dans une Europe qui globalement, vit en paix depuis 1945, on a du mal à imaginer la violence barbare qui s’est déchaînée. Avec son talent coutumier, Jean Lopez a su recréer l’ambiance de cauchemar propre à ce drame d’une ampleur inouïe. Dans une Allemagne en proie à la destruction, hantée par l’arrivée du rouleau compresseur soviétique avide de vengeance, alors que la guerre est perdue, le système nazi accomplit jusqu’au bout son œuvre de destruction. A l’égard de son propre peuple d’abord, appelé à suivre le régime au fond du gouffre : les tièdes, à commencer par les déserteurs, sont impitoyablement éliminés. Et plus généralement à l’égard de toute vie humaine. On demeure confondu de penser que, jusqu’au bout, la machine concentrationnaire poursuit son travail de mort. Alors que tout est perdu, le nazisme entend gagner du temps pour achever l’anéantissement du peuple juif et des slaves, ces races jugées dégénérées par celle des « seigneurs ». A l’aide de nombreux témoignages, fort des plus récentes avancées de la recherche historique, Jean Lopez retrace le calvaire d’une Europe en proie à la mort et au chaos. Alors qu’il n’y a plus d’issue, Hitler lance ses ultimes ressources pour continuer d’alimenter le brasier qu’il avait allumé en 1939 avec la torche de la fureur.

On ne saluera jamais assez la fluidité du style et la clarté du propos, marques de fabrique des ouvrages signés Jean Lopez. Ce livre s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs.

 

Jean Lopez, Les cent derniers jours d’Hitler, Perrin, 2015, 277 pages, 24.90 €

Catégories
Histoire Recensions

Inferno – La dévastation de Hambourg (1943)

Broché : 424 pages
Editeur : Perrin (8 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262038511
ISBN-13 : 978-2262038519
Dimensions : 24 x 3,3 x 15,5 cm

 Inferno : La dévastation de Hambourg (1943)

Après un premier ouvrage consacré aux nombreux drames qui suivirent la signature de la paix en mai 1945, l’historien britannique Keith Lowe récidive dans la narration de la terreur et de la destruction. Ames sensibles s’abstenir ! Dans ce livre de bout en bout passionnant, l’auteur nous fait revivre les jours et les nuits d’horreur durant lesquels la ville de Hambourg fut, en 1943, rayée de la carte. Du 27 juillet au 2 août, des raids aériens alliés incessants vont plonger la principale métropole de l’Allemagne du nord-ouest dans l’horreur. Vagues après vagues, bombardiers anglais et américains se succèdent pour mettre la ville à genoux. Le but est double : créer un traumatisme au sein de la population allemande et détruire les chantiers de sous-marin situés dans la zone portuaire. Pour être plus précis, les Américains bombardent le jour. Croyant davantage dans la protection qu’offre la nuit, les Anglais jettent tapis de bombes sur tapis de bombes, le plus souvent sur les quartiers d’habitation. Après trois énormes bombardements, la ville semble tenir le choc. Mais le plus dure reste à venir. Le 2 août, un orage de chaleur va décupler les effets des milliers de bombes jetées par quelque neuf cents appareils du Bomber Command. En cette nuit cataclysmique, un ouragan de feu – poussé parfois jusqu’à 1 400 C° – va précipiter dans la mort 45 000 personnes. Ce bombardement a laissé une trace dans la mémoire collective. Comme l’écrit l’auteur : « Au cours des années qui suivirent la catastrophe, la tempête de feu de Hambourg fit l’objet d’études scientifiques très approfondies, et les chercheurs en conclurent qu’aucun autre grand incendie, dans l’histoire documentée, ne l’a jamais égalé en intensité. » (p. 212)

Le récit de Keith Lowe pose une nouvelle fois la question de l’efficacité des bombardements massifs. Lancés pour briser le moral des populations civiles et hâter la paix, ils vont, une fois de plus, s’avérer totalement improductifs. Bombarder des villes ayant peu ou pas d’intérêt stratégique, anéantir des milliers de civils au prix de la destruction de centaines d’appareils alliés n’eut au final qu’un impact limité sur l’issue de la guerre. En termes stratégiques, le seul intérêt des bombardements était d’aspirer des moyens qui feraient défaut à la Whermacht sur des fronts terrestres. Fallait-il, pour cela, arriver à de tels massacres ? La question n’a pas encore trouvé sa réponse définitive.

 

Keith Lowe, Inferno, Perrin, 2015, 424 pages, 24 €

Catégories
Biographies Recensions

Pétain

Broché : 1035 pages
Editeur : Perrin (28 août 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262038856
ISBN-13 : 978-2262038854
Dimensions : 24,1 x 3,7 x 15,4 cm

 Pétain

Pourquoi une nouvelle biographie de Philippe Pétain alors que la recherche historique est déjà riche de plusieurs livres consacrées au chef de l’Etat français ? C’est peut-être que les biographies précédentes étaient engluées dans des querelles partisanes, pro et anti-Pétain se renvoyant la balle, les premiers pour lui trouver des circonstances atténuantes et les autres pour l’accabler. Jusqu’à 1940, une vie de Pétain s’écrit sous le mode du panégyrique. Passé juin 1940, la création de l’Etat français, la concentration de l’ensemble des pouvoirs, la collaboration avec la puissance occupante souhaitée dès la rencontre de Montoire, couvrent d’un voile sombre une période qui, quoiqu’on en pense, ne comporte pas que du blanc et du noir. C’est tout le mérite de Bénédicte Vergez-Chaignon que d’avoir respecté la complexité de l’Histoire grâce à ce travail magistral. Il n’y a pas de révélations à attendre de la lecture de cette très volumineuse biographie. Mais, on peut dire que l’auteur, maîtrisant parfaitement son sujet, donne du personnage et de l’époque la peinture la plus juste possible. Produisant un travail d’historienne, non de justicière, Bénédicte Vergez-Chaignon dissèque avec méthode la complexité du vainqueur de Verdun. Commandant d’un régiment à la déclaration de guerre en août 1914, Pétain gravit rapidement les échelons jusqu’au maréchalat auquel il accède en 1918. Fort de sa réputation de chef brillant et économe du sang des soldats, Pétain est rappelé de son ambassade espagnole alors qu’en ce mois de juin 1940 le pays se trouve dans une déshérence totale. Pétain apparaît à tout le monde comme l’homme providentiel. Chef de l’Etat jouissant de la confiance des parlementaires, il aurait pu se contenter de gérer la faillite du pays. Il va faire plus : « Vouloir rénover la France, la redresser, en mettant en œuvre les idées qui lui sont chères de longue date. » (p. 425) De là la naissance d’un régime qui, par bien des aspects, s’apparente à une dictature.

Il faut saluer le remarquable travail de Bénédicte Vergez-Chaignon, auteur d’un travail équilibré et très documenté. Sans jamais céder à la polémique, l’historienne restitue aussi finement que possible les enjeux dans lesquels se débattaient le maréchal Pétain et aussi, dans une moindre mesure, le général de Gaulle. Après ce Pétain, il sera très difficile d’aller aussi loin.

 

Bénédicte Vergez-Chaignon, Pétain, Perrin, 2014, 1 040 pages, 29 €

Catégories
Histoire Recensions

Waterloo 1815

Broché : 315 pages
Editeur : Perrin (15 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262039402
ISBN-13 : 978-2262039400
Dimensions : 22 x 2,4 x 17,1 cm

 Waterloo 1815

Faute d’avoir commémoré à sa juste mesure l’éclatante victoire d’Auterlitz (1805 – 2005), peut-être la République cherchera-t-elle à « équilibrer la balance » en fêtant la défaite de Waterloo dont, en juin prochain, sera célébré le deuxième centenaire. Ainsi va la vie : nos dirigeants semblent préférer les raclées que se rappeler les triomphes de nos armées. D’ailleurs, si la délégation envoyée en Moravie en 2005 était des plus squelettiques, celle qui accompagnait les Britanniques se rappelant l’éclatant souvenir de Trafalgar était davantage étoffée. Curieuse nation qui préfère oublier ses victoires pour mieux se souvenir de celles de ses ennemis…

Thierry Lentz, l’actuel directeur de la Fondation Napoléon, a choisi de ne pas entrer dans cette polémique. Son livre figure parmi les premiers de la longue théorie des histoires de la bataille de Waterloo qui ne manquera pas de ponctuer l’année 2015. Nombreux sont les ouvrages de qualité à décrire par le menu les diverses phases de la batailles ; citons pour mémoire les Waterloo de Jacques Logie, Jean-Claude Damamme ou Alessandro Barbero, tous excellents. Habitué à des travaux de niveau universitaire et fort de connaissances encyclopédiques sur la période, Thierry Lentz a préféré écrire un livre pour Monsieur tout le monde. Facile à lire, doté d’une mise en page aérée, agrémenté d’illustrations de qualité, le livre de Thierry Lentz se place d’emblée parmi ces livres grand public qui, sans faire de bruit, en peu de pages, donnent l’essentiel. Phase après phase, c’est l’ensemble de la campagne de Belgique de ce mois de juin 1815 qui vaut l’objet de chapitres clairs et éclairants. Le lecteur averti n’attendra pas de révélations de ces pages ; peut-être même trouvera-t-il certaines phases de la bataille trop rapidement expédiées, cas, par exemple, de l’attaque mal montée du Ier Corps de Drouet d’Erlon. Mais l’intention de Thierry Lentz, l’un des meilleurs spécialistes de la période, n’était pas de raconter dans le détail ces jours funestes pour nos armes. Il s’agissait de donner un récit simple et circonstancié, compréhensible par tous et d’abord par les lecteurs peu au fait de la geste impériale. Dans ce cadre, le pari est pleinement réussi.

 

Thierry Lentz, Waterloo 1815, Perrin, 2015, 316 pages, 24.90 €