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La France d’hier

Éditeur ‏ : ‎ FLAMMARION (6 mars 2019)
Langue ‏ : ‎ Français
Poche ‏ : ‎ 468 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2081479427
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2081479425
Poids de l’article ‏ : ‎ 325 g
Dimensions ‏ : ‎ 10.8 x 2.3 x 17.9 cm

Ce Récit d’un monde adolescent (sous-titre) nous plonge dans la province profonde du début des Trente Glorieuses. Quelques années après viendront les bouleversements : religieux (concile Vatican II), économiques (société de consommation), sociétaux (Mai 68). Ce récit vivant, à hauteur d’adolescence et de jeunesse, relate le vécu des contemporains de cette époque, qui en quelques années ont vu s’effondrer un monde, espérant la venue d’une société plus fraternelle. Il n’a pas fallu longtemps pour voir les idéaux se fracasser contre le réel. Que s’est-il produit ? Comment est-on passé, en si peu de temps, d’un monde rural à une société basée sur l’individualisme et la consommation ? Comme écrit l’auteur en préface : « Ce livre voudrait faire comprendre « de l’intérieur » le climat d’une époque, ce que pouvait être la vie d’un jeune dans les années 1950 et 1960 et comment se sont nouées dans cette période des contradictions qui éclateront au grand jour en Mai 68. » (p. 17)

Jean-Pierre Le Goff, La France d’hier : Récit d’un monde adolescent des années 1950 à Mai 68, Stock, 2018, 465 pages, 21.50 €

L’extrait : « En ce sens, je me sens redevable à la société des années 1960 de m’avoir permis d’accéder à la littérature et à l’art sous la double modalité des livres de poche et des reproductions d’œuvres d’art. » (p. 246)

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Le crépuscule des idoles progressistes

Broché : 300 pages
Editeur : Stock (1 février 2017)
Collection : Essais – Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2234079810
ISBN-13 : 978-2234079816
Dimensions : 13,5 x 2 x 21,5 cm

 Le crépuscule des idoles progressistes

Décidément, la France aime les idées et les batailles d’idées. Il y a peu, les observateurs soulignaient la fin de la querelle gauche – droite au prétexte que les frontières idéologiques avaient cédé devant l’individualisme et la consommation. L’ouvrage de Bérénice Levet, confirmé par tant d’autres livres, d’articles et d’interviews, remet avec force les pendules à l’heure : non, le débat d’idées n’est pas mort. S’adaptant et se renouvelant au gré des fluctuations de la société, il reprend des couleurs. La meilleure preuve en est les élections présidentielles, les deux candidats épousant de près la doxa propre à leur camp, progressiste d’un côté, réactionnaire de l’autre. Mondialisation, culte du progrès, ouverture à l’autre, à gauche ; défense des identités, amour de la tradition, volonté de ne pas se faire submerger, à droite. Mais, comme le fait remarquer Bérénice Levet, les situations de départ n’étaient pas les mêmes, la gauche ayant, depuis 1945, préempté les fruits idéologiques d’un débat déserté pour partie par une droite enchevêtrée dans le marais de la Collaboration. Misant sur l’appauvrissement d’une pensée autrefois largement dominante, l’auteur alimente les ressorts des vieilles « passions françaises » (Theodor Zeldin). L’enracinement de l’homme, la transmission du passé, l’assignation d’un rôle majeur dévolu à l’école, le droit des peuples à la continuité historique, telles sont les idées fortes que porte Le crépuscule des idoles progressistes. Dans une société aussi atomisée que la nôtre, il vaut la peine de se pencher sur des questions dont, esprit partisan ou pas, tout citoyen sérieux ne saurait faire l’économie. Estimant que le progressisme « a programmé l’obsolescence de l’être occidental », B. Levet postule la venue d’un citoyen capable de s’enthousiasmer pour l’héritage civilisationnel dont il est porteur. En ces temps portés au nihilisme, un livre à considérer avec le plus vif intérêt.

 

Bérénice Levet, Le crépuscule des idoles progressistes, Stock, 2017, 265 pages, 19.50 €

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Comprendre le malheur français

Broché : 378 pages
Editeur : Stock (9 mars 2016)
Collection : Essais – Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2234075416
ISBN-13 : 978-2234075412
Dimensions : 13,6 x 2,5 x 21,5 cm

 Comprendre le malheur français

Comprendre le malheur français fait partie de ces réflexions qui ont le mérite de mettre au centre la France, son présent et son avenir. Contrairement au pays officiel qui demeure dans la dénégation, Marcel Gauchet prend très au sérieux ce malheur français. L’introduction met d’emblée le lecteur dans l’ambiance. Pourquoi le Français, s’il se dit individuellement satisfait de son sort, ne parvient-il pas à considérer la situation avec la satisfaction qu’en attendent les élites ?  Si les Français continuent de broyer du noir, c’est en grande partie parce qu’ils ont un rapport particulier à la mondialisation. L’hypothèse principale du sociologue est que « la France a négocié dans de très mauvaises conditions le tournant de la mondialisation » (p. 9) Alors que les élites économiques et médiatiques ne voient aucun inconvénient à cette course à la marchandisation générale et à l’américanisation, le peuple considère avec inquiétude le déclassement qui touche le pays. Autrefois grande puissance, un temps épargné par le déclin grâce à la vision gaullienne de la souveraineté, le pays s’enfonce depuis une trentaine d’années dans la médiocrité et la consommation. Ce n’est pas seulement l’immigration de masse qui angoisse les Français, affolés à l’idée de voir le pays, ses mœurs, ses us et coutumes se perdre dans la globalisation. M. Gauchet insiste d’abord sur la notion de grandeur perdue, sur l’aveuglement de la classe politique et la déception due à l’échec de l’Europe. Le modèle français, essentiellement due à la puissance de la notion d’Etat-nation, est en train de s’effondrer, peu à peu remplacé par le nivellement et le relativisme dont les puissants font leur miel. Dans la leçon de réalisme qu’assène l’auteur, parmi les mensonges et supercheries qu’il met à jour, retenons ce qui, d’après lui, constitue le malentendu politique français. Celui-ci a une source principale : « Les élites françaises ne connaissent plus l’histoire de leur pays et ne s’en sentent plus solidaires. » (p. 24)

La démonstration assénée par Marcel Gauchet est rude, mais nécessaire à entendre. Il nous fait mesurer l’ampleur du décalage qui existe entre le peuple français et ceux qui, selon lui, l’ont mené à l’impasse. Pour beaucoup, le bonheur ne passe pas par le stade de l’homme nomade, citoyen du monde, formaté par la novlangue contemporaine.

 

Marcel Gauchet, Comprendre le malheur français, Stock, 2016, 371 pages, 20 €

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L’identité malheureuse

Broché: 240 pages
Editeur : Stock (9 octobre 2013)
Collection : Essais – Documents
Langue : Français
ISBN-10: 2234073367
ISBN-13: 978-2234073364
Dimensions : 21,4 x 13,6 x 2,8 cm

 L’identité malheureuse

Contrairement à ce qu’un certain déballage médiatique aurait pu faire croire, le dernier livre d’Alain Finkielkraut n’a rien d’une charge contre l’islam ou les banlieues. Il est loin d’être, comme on a pu le lire avec effarement dans un hebdomadaire national, un ramassis de propos de café du commerce. La plumitive qui a écrit cette bêtise connaît-elle Hume, Hobbes, Pascal et les autres philosophes et écrivains convoqués par l’auteur ? Il y a des polémiques qui ne font pas honneur à ceux qui les lancent, mais passons…

A partir de l’affaire du foulard de Creil en 1989, A. Finkielkraut s’interroge sur le présent et l’avenir du pays, plus précisément sur la modalité française de la civilisation européenne. A l’heure de la mondialisation, de l’arasement des frontières, que devient l’identité de la France ? Convoquant historiens, philosophes et écrivains, l’auteur du Mécontemporain se penche avec passion sur un pays où le vivre-ensemble ne va plus de soi. Que nous est-il arrivé ? Quel mauvais génie nous a-t-il entraîné dans une société atomisée, déculturée, où les anciens marqueurs, autrefois unanimement acceptés, ne font plus référence ? L’auteur commence sa réflexion par l’affaire du collège de Creil, lorsque deux adolescentes se voient refuser l’accès du collège pour port d’un foulard islamique. C’est de là qu’est parti le débat qui a vu la France refuser le voile islamique et, de façon plus générale, les signes d’appartenance ostentatoires ? Ce ne sont pas des critères religieux qui ont conduit à l’interdiction, mais la compréhension historique de ce qu’est l’identité de la France, une nation qui a porté au pinacle l’amour courtois, la galanterie et la littérature. La modernité, via ses composantes essentielles que sont la globalisation et l’immigration, est en train d’anéantir l’effort patient et obstiné des anciens. Plus grave, « pour la première fois dans l’histoire de l’immigration, l’accueilli refuse à l’accueillant la faculté d’incarner le pays d’accueil » (p. 115), d’où l’irruption des repentances et de la glorification des minorités. Que devient alors le droit de la majorité, son histoire, sa capacité à incarner l’essence d’une nation ? A l’heure de la bigarrure universelle on ne le sait plus trop, d’autant que ce qui était autrefois chargé de donner un sentiment commun, comme l’Ecole et la Famille, est en panne. Bref, à l’instar de Péguy, A. Finkielkraut, ne pouvant s’empêcher de voir ce qu’il voit, en tire des conclusions pessimistes. Avons-nous encore le choix ? Si on ne l’a plus, il ne nous reste plus qu’à accompagner « une transformation démographique qui n’a donné lieu à aucun débat, qui n’a même été décidée par personne » (p. 214) ; de quoi alimenter un peu plus cette « identité malheureuse ».

 

Alain Finkielkraut, L’identité malheureuse, Stock, 2013, 229 pages, 19.50€