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Biographies Recensions

Lénine

Broché: 576 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (30 août 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2262034540
ISBN-13: 978-2262034542
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,8 cm

 Lénine

Il y a deux ans, Robert Service nous avait gratifiés d’une remarquable biographie de Trotski. L’historien britannique récidive avec, cette fois, une vie de Lénine. Paru il y a douze ans, traduit récemment en France, le livre révèle une qualité d’écriture et un sérieux de la recherche qui font de cette biographie ce qu’il y a de mieux en la matière. Nombre de vies de Lénine ont été publiées avant celle-ci, néanmoins, depuis que les archives du régime soviétique sont ouvertes aux historiens, on en sait un peu plus de la personnalité du maître de la Russie soviétique de fin 1917 à 1924, et de la politique qu’il a menée. La première éclaire de près la seconde et le livre de Robert Service fait apparaître un tempérament hors du commun.

Né dans une famille bourgeoise, élève doué, Vladimir Illich Oulianov ne tarde pas à se passionner pour la politique. A l’image de son frère Alexandre, exécuté pour rébellion, il poursuit une idée fixe : chasser les Romanov et instaurer un Etat communiste. Toute sa jeunesse est marquée par l’errance – Paris, Londres, Berne et Zurich… – et le triomphe de ses idées prend un temps considérable. Longtemps il n’est, chez les bolcheviks, qu’une sorte de primus inter pares et le groupuscule dont il se targue d’être le chef ressemble plus à un panier de crabes, avec ce qu’il faut de jalousies et d’ambitions insatisfaites, qu’à l’avant-garde du prolétariat. Avant de faire tomber le régime, il lui faudra du temps pour devenir maître chez lui. L’auteur montre à satiété combien la chance le sert en 1917 ; Lénine ne fait que tirer les marrons du feu d’une révolution qui se sera souvent faite sans lui. Sa chance, il est vrai, cohabite avec une intelligence politique et un flair hors du commun.

Robert Service a mis tout son talent pour cerner la personnalité d’un individu arriviste et tourmenté. Cela dit, il n’est pas tendre envers le père d’Octobre 1917. R. Service dévoile un être passionné, colérique, cynique : « Jamais il ne vint à l’idée de Lénine de s’interroger sur les mérite d’une révolution admettant qu’on supprime des gens honnêtes, bien intentionnés et compétents. Dans ce carnage révolutionnaire, il s’arrangeait toujours pour rester hors champ. C’était l’attitude d’un fanatique au savoir livresque qui n’éprouvait aucun besoin d’assister en personne à la violente réalité de sa révolution » (p. 399).  Malgré cette violence et cette dureté, Lénine était un être plus complexe qu’on le pense. Ses rapports avec les femmes montrent par exemple qu’il ne s’est jamais départi d’un certain esprit romantique et d’une politesse petite-bourgeoise. La preuve est faite qu’un révolutionnaire patenté peut conserver des sentiments. Ces sentiments, on aura du mal à les trouver chez Staline : l’élève avait dépassé le maître.

Robert Service, Lénine, Perrin, 2012, 562 pages, 28 €

 

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Histoire Recensions

Solférino : 24 juin 1859

Broché: 218 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (16 février 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 226203706X
ISBN-13: 978-2262037062
Dimensions : 20 x 13,2 x 2,6 cm

 Solférino : 24 juin 1859

Le 24 juin 1859, à Solférino, en Italie septentrionale, l’armée franco-sarde emmenée par l’empereur Napoléon III battait l’armée autrichienne placée sous le commandement du tout jeune empereur François-Joseph. A cette époque, les nationalités commençaient tout juste à émerger ; l’Allemagne et l’Italie n’avaient pas encore réalisé leur unité. La guerre de ce temps-là oppose des empires. Elle a généralement lieu sur le sol européen. Plus tard, avec la colonisation, les conflits seront délocalisés outre-mer où l’on voudra se partager le monde à coups de zones d’influence. Sous ce regard, Solférino est une bataille importante car c’est elle qui marque le point de départ de l’unité italienne sous la prédominance de la Maison de Piémont – Savoie. Elle met en jeu des armements modernes : fusil à grande cadence de tir pour les Autrichiens, artillerie moderne chez les Français. Tactiquement, Solférino n’a rien à voir avec Austerlitz et Friedland. Le neveu est une bien pâle copie du grand oncle. La bataille de Solférino voit donc s’affronter deux énormes masses, front contre front, sans idée de manœuvre. Un tel affrontement ne peut que tourner à la boucherie. Le soir de la bataille,  un jeune Suisse du nom d’Henri Dunant parcourt, terrifié, le champ du massacre au milieu des cris de souffrance des blessés. Cette humanité à l’agonie ne peut être abandonnée sans soin : la Croix Rouge est née.

Pierre Pellissier écrit des livres d’histoire comme on les aime : un récit haletant, vivant, haut en couleurs. L’auteur du remarquable Fachoda et la mission Marchand demeure ici conforme à son image : un narrateur aimant raconter des histoires qui s’appuient sur un fond historique sûr. Malgré ou à cause de ces qualités, la lecture de ce Solférino s’avère quelque peu décevante. Deux cents petites pages paraissent trop justes pour relater de manière satisfaisante les préliminaires géopolitiques du conflit, les opérations de la campagne d’Italie de 1859 ainsi que le déroulement en détail de la gigantesque bataille de Solférino, peut-être la première de l’époque moderne, celle qui, en tout cas, est une des premières à ne plus ressembler aux affrontements de l’époque napoléonienne.

 

Pierre Pellissier, Solférino, 24 juin 1859, Perrin, 228 pages, 22 €