Pie XII
Le spécialiste de l’histoire de l’Italie contemporaine qu’est Pierre Milza ne pouvait pas ne pas consacrer un livre à Pie XII, un pape dont l’importance est manifeste pour la compréhension de l’évolution de l’Eglise au cours de la seconde moitié du XX° siècle. Biographie très classique, le Pie XII de Pierre Milza jouit d’une postériorité qui lui permet d’intégrer l’ensemble de ce que la communauté des chercheurs sait d’Eugenio Pacelli. Issu de la bourgeoisie romaine, fils d’une famille pieuse, le jeune Eugenio Pacelli a tôt fait de découvrir la vocation qui l’habite : il sera prêtre. Seulement, il était dit que ce brillant sujet ne saurait se contenter d’un office médiocre au service de la sainte Eglise romaine. Ses qualités d’intellectuel et de diplomate lui font brûler les étapes : nonce à Munich en 1917, puis à Berlin en 1925, secrétaire d’Etat du pape Pie XI en 1929… C’est en 1939, à la veille de la guerre, que les cardinaux l’élisent sur le trône de saint Pierre. Vient la guerre, la période des grands déchirements : que doit faire et que doit dire le pape devant l’étendue des crimes de guerre, la Shoah en premier lieu ? Diplomate à l’excès, soucieux du sort des catholiques de langue allemande, il condamne les crimes nazis avec une retenue qui donnera des arguments à ceux qui, tel l’auteur du Vicaire Rolf Hochhut, lui ont reproché avec force ses silences. En réalité, s’il abhorre le nazisme et montre son souci du peuple juif en sauvant de l’horreur des milliers de juifs italiens, Pie XII, sans doute en raison de sa germanophilie latente, déteste encore plus le communisme. « Si pour le parti de Hitler la question est celle de la mise en tutelle des Eglises dans le cadre d’un Etat autoritaire, voire totalitaire, pour les communistes il s’agit de mettre en place leur complète éradication » (p. 141-142)
Toujours intéressant, facile à lire, ce Pie XII est indéniablement de très bonne facture. Cela suffira-t-il pour l’amener à concurrencer d’autres biographies du pape Pacelli, comme celle de Robert Serrou, rien n’est moins sûr ? Concentrée essentiellement sur les aspects diplomatiques du pontificat, le livre de Pierre Milza fait malheureusement l’impasse sur quantité de dossiers essentiels à la compréhension de l’histoire de l’Eglise au XX° siècle, comme le refus des prêtres-ouvriers. Pontificat important au plan des relations internationales, il le fut également pour l’évolution de l’Eglise, avant l’élection de Jean XXIII et la convocation du second concile du Vatican. !
Pierre Milza, Pie XII, Fayard, 2014, 475 pages, 25 €